...

Le journal du Médecin: À en croire l'Inami, lui-même, diverses instances comme la Commission de convention audiciens-organismes assureurs et la Société royale belge d'oto-rhino-laryngologie comptent beaucoup sur les médecins généralistes pour prévenir les pathologies et les problèmes d'ouïe. Est-ce réaliste? Êtes-vous armés pour ce faire? Dr Thierry Van der Schueren: Non, ce n'est pas très réaliste. Les réticences et surtout le fait que les patients sont peu appareillés sont de fait un sujet tabou. Le coût d'une prothèse auditive bien adaptée est énorme en Belgique. L'OMS l'a encore précisé il y a quinze jours: il y a dans notre pays un remboursement bien inférieur au coût réel. C'est donc bien beau de nous demander de dépister les pertes d'audition, de louer les bénéfices de cette approche. Mais le financement n'est pas à la hauteur des besoins de la population. Vous voyez une issue favorable à cela? On pourrait à terme davantage rembourser? J'espère un meilleur remboursement et faire baisser les prix comme ça a été le cas pour les montures de lunettes en France. On nous demande de faire quelque chose pour lequel on n'a ni formation ni information. D'accord: on nous demande de référer chez un ORL qui identifiera exactement les fréquences que notre patient n'entend pas. Et ensuite, où doit aller notre patient? Où est-ce le moins cher? Quel rapport qualité-prix? L'État ou Test-Achats devrait faire une étude de marché pour mieux orienter les patients. Surtout avec des coûts pareils! Ce qu'on nous demande relève du voeu pieu et je ne vois pas pourquoi on nous tombe dessus comme cela sans prévenir... Que justifie ce soudain besoin de mobiliser les médecins par rapport à la perte d'audition, alors que les problèmes de santé s'accumulent dans d'autres domaines dont les coûts sont catastrophiques, je pense par exemple aux soins dentaires. Ils posent aussi des problèmes. Les Belges reportent beaucoup ces soins dentaires. Ils ne sont pas soignés comme il faut. Parfois ils n'ont pas les prothèses adéquates pour une bonne alimentation. Cela apparaît donc dans un paysage où règnent de multiples manques et on a l'impression que l'Inami n'a pas hiérarchisé les problèmes. L'Inami n'a rien fait pour outiller les médecins, les aider dans cette approche: "C'est important, tirez votre plan!". Mais on ne fait rien de plus. Cela me semble complètement prématuré, inadéquat et ne cela ne rentre pas dans les problèmes de santé prioritaires. Je rappelle: les soins dentaires et les prothèses dentaires posent plus de problème au quotidien pour les patients que la perte auditive. Nonobstant, qu'identifiez-vous dans votre pratique médicale personnelle? Quelle est votre sensibilité? Y a-t-il de nombreux patients qui se présentent au cabinet avec des problèmes auditifs? De plus en plus de gens car notre patientèle vieillit. Mais le problème principal n'est pas de consulter ou non. C'est "pourrais-je m'offrir ou non un appareil auditif?" Ma démarche, lorsque je constate ce genre de choses... Je ne vais pas les inviter à consulter s'ils me disent d'emblée qu'ils ne porteront pas un appareil. Sauf si j'ai des points d'alerte pour autre chose qu'une presbyacousie... Souvent, les gens ont malheureusement d'autres problèmes que la perte auditive. Ce n'est pas tabou de votre point de vue? Ce ne l'est plus. Les gens savent bien qu'il existe des appareils modernes qui vont modifier les fréquences où ils n'entendent pas. Même si la plupart savent que des aïeux ne portaient pas leur appareil car il amplifiait le bruit ambiant. Ils savent que c'est meilleur, plus discret, de nos jours. Vous avez une patientèle de tous niveaux socio-économiques? C'est mixte, oui. Les personnes plus aisées financièrement sont-elles susceptibles d'être approchées différemment dans le sens où elles ne vous diront pas forcément: "je n'ai pas les moyens"? Non. Je souligne que je dois répéter [les questions]... "Ne ferait-on pas une mise au point pour trouver une solution?"... Que cette solution soit appareillée ou autre... Je préviens tout de même toujours les gens, bien sûr. Au-delà de l'aisance financière, il y a parfois les priorités. Je suis souvent étonné que même pour des gens qui ont des moyens suffisants, ça reste trop cher. D'autres vont se saigner en ce sens. Je ne fais pas de sélection en fonction du revenu des gens. Mais je répète: le coût est rédhibitoire pour les patients qui n'ont pas les moyens, mais aussi pour ceux qui ont les moyens. Qui préfèrent investir dans autre chose. La SSMG prévoit-elle une approche particulière sur cette thématique? Absolument pas. Car à la SSMG, on a découvert cette subite attention à l'audition de nos patients dans la presse. Nous n'avons reçu aucune information. Aucun élément pour faciliter ou appuyer l'approche de nos patients (...) On a vraiment l'impression qu'ils avaient un plan en tête, mais qu'ils avaient juste les moyens du lancement, et ensuite "tirez votre plan".