L'Ordre des médecins a reçu depuis le 1er juin une nouvelle compétence relative à la désignation des médecins-contrôleurs et des médecins-arbitres et à la procédure de plainte. En gros, une bonne chose car ces médecins doivent obéir eux-aussi à la déontologie médicale et peuvent être poursuivis s'ils trahissent le secret médical. Explications avec l'avis du Conseil national.
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La médecine de contrôle est "l'activité médicale exercée par un médecin pour le compte d'un employeur en vue de contrôler l'impossibilité pour un travailleur de fournir son travail par suite de maladie ou d'accident". Elle obéit, comme toute médecine, aux Droits du patient. "Le patient a donc notamment droit à une prestation de qualité, à des informations (qualité du médecin, sa mission, raison d'examens supplémentaires, etc.) et à la consultation du dossier médical le concernant du médecin-contrôleur et celui du médecin-arbitre." De même, le patient a droit à la présence d'une personne de confiance lors de l'examen à moins que celle-ci ne perturbe ledit examen. Le médecin-contrôleur a pour objectif de lutter contre les abus d'absence maladie. L'employeur fait appel à ses services le plus souvent pendant la période à laquelle le travailleur touche son salaire. Ensuite, la mutuelle qui verse une allocation d'incapacité de travail fait appel à son médecin-conseil pour apprécier si l'incapacité de travail est justifiée. Si l'incapacité de travail est longue, c'est généralement le médecin du travail qui apprécie si le retour au travail avec salaire garanti est réaliste et peut proposer un poste de travail adapté. Le médecin contrôleur ne pose pas de diagnostic ni ne prescrit de médicaments. Légalement, il n'est pas admissible qu'un médecin délivre un certificat de maladie en raison d'un conflit entre le travailleur et son employeur. Médecin et médecin de contrôle doivent aiguiller le patient vers un syndicat ou un avocat. Dans un avis récent, le Conseil national répète que "l'évaluation du lien entre l'environnement de travail et la maladie est une mission du médecin traitant: il est le mieux placé pour juger de cette matière délicate. [...] Il est préférable que ces expériences et cet univers strictement personnels soient abordés par le patient-travailleur dans le climat confidentiel d'une relation médecin-patient réunissant toutes les garanties en matière de secret professionnel. Le cas échéant, le médecin traitant peut, en concertation avec le patient, prendre contact avec le médecin du travail afin de rechercher une solution au problème existant." Le médecin contrôleur se limite au contrôle médical du patient et ne se mêle pas du traitement prescrit par le médecin du patient (il garde son avis pour lui). Le médecin-contrôleur, souligne le CN, "a le devoir déontologique d'adopter, sans distinction, une attitude empathique, attentive et respectueuse envers chaque patient". Les Conseils provinciaux peuvent intervenir sur le plan disciplinaire contre des médecins-contrôleurs indélicats. En effet, depuis juin, "toute plainte relative à l'organisation du contrôle, la compétence, le manque d'indépendance ou la faute professionnelle d'un médecin-contrôleur ou d'un médecin-arbitre relève de la compétence de l'Ordre des médecins".Le patient ne peut se défiler: il doit recevoir le médecin-contrôleur ou se rendre à son cabinet s'il est suffisamment valide. Sinon, il peut perdre le droit à l'indemnité. Le médecin-contrôleur peut si nécessaire procéder à un examen médical (mais sans commentaire sur le traitement médical reçu). Il remet ensuite au patient un document sur ses constatations à signer par le patient (qui peut refuser de le signer s'il conteste la teneur du rapport). Le médecin-contrôleur informe ensuite l'employeur (ou l'organisme de contrôle) du fait que le travailleur peut ou non travailler et son avis sur la durée supposée de l'incapacité de travail proposée par le médecin-traitant. Tout le reste (diagnostic, données non-médicales) relève du secret médical. Celui-ci s'applique également vis-à-vis de l'organisme de contrôle y compris son médecin-chef. Celui-ci ne peut pas s'immiscer dans la décision du médecin-contrôleur et encore moins dans le traitement prescrit par le médecin traitant. Il peut seulement faire des statistiques obéissant au RGPD. Pour le CN, le médecin-contrôleur doit prendre contact avec le médecin traitant s'il modifie la période d'incapacité et solliciter des informations complémentaires. Les deux médecins tenus par le secret professionnel échange des informations selon le critère de la proportionnalité et sans divulguer ce qui relève de l'intime. "Le médecin-contrôleur qui viole son secret professionnel peut être poursuivi pénalement et disciplinairement. En cas de différend sur l'incapacité de travail, le médecin-contrôleur et le patient et le médecin traitant tentent en premier lieu de se concerter et de parvenir à un consensus." Si ce n'est pas possible, une des parties désigne un médecin-arbitre. Depuis août 2021, le CN est chargé de tenir la liste des médecins arbitres pour la médecine de contrôle et le traitement des plaintes les concernant. "La décision du médecin-arbitre est contraignante. Lorsque le patient n'est pas d'accord avec la décision du médecin-arbitre, il peut encore faire trancher l'affaire par le tribunal du travail."Le moment du contrôle n'est pas déterminé par la loi. "Dès que le travailleur signale l'incapacité de travail, l'employeur peut envoyer un médecin-contrôleur", même le premier jour qui ne nécessite pas de certificat. "Le médecin-contrôleur se rend au domicile du patient pour réaliser le contrôle qui peut aussi se faire en dehors des heures de bureau, à un moment acceptable (entre 8 heures et 21 heures) ainsi que le dimanche et les jours fériés."