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Pour cela, il est important de collaborer avec le pharmacien de référence", relève la pharmacienne hospitalière Enya Tavernier (hôpitaux ZNA, Anvers). "Il voit souvent le patient et sait quels médicaments en vente libre celui-ci utilise. Le pharmacien peut ainsi veiller à ne pas délivrer de médicaments qui ne conviennent pas aux patients ayant subi une chirurgie bariatrique."Les médicaments à prise orale ne doivent pas être plus gros que la gomme d'un crayon. C'est un aspect critique durant les deux premiers mois suivant l'intervention, des volumes trop conséquents pouvant exercer une pression sur les points de suture. Cette règle d'or reste de mise par la suite, car la solubilité des médicaments diminue après une chirurgie bariatrique, comme nous l'avons expliqué dans l'article précédent. Le pharmacien de référence peut apporter son aide, en première instance en prêtant attention à la taille de la forme galénique fournie. Par ailleurs, on peut chercher d'autres solutions: écraser les comprimés, ouvrir les capsules si cela n'affecte pas leur action ou opter pour une forme liquide - en évitant les formes à forte teneur en sucre -, des comprimés orodispersibles, effervescents, des patches, etc. Le site de la Vlaamse Vereniging van Ziekenhuisapothekers (Association flamande des pharmaciens hospitaliers, ndlr), fournit des informations, médicament par médicament, sur la possibilité (ou non) d'écraser les comprimés ou d'ouvrir les capsules ainsi que sur les alternatives hydrosolubles et orales (https://vza.be/bibliotheek/pletmedicatie). Les préparations à libération prolongée (préparations retard) seront exclues, différents facteurs affectant leur action: le changement de pH du système digestif, la diminution de la solubilité du médicament, le raccourcissement du transit. L'alternative consiste à prescrire des préparations à libération immédiate en plusieurs prises quotidiennes ou un autre médicament. Les formes "à enrobage entérique", dont la résorption dépend du pH, seront également évitées après une chirurgie bariatrique. "Toutefois, si le patient prenait déjà un médicament à effet retard avant l'intervention et que ce médicament continue ensuite à produire l'effet souhaité, il n'est pas nécessaire de chercher une alternative", commente Enya Tavernier. "Il ne faut tenir compte de ces conseils que si on remarque que le médicament ne produit plus le même effet qu'avant la chirurgie bariatrique. Par contre, quand on entame un nouveau traitement, mieux vaut éviter d'emblée les produits à libération prolongée."Le nom commercial d'un médicament permet de savoir s'il s'agit d'une forme galénique à libération prolongée. Voici quelques formulations fréquentes: · Retard · MR: modified release · SR: sustained release · CR: controlled release · XR: extended release · HBS: hydrodynamically balanced system · P: prolongatum Attention également à: Coruno, Unidiamicron (uno ou uni pour une dose quotidienne), Ferro-gradumet (grad pour graduel), MS contin (contin pour continu), Tardyferon (tardy pour retard). "Cela dit, le nom de certains médicaments ne comporte pas la moindre indication quant à leur libération prolongée", relève Enya Tavernier. "Je pense par exemple à C-Will, Pentasa, Concerta, Selozok, Medikinet... Une fois encore, il peut être utile de consulter le pharmacien de référence." Après un bypass gastrique, la contraception orale n'est plus fiable à 100%, l'absorption hormonale adéquate n'étant plus garantie. La sleeve ne pose théoriquement aucun problème, mais la littérature recommande malgré tout la prudence si la patiente est fréquemment en proie à des vomissements ou à de la diarrhée. Parallèlement, la fertilité de la femme augmente rapidement après une perte de poids considérable. Dans un avis récent, la KNMP (l'association néerlandaise des pharmaciens) conseille d'éviter toute grossesse durant les 12 mois suivant une chirurgie bariatrique, à cause des pressions accrues qui peuvent se produire. Le stérilet hormonal, le patch, l'anneau vaginal ou l'implant sous-cutané constituent des alternatives fiables à la pilule contraceptive. La KNMP ne recommande pas l'usage des contraceptifs injectables, qui aggravent le risque d'ostéoporose alors que cette dernière figure précisément parmi les complications possibles de la chirurgie bariatrique. Douze mois après l'intervention, la femme peut envisager une contraception orale, exception faite des pilules à faible dosage et à une condition: l'absence de tout facteur menaçant l'atteinte de la concentration plasmatique effective minimale, comme la diarrhée chronique. Il faut expliquer à la patiente que l'efficacité d'une pilule combinée après chirurgie bariatrique n'a pas encore fait l'objet d'études approfondies. Toutefois, dans les études pharmacocinétiques, la concentration