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Les nausées et vomissements comptent parmi les plaintes les plus fréquemment rencontrées chez les patients palliatifs. "Une cause majeure de nausées est ce que j'appelle officieusement une "constipation relative" - comprenez, une accumulation excessive de matières fécales dans l'intestin chez un patient qui va encore à selle de temps en temps", explique le Dr Van den Eynde. Lorsque les nausées évoluent en vomissements, il faudra plutôt penser à une (sub)occlusion par compression de l'intestin soit depuis l'extérieur soit depuis l'intérieur, sous l'effet d'un processus expansif. Le déplacement des intestins associé à une ascite peut également provoquer des plaintes. Parmi les autres causes fréquentes de nausées et de vomissements chez les patients palliatifs, on retiendra encore les tumeurs et métastases cérébrales, la chimiothérapie palliative ou, plus rarement, des troubles électrolytiques. Ces derniers sont souvent difficiles à objectiver chez les patients suivis à domicile, et il n'est pas rare que l'analyse révèle une fausse hyperkaliémie parce que le transfert des échantillons au laboratoire a pris trop de temps. Le stress et l'anxiété revêtent ici une importance toute particulière, car le fait de ne pas savoir ce que l'avenir leur réserve est souvent pour ces patients une grande source d'angoisse. Il conviendra alors en premier lieu d'ouvrir le dialogue afin de comprendre exactement ce qui leur fait peur ou ce qui leur semble problématique. La teneur de cette conversation sera différente d'un malade à l'autre, mais remettre sur le tapis les soins que l'intéressé souhaite encore recevoir peut être une bonne manière d'aborder la question. "Un médecin soucieux de la planification (anticipée) des soins aura déjà sondé les desiderata du patient pour la suite du traitement bien avant la phase palliative, mais il est évident que ce dernier changera parfois d'avis dans le décours de sa maladie", clarifie Johan Van den Eynde. "En outre, les proches voudront souvent aussi exprimer leur point de vue, ce qui peut mettre au jour des visions très divergentes. Tant que le patient est encore en mesure de communiquer, le dialogue a donc toute sa pertinence.""Il conviendra aussi de répéter les explications en demandant au patient non seulement s'il a compris, mais aussi ce qu'il a compris. Si vous avez vous-même fait l'expérience d'une maladie grave, vous avez certainement conscience que, sous l'effet de la nervosité, on n'entend parfois que la moitié des explications du médecin.""De nombreux généralistes - et je ne fais pas exception - hésitent avec une certaine gêne à visiter leurs patients palliatifs tous les jours. Pourtant, ces contacts fréquents ne sont pas un luxe inutile, en particulier au stade terminal, car ces malades ont besoin de soutien et d'un dialogue avec leur médecin. S'il s'écoule une semaine entre deux visites, les questions s'accumulent et il est difficile de toutes les aborder."Le diagnostic reposera en premier lieu sur l'anamnèse. "Les propos du patient devront toutefois toujours être replacés dans le cadre de ce que révèle l'examen physique", avertit le Dr Van den Eynde. "Certains patients affirment ne pas être constipés parce qu'ils vont encore à selle, alors que la palpation de l'abdomen révèle clairement un côlon dilaté, parfois en présence de fécalomes. D'autres ne se plaignent pas de constipation mais de diarrhées ; il s'agira alors de diarrhées de débordement."Le toucher rectal peut présenter une plus-value, mais il n'est pas indispensable au diagnostic. Exceptionnellement, on pourra demander une échographie ainsi qu'une radiographie de l'abdomen, qui en complètera les résultats. La prévention revêt une importance capitale. "Lors du recours aux opioïdes, qu'ils soient faibles ou puissants, il conviendra d'augmenter les doses de façon progressive. En d'autres termes, face à un patient qui se plaint de douleurs, il ne faut pas attendre que celles-ci deviennent un problème aigu, sous peine de devoir brutalement