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La dyslipidémie est un terme général, qui englobe autant les variations de taux de cholestérol total que du LDL, du HDL, des triglycérides, de la lipoprotéine A [lp(a)] et de l'apolipoprotéine B. Afin d'y voir un peu plus clair, certaines précisions s'imposent. C'est la raison pour laquelle l' European Society of Cardiology a, lors de son dernier congrès, proposé de nouvelle recommandations, qui d'ailleurs ont été largement commentées dans ce journal (voir Jdm de septembre). Pour rappel : voir les tableaux ci-après avec les risques selon l'âge, la tension sanguine, le tabagisme et le taux de cholestérol (1mmol/L = 38,67mg/dL), ainsi que les nouvelles valeurs cibles du cholestérol-LDL.Le message le plus important consiste dans l'abaissement des valeurs cibles pour le LDL, tant pour la prévention primaire que secondaire, la devise actuelle étant : " the lowest is the best ". Quelle est alors la meilleure stratégie à suivre par le médecin traitant ? Nous l'avons demandé au Pr Ann Mertens, endocrinologue et coresponsable de la clinique de lipides de l'UZ Leuven." En cas de dyslipidémie, les premières recommandations restent l'arrêt du tabagisme, de meilleures habitudes alimentaires, le contrôle pondéral et la l'activité physique. Avec une alimentation adaptée on peut déjà faire baisser le LDL de 20%. Les 80% restants sont d'origine génétique et ne peuvent être diminués qu'avec une médication adaptée ", nous explique l'endocrinologue.Les tables de risque d'accident cardiovasculaire sont adaptées aux régions, et tiennent compte de la mortalité cardiovasculaire dans différents pays. Elles nous permettent d'évaluer précisément le risque de mortalité d'origine cardiovasculaire endéans les dix années à venir, compte tenu de plusieurs facteurs, tels que l'âge, le sexe, le tabagisme, la tension sanguine et le taux du cholestérol. " De cette façon les patients à risque peuvent être identifiés, ce qui permet au médecin traitant de leur donner les explications nécessaires sur la nécessité d'adapter leur mode de vie, afin de leur éviter d'arriver dans la zone 'rouge' ou 'ronge foncé' quand ils seront plus âgés. S'il y a lieu, on leur prescrit des statines. Compte tenu du risque, et selon les nouvelles recommandations, le LDL ne doit pas seulement atteindre une valeur cible, mais doit également diminuer de 50% ".Faut-il encore prescrire des statines aux patients âgés ? " Oui, certainement quand il s'agit d'une prévention secondaire. En cas de prévention primaire chez les patients au-delà de 75 ans, il faut tenir compte d'interactions éventuelles avec d'autres médicaments, car ces patients sont souvent traités pour d'autres pathologies et leur fonction rénale n'est pas toujours optimale. Dans ce cas, il suffit de commencer par une dose inférieure qui peut le cas échéant être ensuite augmentée progressivement. "Souvent mentionnées comme effet secondaire des statines, les douleurs musculaires ont une prévalence assez variable. Selon des études en double aveugle, randomisées et contrôlées contre placebo, les statines ne provoqueraient pas ou peu de douleurs musculaires. Par contre, dans les études observationnelles où les patients savent quelle est la nature du produit qu'il reçoivent, 10 à 15% des patients traités aux statines mentionnent des douleurs ou faiblesses musculaires. Ces douleurs sont en général symmétriques et disparaissent quand on arrête les statines. La plupart du temps la CK (créatine-kinase) n'est pas augmentée. Cet effet secondaire est moins fréquent avec des statines hydrophiles, telles que la pravastatine et la rosuvastatine, qu'avec des statines lipophiles, telles que l'atorvastatine et la simvastatine. En cas de douleurs musculaires, avec ou sans élévation de la CK, il est préférable de choisir une statine moins lipophile ou de prescrire une dose plus faible en association avec l'ézétimibe. En dernier recours, on peut diminuer la dose en limitant la posologie à 2 ou 3 fois par semaine ('alternate day dosing'). Avec la prise de fortes doses de statines, comme l'atorvastatine et la rosuvastatine, des méta-analyses ont constaté davantage de nouveaux cas de diabète de type 2. Il s'agit alors de patients plus âgés et de personnes à risques divers pour le diabète, comme le surpoids et la résistance à l'insuline.L'hypercholestérolémie familiale (HF) semble plus fréquente qu'on ne le pensait auparavant, avec une prévalence de 1 sur 250 à 300. Lorsqu'on découvre un cholestérol LDL très élevé (>190 mg/dL sans traitement), il est important de s'enquérir d'accidents cardiovasculaires précoces dans la famille. Le diagnostic d'HF se pose à l'aide du score DLCN (Dutch Lipid Clinic Network). Si le score dépasse huit points, le diagnostic d'HF ne fait plus de doute. En dessous de huit points, on peut procéder à un examen génétique complémentaire. Si le diagnostic d'HF est confirmé, et si les médicaments classiques (statine + ézétimibe) ne suffisent pas à atteindre la valeur cible de LDL, nous disposons depuis 2015 d'anticorps monoclonaux, les inhibiteurs de la PCSK9, qui ne sont remboursés qu'après demande motivée d'un médecin spécialiste. Actuellement, il y a deux produits sur le marché : l'ali-rocumab (Praluent® Sanofi) et l'évolocumab (Repatha® Amgen). Le patient peut s'injecter lui-même le produit en sous-cutané, deux fois par mois. " L'hypercholestérolémie familale est un 'silent killer', qui doit être découvert et traité dès le plus jeune âge, " ajoute le Pr Mertens.À la clinique des lipides on ne traite pas seulement des patients à risque cardiovasculaire élevé et ayant une hypercholestérolémie, mais également des patients avec hypertriglycéridémie, syndrome métabolique, obésité, diabète, intolérance aux statines, et antécédents de rhabdomyolyse. Ils sont envoyés par des cardiologues, des neurologues, des chirurgiens vasculaires et des généralistes.En général, l'hypertriglycéridémie est la conséquence d'abus d'alimentation riche en graisse et d'alcool, et de surpoids, avec risque accru de pancréatite. Le traitement de base comporte une adaptation du mode de vie, avec une alimentation saine, sans alcool, et de l'activité physique. L'hypertriglycéridémie se traite également par la prescription de statines, éventuellement en association avec des fibrates ou des acides gras oméga-3.