plasmatique après une chirurgie bariatrique semble rester supérieure aux concentrations effectives minimales. Les pilules contraceptives d'urgence peuvent également être moins fiables. On préfèrera donc le stérilet en cuivre, qu'il faut placer endéans les 120 heures suivant un rapport sexuel non protégé. Après une chirurgie bariatrique, la malabsorption et/ou un apport alimentaire difficile peuvent induire des carences en vitamines et en minéraux. Les symptômes suivants peuvent survenir: chute de cheveux et cheveux cassants (carence en zinc et en protéines), cicatrisation difficile des plaies (cuivre), hématomes et saignements (vitamine K), troubles neurologiques centraux ou périphériques (vitamine B1, acide folique, vitamine B12, calcium et cuivre), troubles du goût (zinc), cécité nocturne (vitamine A)... "Toutes les directives conviennent de la nécessité d'une supplémentation à vie, sous une forme adéquate", précise Enya Tavernier. Des préparations multivitaminées spécifiques sont recommandées après une sleeve gastrectomie. Les directives conseillent d'envisager en plus une supplémentation en calcium, vitamine D, vitamine B12 et fer. Tous ces compléments sont fermement recommandés après la mise en place d'une sleeve. Il faut aussi réfléchir à l'utilité de suppléments de vitamine A, E, K en zinc, cuivre et sélénium. Les compléments "à envisager" sont administrés en fonction de l'analyse sanguine ou du bilan clinique. Des contrôles à vie sont nécessaires, puisque la résorption peut fluctuer après une chirurgie bariatrique. Enya Tavernier a comparé une série de préparations multivitaminées fréquemment employées. "La composition de Barinutrics®et de WLS (tous deux spécifiquement conçus pour les patients ayant subi une chirurgie bariatrique) satisfait aux directives", résume-t-elle. "Supradyn®Energy comprimés effervescents contient trop peu d'acide folique (200 µg, alors qu'on recommande 400-800 µg) et un rien trop peu de fer (14 mg, alors qu'on conseille 18 mg). La préparation contient aussi du calcium, qui interfère avec la résorption du fer. Le complément multivitaminé de Kruidvat ne contient pas d'acide folique, de fer ni de sélénium, trop peu de zinc et de cuivre. Je ne conseillerais pas ces deux compléments. Toutefois, si les taux sanguins d'un patient qui consomme tel ou tel complément sont bons, il n'y a pas de raison d'en changer. Barinutrics®est un rien plus cher que les autres. Je tiens à signaler que WLS n'est disponible qu'en ligne."En ce qui concerne les autres suppléments, il faut commencer par souligner que la vitamine D peut être administrée en dose plus élevée que d'habitude: de 2.000 à 4.000 IE/jour. Mieux vaut prendre le calcium (1.200 - 1.500 mg/jour) en deux prises quotidiennes, pour en favoriser la résorption, de préférence en respectant un certain temps avant la consommation de compléments multivitaminés contenant du fer. On recommande le citrate de calcium, sa résorption étant indépendante du pH. Lors d'une prescription magistrale de citrate de calcium, il faut tenir compte du fait que le dosage indiqué ci-dessus concerne le calcium élémentaire, qui ne représente que 20% du poids du citrate de calcium. À l'exception du Losferron® disponible en comprimés effervescents, tous les suppléments en fer en vente sur le marché belge sont des formes à effet retard. Le complément est pris une fois par jour. On recommande deux doses aux femmes avant la ménopause, cette phase étant souvent caractérisée par des menstruations abondantes. Afin de faciliter la résorption de ce minéral, mieux vaut le prendre avec un jus de fruit ou en même temps que la vitamine C. Il n'y a pas de recommandation particulière en sus des doses quotidiennes conseillées pour les autres suppléments alimentaires pris séparément: zinc (30 mg/jour), vitamine B12 (350-500 µg), vitamine A (3.000 µg ou 10.000 IU), vitamine E (100 IU), vitamine K (300 µg), vitamine B1 (200-300 mg). Les AINS sont exclus après une chirurgie bariatrique: ils ont un effet très irritant sur la petite partie résiduelle de l'estomac. Cette contre- indication concerne toutes les formes - orales, intraveineuses et en suppositoires - car les AINS exercent leur effet sur la muqueuse gastrique par voie systémique. Le pharmacien de référence veillera à ne pas délivrer d'AINS en vente libre à ces patients. Si ceux-ci ont besoin d'un anti-inflammatoire, on peut envisager, durant un court laps de temps, un coxib en combinaison avec un IPP. Parmi les alternatives possibles, on trouve le paracétamol, le tramadol, la codéine ou d'autres dérivés morphiniques. Les biphosphonates oraux (leur délivrance par intraveineuse ne pose pas de problème) et la consommation chronique de corticoïdes sont également déconseillés après une chirurgie bariatrique. L'aspirine n'est utilisée qu'en prévention cardiovasculaire secondaire.