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La façon dont on prescrit les médicaments joue un rôle clé dans l'introduction de résidus pharmaceutiques dans l'environnement. Dès lors, comment améliorer les pratiques de prescription pour réduire l'impact négatif des médicaments sur la planète? Le Dr Bent Windelborg Nielsen, pédiatre danois, a exposé les premiers résultats d'une initiative nationale lancée au Danemark pour essayer de préserver le pouvoir des antibiotiques. L'objectif est d'élaborer des interventions visant à réduire en toute sécurité l'exposition aux antibiotiques dans les premières semaines de vie. En 2016, en constatant l'augmentation de la résistance aux antibiotiques dans les isolats bactériens en pédiatrie, les Danois ont mis l'accent sur la réduction de la prescription des antibiotiques jugés "critiques". Quelques principes ont été suivis: préférer les pénicillines plutôt que les céphalosporines et les antibiotiques à spectre étroit plutôt que ceux à large spectre, et penser collectif (tous les services de pédiatrie d'une région ont participé). "Qu'avons-nous appris huit années plus tard? L'adhésion à la stratégie antibiotique est toujours bonne, il n'y a pas eu de 'glissement' au fil du temps. On suit le plan et on utilise d'abord les antibiotiques 'old style' (pénicillines orales et IV). L'étape en cours vise les prescriptions et dosages pédiatriques standards pour les infections courantes", indique le Dr Windelborg Nielsen. "Que faisons-nous chez les nouveau-nés qui souffrent d'une infection? En cas de septicémie, le traitement standard a changé en 2022: on est passé de l'ampicilline + aminoglycoside (gentamicine) à la pénicilline + gentamicine. La norme est toujours de sept jours en IV, mais en avons-nous besoin? Nous ne sommes pas les seuls à nous poser la question, d'autres chercheurs s'y sont également intéressés."Par exemple, une étude internationale sur les infections chez les nouveau-nés, parue dans le JAMA Netw Open en 2022 (5(11): e2243691). "L'utilisation appropriée d'antibiotiques permet de sauver des vies en cas de sepsis néonatal précoce, mais la surconsommation d'antibiotiques est associée à la résistance aux antimicrobiens et à des résultats défavorables à long terme. De vastes études internationales quantifiant l'exposition aux antibiotiques en début de vie, ainsi que l'incidence de la septicémie néonatale à début précoce sont nécessaires pour fournir une base aux futures interventions visant à réduire en toute sécurité l'exposition aux antibiotiques en période néonatale", notent ces chercheurs. Ces derniers ont donc comparé l'exposition postnatale précoce (au cours de la première semaine de vie) aux antibiotiques, l'incidence du sepsis néonatal précoce (early-onset sepsis, EOS) et la mortalité dans 13 réseaux hospitaliers répartis dans 11 pays en Europe, Amérique du Nord et Australie. Dans cette étude portant sur 757.979 enfants dans le monde développé, presque 3% ont reçu des antibiotiques par voie intraveineuse au cours de la première semaine postnatale (1,18% à 12,45%, selon les réseaux). L'incidence de l'EOS était de 0,49 cas pour 1.000 naissances vivantes et le taux de mortalité associé était de 3,20%. "Soit presqu'autant que la mortalité par cancer", constate Bent Windelborg Nielsen. "Les résultats de cette étude montrent que l'exposition aux antibiotiques au cours de la première semaine postnatale est disproportionnée par rapport au fardeau du sepsis néonatal précoce, et qu'il existe des variations importantes (jusqu'à un facteur 9) au niveau international, ce qui suggère que cette exposition pourrait être réduite en toute sécurité", concluent les auteurs de l'étude. "Le sepsis néonatal précoce est une infection sérieuse, on ne peut donc pas se passer des antibiotiques, mais on peut y réfléchir", estime le pédiatre danois, qui donne l'exemple d'une étude multicentrique néerlandaise (Lancet 2022 ; 6(11): 799-809). Le passage d'une antibiothérapie intraveineuse (haute dose) à une antibiothérapie orale (faible dose) chez les nouveau-nés n'est pas encore pratiqué dans les pays à revenu élevé en raison des incertitudes concernant l'efficacité et la sécurité de cette pratique. C'est pourquoi des chercheurs néerlandais ont évalué les résultats d'un passage précoce d'une antibiothérapie IV à une antibiothérapie orale (amoxicilline-acide clavulanique) par rapport à une antibiothérapie IV complète chez les nouveau-nés souffrant d'une infection bactérienne probable. Dans cet essai multicentrique, randomisé, ouvert et de non-infériorité, les patients ont été recrutés dans 17 hôpitaux des Pays-Bas. Les nouveau-nés chez qui un traitement antibiotique prolongé était indiqué en raison d'une infection bactérienne probable, ont été répartis au hasard pour passer à une suspension orale d'amoxicilline 75 mg/kg + acide clavulanique 18-75 mg/kg (en trois doses quotidiennes) ou pour continuer à recevoir des antibiotiques en IV. Les deux groupes ont été traités pendant sept jours. Résultat? Les antibiotiques oraux ne se sont pas montrés inférieurs aux antibiotiques IV. Le Dr Windelborg Nielsen résume la pratique actuelle en cas de septicémie précoce chez le nouveau-né: "On donne des antibiotiques en IV pendant minimum deux jours. Si on voit une bonne réponse clinique et paraclinique, on passe à l'amoxicilline par voie orale, et on prend des nouvelles par téléphone dans les 48 heures après la sortie de l'hôpital.""Mais on aimerait faire plus", ajoute-t-il. "Une étude nationale est en cours pour raccourcir le traitement antibiotique chez le nouveau-né. Nous sommes actuellement engagés dans ce processus de réduction globale de l'utilisation des antibiotiques et heureusement, nous n'avons pas de décès. Je pense qu'on peut poursuivre dans cette voie, ce qui permettrait de réduire l'antibiorésistance et le relargage des antibiotiques dans l'environnement."La sécurité de la désescalade antibiotique continue à être étudiée. Des travaux récents (Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 2023 ; 109(1): 34-40) ont ainsi démontré que la thérapie orale à domicile améliore bien la charge de traitement pour les nouveau-nés, les soignants et les systèmes de santé, et que la facilité d'administration par voie orale n'augmente pas pour autant l'utilisation globale des antibiotiques.