Très belle exposition au musée des Beaux-Arts de Calais consacrée à une artiste locale, Jeanne Thil, laquelle, dans la première moitié du siècle dernier, décrit des pays du Sud idéalisés.
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Souvent à Calais échouent désormais des migrants venus de l'Afrique subsaharienne... Et il y a un siècle tout juste une peintre locale, Jeanne Thil, découvrait un Continent africain qu'elle va ensuite idéaliser dans sa peinture pittoresque, dans un rendu qui fait rêver le métropolitain au Maghreb colonisé. Mais n'allons pas trop vite, car cette artiste à la technique très sûre va tout d'abord voyager dans le temps avant de s'embarquer dans "l'espace". Son style, libre et fougueux s'affirme déjà au début lorsque, sur base de documents, elle signe la fresque des bourgeois de Calais dans un style un peu pompier à la Gérôme ou rappelant Rochegrosse. Les oeuvres préparatoires des fresques Exploits de la cavalerie de Louis XIV qui décorait l'hôtel palace le Royal Picardy au Touquet confirme un style figuratif, voire réaliste par moments. L'artiste se montre par ailleurs très à l'aise dans toutes les techniques qu'il s'agisse de la gouache, du dessin, de l'affiche, de la peinture à l'huile ou de la fresque monumentale. En 1917, Jeanne Thil voyage en Espagne, et cette première rencontre avec le soleil donne des oeuvres... lumineuses, notamment des gouaches qui évoquent Goya. Un autre espagnol qui vient à l'esprit en voyant la grande toile Un port en Provence qui évoque par sa taille, son sujet et son clair obscur, c'est Sorolla. Dans sa description de Corfou, les montagnes de Thil évoquent la Sainte-Victoire de Cézanne, sa palette celle du même et de Monet, où l'ocre domine ("Berger grec au Soumion"). En 1920, elle foule pour l'unique fois le sol africain, dans l'ancienne Afrika, la Tunisie. Toujours dans ses tableaux, l'artiste montre des personnes souvent en compagnie d'animaux, qui lui permettent de renseigner le "regardeur" quant à l'échelle et d'insuffler de la profondeur à sa toile. Souvent dans ses oeuvres parfois peintes vingt ans plus tard se retrouvent des prototypes repris à l'envi: le caravanier immaculé, la femme portant une jarre, une autre crapahutant un jeune enfant dans son dos. Fruit d'une collaboration avec le musée Branly qui a présenté une exposition de même titre présentant quelques oeuvres de Jeanne Thil voici quelques années, l'expo répartie en petits espaces thématiques, aborde son activité d'affichiste, qui en produisit de colorées notamment (pour les compagnies transatlantiques voyageant vers l'Afrique): ces vues d'Afrique rêvée et pittoresque, orientalistes faisaient merveille, tout comme ses fresques qui décoraient quelques luxueuses cabines: il est vrai que l'artiste avait étudié les arts décoratifs. Au-delà des clichés que son art véhicule, le dromadaire en est un condensé, sa technique sur le vif lors de son voyage en Tunisie qui croque marchand ou habitante résulte en des tableaux vivants et vivaces. Parfois, lorsqu'il ne s'agit pas de commande, Jeanne quitte le réalisme carte postal pour une rêverie impressionniste, presque mélancolique à voir la lumière douce qui accompagne dans le souk une jeune femme au premier plan. En voyant ces images, on a l'impression d'un théâtre privé où le figuratif le dispute au pittoresque. Dans sa dernière partie, l'exposition montre le travail d'autres artistes féminines de la même époque qui ont sillonné l'Afrique en quête d'images qu'il s'agisse de Marguerite Delorme, Henriette Damart en peinture ou de la photographe Thérèse Le Prat, nettement plus ethnologique. A la différence de Jeanne Thil, elles y ont longtemps séjourné... Peintures des lointains de Jeanne Thil jusqu'au 28 février au Musée des Beaux-arts de Calais 25 rue Richelieu à 62100 Calais. Renseignements: 0033 3 21 46 48 40 www.calais.fr musee@mairie-calais.fr tous les jours de 13 à 18 h sauf le lundi et les jours fériés. Entrée: 4?