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Dans un centre de formation, de vrais soignants et de faux patients simulent des consultations médicales. Le but de ces jeux de rôle est de développer les qualités humaines des thérapeutes - d'"accueillir le côté émotionnel", comme le dit une des formatrices. Mais l'idéal relationnel prôné en formation est-il applicable dans notre système hospitalier? Et à quelles conditions peut-on rester bienveillants au sein d'une institution maltraitante? À la suite de ces faux entretiens médicaux, les thérapeutes entendent ce que leurs mots, leurs gestes et leurs regards provoquent chez les personnes qui incarnent les patients. En pointant avec précision les comportements paternalistes de certains, la stigmatisation inconsciente de certaines catégories de citoyens et la difficulté de communiquer - "le médecin n'est pas là pour faire plaisir au patient, mais pour l'accompagner", explique l'une des psychologues formatrices -, les patients simulés tentent de développer les qualités humaines des thérapeutes. On est d'ailleurs frappé par l'investissement émotif, tant des soignants que des comédiens, au cours de ces fausses consultations. Mais si l'empathie est un sentiment qui s'éduque, c'est aussi une aptitude qui peut être mise à mal par un système maltraitant... D'autres soignants participent à un atelier de théâtre forum, où ils remettent en scène des situations de violence qu'eux-mêmes ont vécues au sein du système hospitalier. Ils échangent sur leurs conditions de travail, inextricablement liées à leur violence potentielle. Avec le manque de temps - "l'obligation d'efficience du fait de la tarification", dénonce l'une - et de ressources humaines - "un manque de personnel", renchérit un autre -, comment respecter encore leur humanité et celle des hommes et des femmes dont elles s'occupent? Ensemble, les membres du groupe parlent de burn out, de suicide, d'abandon: "On ne marche qu'à la culpabilité", soupire une infirmière chevronnée. Filmées de façon discrète - la réalisatrice Alexe Poukine ayant réussi à faire totalement oublier son oeil caméra -, ces séances mettent en avant les questions du surinvestissement des soignants dans leur travail, qui cachent leur souffrance devant les patients, dans un système qui broie et maltraite en effet, mène à l'épuisement voire au suicide, évoqué de façon émouvante par un des formateurs médecins. "Mais ce que les soignants cherchent ici, ce n'est plus à endiguer leur propre violence, mais celle qu'on leur fait subir", assène l'une des animatrices. Le partage au cours de ces séances de jeu de rôle devient soin, certes, mais ne serait-il que palliatif?