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Le guide à l'EVRAS a été approuvé en première lecture au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles en octobre dernier. Les lignes de cet accord entreront en vigueur d'ici la rentrée prochaine. Est-il encore possible d'en retirer les passages litigieux? Réponse avec Nicolas Janssen, député régional et communautaire MR. Le Journal du Médecin: Vous avez interpellé la ministre de l'Enseignement Caroline Désir en commission de l'Éducation du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles le 13 décembre 2022 par rapport à l'EVRAS. Certains contenus vous paraissent problématiques à aborder chez de jeunes enfants, notamment l'échange de sextos et de nudes... Nicolas Janssen: Le cyberharcèlement est un exemple concret des conséquences de l'utilisation inappropriée de sextos et nudes à un âge non adéquat, et cela conduit à des drames. Ne convient-il pas d'être draconiens dans les sensibilisations à ces sujets? Quel enfant de neuf ans peut par exemple mesurer les conséquences de l'envoi de sextos ou de photos de nus? L'hypersexualisation est omniprésente dans notre société, c'est pourquoi le recours à des pédopsychiatres ou psychologues spécialisés en la matière me semble indispensable. Qu'est-ce que la ministre Désir vous a répondu? Est-ce que ses réponses vous satisfont? Par exemple, le fait qu'une partie du guide pourrait être reformulée, est-ce suffisant pour vous? A-t-elle donné des précisions? La ministre a répondu que des reformulations auraient lieu: c'est déjà ça. Est-ce suffisant? J'ai tendance à penser que la reformulation de quelques passages ne suffira pas, mais la ministre n'a pas donné beaucoup de détails à ce stade. Elle a surtout voulu être rassurante. Ce sera à suivre de près, car moi, je ne suis pas rassuré du tout. Nous sommes convaincus des bienfaits de la généralisation de l'EVRAS, mais aussi de la nécessité d'un cadre et d'un périmètre clair, pour laisser cette éducation être dispensée en toute sérénité. Mon groupe politique souhaite que le guide de l'EVRAS soit revu, la précision des tranches d'âge questionnée, et non pas seulement reformulé à quelques endroits, par des professionnels de la santé et qu'il soit mieux adapté au développement psychique et global de l'enfant. On peut lire dans le guide que "les jeunes de 12 à 14 ans vont prendre de la distance vis-à-vis du discours de l'adulte, des figures parentales mais aussi vis-à-vis des valeurs familiales. Par ce biais, l'adolescent découvre qu'il existe une multitude d'opinions, des contradictions, des oppositions et qu'il est possible d'adhérer à l'un ou à l'autre." Est-ce que cela vous paraît être une incitation à prendre ses distances vis-à-vis des parents et de leur autorité? Comme l'écrivait le Pr Alain Eraly dans une carte blanche sur le sujet en juillet dernier: "N'instrumentalise-t-on pas le jeune en brandissant envers et contre tout le spectre d'une conviction intime réprimée? (...) Quelle est la part d'autonomie propre et la part d'influence et de pression des jeunes entre eux dans la formation de cette conviction intime?". Cette réflexion sur la part d'autonomie du jeune me paraît centrale. Comme mentionné dans une lettre ouverte, l'autodétermination de l'enfant est une des clés de voûte soutenant la rédaction de ce guide. Cela supposerait que l'enfant sache mieux que personne ce qui est bon pour lui. Son propre ressenti serait son meilleur guide, alors que l'enfant a besoin d'être éduqué. Il a droit au respect des étapes de son développement. Sur la thématique du genre, on peut lire (p. 160) qu'un enfant de cinq ans devrait "prendre conscience que son identité de genre peut être identique ou différente de celle assignée à la naissance." On peut aussi lire (p. 162) qu'un enfant de neuf ans devrait "adopter une démarche différente (ou pas), changer sa façon de s'habiller (ou pas), prendre des hormones (ou pas), recourir à des opérations chirurgicales (ou pas)." Est-ce trop tôt selon vous pour aborder ce genre de thématiques? La question que l'on peut se poser n'est pas seulement de savoir si les âges entre 5 et 12 ans sont effectivement les âges adéquats pour consolider sa propre identité de genre, recourir à des opérations chirurgicales pour changer de genre ou encore reconnaître que les partages de sextos et nudes peuvent être source de plaisir, mais surtout quelles pourraient être les conséquences de ces informations sur les élèves en fonction de leur âge. Ces sujets pourraient avoir un impact sur la santé mentale des enfants ainsi que sur leur développement. Dès lors, je ne peux qu'insister pour que des pédopsychiatres se penchent sur la question, et non pas uniquement des spécialistes EVRAS. Je suis en outre convaincu par la nécessité, soulignée par les experts dans diverses cartes blanches récemment (ndlr: lire notamment sur www.lejournaldumedecin.com), de ne pas encombrer le psychisme de l'enfant avec des référentiels sexuels adultes. Citons à cet égard ce passage d'une de ces lettres ouvertes: "Est-ce "aimer" un enfant ou un adolescent, est-ce assumer notre responsabilité d'adultes à son égard, que de lui reconnaître d'emblée et sans condition la capacité et le pouvoir de s'autodéterminer? (...) Le "ressenti" individuel doit-il faire autorité?" En préambule du guide, on lit que l'hétéronormativité est un "principe qui consiste à considérer le fait d'être hétérosexuel comme étant la norme (...) Le guide EVRAS se veut inclusif et non-hétéronormatif pour permettre à tous et toutes de pouvoir s'identifier et se reconnaître dans le cadre de l'EVRAS sans être mis·e de côté." C'est en cela que vous considérez que l'EVRAS veut s'écarter des normes? La question fondamentale qui se pose est celle-ci: comment accompagner au mieux les jeunes à faire le bon choix? Ne cherchons pas à mettre l'accent sur nos différences, revenons à notre universalité. Chacun a bien évidemment le droit d'être pleinement qui il est. Lisons l'humanité dans son ensemble. Pourquoi certains veulent-ils construire la société autour de spécificités toujours clivantes? Vous avez mentionné une série de pédopsychiatres qui sont en désaccord avec le contenu. De quels professionnels de santé s'agit-il? Vont-ils se faire entendre ou l'ont-ils déjà fait? Je souhaiterais tout d'abord préciser que ni le MR ni moi ne sommes les porte-parole des pédopsychiatres en désaccord avec ce contenu. Mais vu les réactions, il nous semble qu'experts et psychologues n'ont pas été suffisamment consultés ni entendus. Notre responsabilité politique est aussi de donner un cadre et des balises claires pour rendre confiance en l'EVRAS. Les polémiques actuelles en ternissent l'image. En tant que responsables politiques, nous devons être les garants des contenus et des acteurs qui entrent dans l'école, ainsi que de leur adéquation avec le développement de l'enfant. Ce guide, qui a pour ambition légitime de protéger les enfants et les adolescents contre les discriminations, participe-t-il, à votre avis, de ce courant de pensée néo-progressiste très à la mode qu'on appelle le wokisme? Oui, tout à fait. Comment défendre, selon nous, l'intérêt général et les libertés fondamentales? En permettant à chacun d'acquérir les outils nécessaires à poser ses propres choix. Mettons l'accent sur ce qui nous rassemble, et non pas sur ce qui nous divise. Ne tentons pas d'imposer certains prismes de lecture, en opposition au développement de l'enfant. Nous voulons que les jeunes puissent vivre leur identité et sexualité comme ils l'entendent. Comment? Par un alignement aux valeurs partagées, qui constituent le fondement de notre société.