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Comme pour toute forme de transport " public ", les spationautes auront la possibilité de choisir la longueur du trajet, les formules les plus modestes étant les excursions orbitales ou suborbitales - qui peuvent aller de quelques minutes pour les premières à quelques semaines voire quelques mois sur la SSI pour les secondes. Ceux qui veulent voir les choses en grand vont toutefois jusqu'à rêver de séjours sur la lune ou même d'expéditions de plusieurs années à destination de Mars.Si l'impact des vols suborbitaux reste vraisemblablement limité, il en va tout autrement des vols orbitaux, comme nous l'a appris l'expérience de la SSI. Nous nous sommes déjà arrêtés au fil de cette série sur l'exposition aux rayonnements et sur les effets d'un séjour dans l'espace sur la structure et la fonction du cerveau ou encore sur l'équilibre, mais d'autres systèmes majeurs comme la circulation sanguine ou les os sont également concernés.Au cours d'un vol orbital, les fluides corporels tendent à se concentrer dans la tête et le tronc à cause de l'absence de gravité, avec à la clé un oedème facial et des céphalées. Heureusement, il suffira de quelques jours à l'organisme pour s'adapter à ces nouvelles conditions par une diurèse accrue, qui abaissera la quantité de liquide extracellulaire et le volume plasmatique. Un nouvel équilibre va ainsi se mettre en place et le coeur va réagir à la baisse de la volémie par une augmentation du volume d'éjection. Jusqu'ici, aucun trouble du rythme sérieux ou autre anomalie notoire n'ont toutefois été enregistrés au cours d'un vol spatial.Les conditions de microgravité se soldent également en l'espace de quelques jours par un affaiblissement des baroréflexes sous l'effet de l'absence de gradient hydrostatique dans l'organisme. Lors du retour sur Terre, ceci peut provoquer une hypotension orthostatique jusqu'au rétablissement de l'équilibre physiologique normal.La survenue rapide d'une ostéo-porose sous l'effet de la microgravité est un phénomène bien connu. Sans surprise, la déperdition osseuse s'observe en particulier dans les zones qui subissent sur terre la pression la plus marquée, comme le rachis lombaire, le bassin et le col du fémur... tandis que la densité osseuse reste au contraire inchangée dans l'avant-bras et tend même à augmenter un peu au niveau du crâne. En parallèle, la masse musculaire aussi fond comme neige au soleil, au point que certains n'arrivent plus à bouger de manière efficiente à leur retour sur Terre. Les voyageurs en partance pour Mars aussi pourraient être confrontés à ce problème, mais avec cette différence qu'ils seront largement livrés à eux-mêmes à l'arrivée.Un autre phénomène dont on parle moins est le léger allongement de la colonne vertébrale qui peut intervenir après quelques jours ou semaines dans l'espace et s'accompagne d'un risque accru de maux de dos et de hernie discale. " Les personnes qui souffrent de problèmes lombaires ou cervicaux préexistants pourraient voir leurs symptômes s'exacerber [dans l'espace, ndlr] ", soulignent les auteurs de l'article publié dans le NEJM.La fonction respiratoire, elle, reste globalement épargnée. Comme les organes abdominaux se mettent plus ou moins à " flotter " sous l'effet de la microgravité, on assiste certes à un déplacement vers le haut du diaphragme qui se solde par une légère diminution des volumes respiratoires, mais celle-ci est compensée par un meilleur équilibre entre ventilation et perfusion chez les sujets en apesanteur. De ce fait, les échanges gazeux restent pratiquement aussi efficaces que sur terre.Reste quelques dysfonctions moins sévères, mais qui risquent tout de même de gâcher quelque peu le plaisir d'un voyage dans l'espace à visée récréative. On connaît notamment quelques cas de rétention urinaire provoquée par la microgravité - un désagrément transitoire qui peut exceptionnellement imposer brièvement le recours à l'auto-cathétérisme. Si ce phénomène devait se confirmer dans un public de voyageurs plus important, il faudra néanmoins tenir compte d'un risque accru de microtraumatismes et d'infections. Précisons également, à cet égard, que les séjours dans l'espace ont un effet inhibiteur sur le système immunitaire.Lors de l'interprétation de cette impressionnante liste d'effets de santé, il convient toutefois aussi de prendre en compte la nature de la population étudiée ou envisagée. Les données dont nous disposons à l'heure actuelle proviennent en effet d'astronautes entraînés, dont un certain nombre ont même bénéficié d'une formation militaire. La question se pose donc de savoir comment gérer les risques dans une population plus large. Aux États-Unis, la régulation dans ce domaine relève de l'administration fédérale en charge de l'aviation (FAA)... qui ne se foule pas beaucoup, laissant aux citoyens candidats à un voyage dans l'espace la liberté de décider par eux-mêmes si ce type de vol récréatif leur semble sûr dans leur cas spécifique et à l'industrie spatiale, la responsabilité de bien les informer.La FAA a tout de même ordonné la réalisation de trois études afin d'examiner la réaction de non-professionnels aux tests de centrifugation qui simulent l'accélération au cours d'un vol spatial suborbital. Ces travaux ont porté sur des sujets âgés de 19 à 89 ans et souffrant d'un large éventail de maladies chroniques stables (hypertension, maladies pulmonaires et coronariennes, diabète...).Conclusion ? Les malades chroniques supportaient bien le test d'un point de vue physiologique, mais 6 % l'ont fait interrompre pour cause de mal des transports ou de problèmes d'anxiété et 14 % ont présenté des comportements potentiellement problématiques ou susceptibles de compromettre leur sécurité." Il n'est pas évident d'apporter la preuve légale que les participants [à un vol dans l'espace] comprennent parfaitement à quels risques ils s'exposent [...]. Même en leur faisant signer un formulaire de consentement éclairé, on ne pourra vraisemblablement pas éviter qu'ils fassent un procès à l'industrie spatiale en cas d'accident ou de lésion ", soulignent encore les experts dans l'article du NEJM. D'après eux, il ne suffira pas de monter à bord et de profiter de l'expérience : les personnes qui veulent se rendre dans l'espace devront d'abord se soumettre à des tests de centrifugation, des vols paraboliques ou encore des exercices en chambre à dépression...