recourir à un traitement fortement dosé qui risque de se solder par des nausées et vomissements devant à leur tour être traités", explique Johan Van den Eynde. "Ce scénario n'est évidemment pas souhaitable. Mieux vaut donc convenir en temps utile avec le patient d'initier un traitement à faible dose qui pourra être progressivement intensifié."Lorsque l'on débute un traitement par opioïdes, il faudrait aussi immédiatement y ajouter un laxatif, en particulier chez les patients moins mobiles. On privilégiera ici les laxatifs osmotiques et en particulier le macrogol pour éviter la formation massive de gaz intestinaux associée à d'autres spécialités. Si une constipation survient malgré tout, il faudra éventuellement en traiter la cause et/ou accroître le dosage du laxatif, voire à la rigueur réduire le traitement antalgique. Il faut toutefois se garder de suivre aveuglément les tableaux de conversion, souligne le Dr Van den Eynde. "Le médecin voudra parfois passer à un traitement opioïde moins constipant comme l'oxycodone ou un patch antalgique transdermique... mais comme les tableaux de conversion sont souvent imprécis, il peut se retrouver à administrer des doses trop élevées. Dans ce cas de figure, il aura encore une marge de manoeuvre pour abaisser le dosage et mieux protéger le patient contre la constipation. Soyez attentif aux pupilles lors de la titration du traitement antalgique: un net myosis est un signe de surdosage."Une fois la constipation installée, le patient pourra retirer un bénéfice de laxatifs de contact ou, dans les cas plus sérieux, d'un lavement. "Une assistance infirmière efficace pourra alors s'avérer extrêmement précieuse", souligne Johan Van den Eynde. "Le lavement pourra être administré à l'aide d'une sonde rectale afin d'atteindre le côlon sigmoïde. Le problème pourra parfois être résolu par l'injection de 1,5 à 2 litres d'une solution saline."Un prokinétique peut donner un coup de fouet supplémentaire à la motilité intestinale. La butylhyoscine est efficace contre les maux de ventre, mais son effet anticholinergique peut encore aggraver la constipation. En cas de nausées sans lien avec une constipation, on pourra envisager une faible dose d'halopéridol (5 gouttes/jour) ou de lévomépromazine (1/4 d'un comprimé de 25 mg/jour). Les conseils nutritionnels peuvent se résumer en quelques mots: des repas légers, fractionnés de préférence en petites quantités, peuvent contribuer à prévenir les vomissements. Dans certains cas, il peut aussi être utile d'aborder le problème avec l'entourage. "Les proches insistent parfois pour que le patient se force à vider son assiette, ce qui peut déjà suffire à provoquer nausées et vomissements", commente Johan Van den Eynde. "Il est important que les patients palliatifs mangent ce qu'ils peuvent et ce qu'ils aiment, quitte à remplacer un repas complet par une part de gâteau."Il arrive que même la consommation orale de liquides se solde par des vomissements. Dans ce cas de figure, leur administration par voie parentérale n'est pas une bonne solution parce qu'ils vont s'accumuler dans l'organisme et alimenter encore davantage les vomissements. Une sensation de soif (modérée) pourra être soulagée par des soins de bouche appropriés (voir notre article "Détresse respiratoire, toux et râle agonique"). Dans les cas les plus difficiles, le patient pourra être pris en charge au service des urgences. "Il n'est d'ailleurs pas exceptionnel qu'une collaboration avec l'hôpital soit nécessaire - notamment, par exemple, pour quelques séances de radiothérapie en présence de métastases cérébrales ou osseuses", commente le Dr Van den Eynde. Il souligne toutefois à l'intention de ses collègues de la deuxième ligne qu'il est important de ne pas hospitaliser trop longtemps un patient qui veut finir ses jours chez lui, afin que ceux qui le soignent en première ligne ne se retrouvent pas complètement déconnectés de son état physique et de ses besoins. "Si nous devons à chaque fois retrouver nos marques, le patient risque de perdre un temps précieux."