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Elle se déroule à Anvers au Mukha qui cherche à montrer le caractère politique de son oeuvre - l'expo s'intitule d'ailleurs "Soleil politique", écrit en noir sur fond jaune, un hasard sans doute..., lequel est vraiment sous-jacent et est à trouver dans les recoins de ses installations, films, dessins ou sculptures.Le parcours, même s'il se veut chronologique, paraît au premier abord aléatoire : heureusement, un petit livret remis à l'entrée permet de s'y retrouver un peu, dans ce qui peut par ailleurs ressembler à un rébus géant : lettre, textes, images et objets s'entrechoquent.Tous les incunables de Broodthaers s'y retrouvent : le musée d'Art moderne département des aigles, animal qui dans l'esprit de l'artiste représente le pouvoir et dont il a - narcissiquement ? - le profil.Cette installation et ses dérivés (une habitude chez Broodthaers que la réplication) interrogent le statut et la fonction du musée, celui de l'artiste par sa signature, et donc en effet est une sorte de déclaration politique.Communiste, Broodthaers, ce littéraire qui choisit de faire de l'art son pain (brood en néerlandais) quotidien, eut d'ailleurs une existence misérable, vivant d'oeufs et de moules, qui serviront de base à ses oeuvres ou " oeufvres " parfois. De là à dire que c'était politique...On ne peut nier l'importance de cet artiste sur la scène contemporaine actuelle : sa bêche au décor floral ne peut que rappeler celle décorée d'armoiries de Wim Delvoye, comme ses cartes détournées. Ses boites de Vache qui rit ouvertes avec les inscriptions, "un peu, beaucoup, à la folie"...seront reprises par le groupe bel qui produit le fromage et qui chaque année à un artiste lors de la Fiac de paris d'en produire une variante (Delvoye le fit il y a deux ans).Mais c'est surtout l'aspect poétique qui frappe dans cet accord de mots et d'images, d'objets ou de couleurs, comme dans ce "Fémur d'homme belge" décoré des trois couleurs nationales.L'aspect humoristique est évidemment présent, mais moins tout de même que chez Marcel Mariën, maître du jeu de mots en trois dimensions. Broodthaers serait plutôt un lacanien des arts ou du hasard, la poésie surgissant parfois par accident : de son " tableau " sur lequel s'inscrit le mot décor, reflète dans la muséographie de l'expo anversoise la grande installation intitulée " Studio " et d'où se détache une rangée de mitraillettes.Plus que Mariën, la filiation avec Magritte est évidente, dont il reproduit la photo sur un écran de projection : si la photographie de la transmission du chapeau est absente (vue à Bruxelles il y a deux ans dans l'exposition Magritte Broodthaers), les références à la pipe parfois, et celle quasi constante dans la calligraphie, identique à celle utilisée par Magritte, tendrait à considérer Broodthaers comme une version en trois dimensions de l'oeuvre du grand René. Sauf que ces ready-mades réalisés à partir d'objets usuels (un parasol, une casserole, une cage à oiseau...) pour en donner une valeur artistique renvoient à un autre Marcel... Duchamp celui-là.Autre influence patente notamment au travers de l'installation " Tabac belge " qui présente une rangée de sacs de cette matière, celle de Joseph Beuys, contemporain de Broodthaers, qui débuta avant lui et qui, comme lui, eut droit à une rétrospective, voici deux ans au Mukha, puisqu'il performa lui aussi à la fameuse Wide White Space Gallery d'Anvers.