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L'IA appliquée à la médecine est, pour Jean-Louis Vincent, simplement "une science informatique capable d'analyser des données médicales complexes et en nombre important". La "machine" peut évoluer sans supervision au démarrage pour être supervisée ensuite, ou l'inverse: c'est le cas de ChatGPT. Depuis 2010 est apparu le "deep learning"/apprentissage profond qui débouche sur des découvertes par la machine d'éléments que les humains n'auraient pas pu soupçonner. Ce qui n'empêche que pour fonctionner efficacement et éviter des résultats absurdes, l'IA nécessite une collaboration étroite entre le médecin et l'ingénieur. Tout le monde connaît la télémédecine. Ce n'est à proprement parler pas de l'IA. Mais elle utilisera celle-ci de plus en plus pour devenir plus efficace. La télémédecine génère des quantités de données de plus en plus astronomiques qui seront analysées par l'IA. La télémédecine permet l'interaction à distance entre le patient et le médecin, entre médecins, la surveillance médicale à distance, la téléassistance pendant un acte et l'organisation des soins à distance. "Le transfert des données à distance transforme radicalement nos sociétés. En médecine, un malade frappé par un infarctus du myocarde ne devra plus nécessairement être transféré dans une institution spécialisée capable de réaliser un cathétérisme cardiaque en urgence..." Le cardiologue n'aura plus qu'à effectuer ce geste à distance. Le médecin sur place introduira le cathéter... et bientôt peut-être un robot le fera à sa place. La télémédecine offre de nombreux avantages: consultation à distance d'un médecin de garde, contact avec un spécialiste vivant sur un autre continent, avis d'un médecin absent de l'hôpital... Les caméras surpuissantes donnent l'impression d'être au chevet du patient. Cette technique pourra désengorger les services d'urgence et améliorer la communication avec le patient rentré à son domicile. Bref: "La distance ne compte plus", en témoignent ces kiosques de télécardiologie américains... ou ces hôpitaux américains sans médecins dans lesquels seules des infirmières spécialisées ("nurse practitionners") sont présentes. Le robot va-t-il bientôt introduire le cathéter, disions-nous supra? Le robot n'est que la première application de l'IA, selon Jean-Louis Vincent. Un robot [2] modifie physiquement les choses autour de lui. Il peut jouer le rôle d'auxiliaire médical (consultation à distance si connecté à une sonde d'ultrasons). Il peut calculer les doses de médicament ou participer à un acte technique comme l'intubation endotrachéale. Il peut enlever un corps étranger dans l'estomac ou atteindre un endroit difficile en chirurgie urologique (Da Vinci). En tant qu'aide infirmier, le robot peut désinfecter les sols dans les hôpitaux voire identifier les veines et faciliter les perfusions intraveineuses. Il aidera également le malade à passer d'un lit à l'autre ou à un fauteuil. Il deviendra même acteur de la revalidation ou servira d'exosquelette et distribuera les repas dans les chambres. Le drone est une autre manifestation de l'IA. Une firme australienne a ainsi utilisé un drone pendant la crise covid-19 pour repérer des patients fiévreux dans la foule. Le drone est capable de transporter du sang pour analyse en évitant les bouchons routiers et acheminer des échantillons de sang de groupe rare ou encore des médicaments qui ne sont pas en stock. L'IA est une aide précieuse au diagnostic. La machine repère les anomalies sur une image (une radio) bien mieux que l'oeil humain comme la reconnaissance des tumeurs cutanées ou des tumeurs mammaires lors d'une mammographie. L'IA peut faire une analyse génétique d'un patient ou reconnaître des rétinopathies, interpréter un ECG mais, beaucoup plus difficilement, interpréter une échocardiographie. L'IA aidera aussi grandement la prise en charge du malade. "L'identification en temps réel de tissus cancéreux ou précancéreux au cours d'une intervention peut guider le chirurgien (...) L'IA peut développer de nouvelles stratégies thérapeutiques (...) La machine pourra également rappeler le risque de complication abdominale infectieuse et recommander un autre CT-scan abdominal et/ou l'appel en consultation du chirurgien, par exemple (...) La machine peut faire aussi bien voire mieux que le spécialiste en maladies infectieuses en diminuant le risque de scotomiser."Aux urgences, l'IA va assister les équipes d'intervention voire rendre caduc le score MEWS (Modified Emergency Warning Score). L'IA va améliorer la surveillance des malades (espacement des passages infirmiers lors du monitorage). Les services d'urgence seront convertis dans les grandes lignes. Ces services sont souvent saturés mais en même temps rassurent les malades en ce qu'ils leur offrent une prise en charge rapide de plusieurs spécialités en même temps, contrairement au cabinet du généraliste. L'IA participera au développement des "parcours" de soins: "de grande urgence", "d'urgence relative" ou "non urgent" (avec estimation du délai de prise en charge jusque trois heures par exemple et donc une estimation de l'intérêt même de se rendre aux urgences). Ici aussi, le médecin à distance rendra peut-être caduques les ambulances médicalisées si un paramédical est présent dans le véhicule. En médecine, l'IA va améliorer grandement la collecte du big data, à condition toutefois d'utiliser le même langage dans tous les secteurs et de systématiser la collecte de données. La littératie en santé sera améliorée. Le patient aura à disposition des données objectivées sur l'efficacité des services hospitaliers car l'IA lissera les biais d'analyse (comme le taux de mortalité postopératoire forcément plus important dans les hôpitaux universitaires et le nombre de décès "attendus" qui sont comptabilisés déjà différemment dans les hôpitaux américains). L'IA peut aussi mieux monitorer la douleur. ChatGPT et consorts peuvent être consultés pour analyser les symptômes (à condition d'avertir l'utilisateur de consulter un médecin en cas de doute un peu comme sur les posologies des médicaments). En outre, l'IA "peut potentiellement analyser les chances de survie à terme mieux que le médecin". La machine identifiera aussi mieux qu'un gestionnaire les lits ouvrables (ou silencieux), les manquements en cas de crise et les tâches de chacun et, probablement, établira les priorités sans doute avec plus de minutie qu'un humain. En matière de simulation, les casques de réalité virtuelle et même les métavers permettront de "tester les réactions des soignants vis-à-vis de complications imprévues comme un saignement massif, une arythmie sévère ou une perte brutale de connaissance".La révolution IA n'est cependant pas sans écueil: la protection des données doit être centrale, les erreurs sont inévitables et le risque d'applications qui n'ont pas de sens doit être évité en faisant collaborer médecins et ingénieurs. Si l'IA devrait diminuer les coûts de la médecine, la question de la responsabilité civile et pénale se pose ainsi que le risque d'éviction de l'homme par la machine. "Le contrôle humain reste donc de première importance. L'IA sera complémentaire à l'humain mais ne remplacera pas totalement l'intelligence humaine."