Connu surtout en tant qu'ex-guitariste de Sonic Youth, Lee Ranaldo est un artiste protéiforme, sonore, performatif, auteur notamment d'écrits, de poèmes et d'oeuvres picturales. Il présente sa série de dessins Lost Highways à l'IKOB d'Eupen, qui raconte la vie en tournée au travers de paysages... sonores?
...
Avec sa série Lost Highways, Lee Ranaldo saisit sur le vif, au crayon, au marqueur ou au stylo, les routes qui défilent devant ses yeux lorsqu'il se déplace en musicien itinérant d'une ville à l'autre. Des dessins spontanés, esquisses sur feuille A5 parfois réimprimées et agrandies sur format A3, qui gardent un côté volontairement fragile sur bloc-note, afin de rappeler "l'éphémérité" du moment saisi. Faisant sienne la phrase d'Héraclite "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve", l'ancien guitariste de Sonic Youth exécute ces oeuvres en moins d'un quart d'heure depuis l'intérieur du bus de tournée, cherchant à capter un moment du mouvement, de la route ("the road") que les musiciens tels que Ranaldo ne connaissent que trop bien. Le journal du Médecin: Ce choix de l'improvisation est-il à mettre en parallèle avec votre manière de jouer de la guitare? Lee Ranaldo: Oui, d'une certaine manière. Je saisis à ma façon ce qui s'offre à moi: l'un des aspects les plus fastidieux en tant que musicien de tournée est de voyager, de rester assis dans un véhicule pendant de longues heures pour se rendre d'une ville à l'autre. M'occuper de la sorte sur ces tronçons normalement pénibles, a transformé ces périodes d'ennui en heures exaltantes passées à tenter de capturer le paysage. Il s'agit donc d'une expérience, tout comme le fait d'ajouter de la couleur. Je possède en fait une formation de graveur en tant qu'artiste visuel, que j'aime à croiser avec mon versant musical. Cela signifie-t-il que vous avez d'abord été plasticien avant d'être musicien? Non, les deux pratiques ont toujours cohabité. Mais à l'université, j'ai suivi une formation d'étudiant en Art, durant laquelle j'ai délaissé la musique pour me consacrer davantage à l'art... jusqu'à l'irruption du punk. Nous retrouvons dans votre dessin la similitude de votre jeu à la guitare: une certaine sinuosité? Il doit y avoir une certaine corrélation. Tout est en quelque sorte entrelacé. Si j'écris de la poésie, certains mots finissent parfois sur les toiles. La guitare n'était qu'une sorte de pinceau pour vous? Bien sûr. Beaucoup d'artistes de ma génération n'étaient pas issus du garage rock lycéen, mais avaient été formés à la pratique culturelle contemporaine à l'université, puis sont devenus cinéastes, peintres ou musiciens. Au sein de Sonic Youth, nous n'avons jamais été vraiment bons techniquement, tout en développant notre propre technique, singulière. Il en est de même, quelque part, de ma pratique artistique. Kim Gordon, qui faisait aussi partie de Sonic Youth, pratique à la fois l'art visuel et le rock. Mon ami Christian Mark, qui fait l'objet d'une rétrospective à Beaubourg en ce moment, a débuté en tant que musicien. Par ailleurs, David Bowie était un très bon peintre, et Paul McCartney l'est encore. À l'inverse, Jim Jarmusch a joué au sein de groupes rock, tout comme Jean-Michel Basquiat, Richard Prince, Robert Longo, à l'image d'autres créateurs qui sont devenus écrivains, peintres ou cinéastes.