Jusqu'à présent, seuls les virologues s'exprimaient dans les médias. À mesure que le coronavirus s'étend à tous les domaines de notre organisation sociale, d'autres experts prennent aujourd'hui la parole. Malheureusement, aucun ne possède le remède miracle contre ce virus. D'abord épidémie locale, la crise s'est muée en pandémie en un rien de temps, provoquant un gigantesque raz-de-marée socio-économique, qui touche également le secteur automobile.
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Le confinement drastique décidé par le gouvernement chinois, suite à la propagation galopante du coronavirus dans la province de Hubei, avait suscité l'incrédulité du reste du monde. Celui-ci ne se rendait pas compte de la gravité de la situation dans la métropole de Wuhan. Il est vrai que les autorités locales avaient volontairement tu la situation, à l'approche du congrès populaire de Hubei du 11 janvier, et ce afin de ne pas susciter le courroux des chefs du parti à Pékin. Un acte irresponsable aux conséquences dramatiques. À la mi-janvier, il était devenu clair que la métropole de Wuhan n'était pas assiégée par une simple grippe. Il aura pourtant fallu attendre la mi-mars avant que l'Europe n'annonce le lockdown et ne ferme elle aussi les portes de ses usines de fabrication automobile. Les mesures strictes liées au coronavirus se sont entre temps assouplies et les bancs de production ont pu redémarrer, certes plus timidement qu'avant la crise du coronavirus. Pour cette année, le secteur évalue la perte en termes de production en Europe à quelque cinq millions de véhicules, à condition que les ventes reprennent rapidement, ce qui n'est pour le moment pas le cas. C'est pourquoi les constructeurs allemands prient leur gouvernement d'accorder une prime d'achat de 1000 à 4000 euros à toute personne désireuse d'acheter un véhicule, qu'elle roule à l'essence, au diesel ou à l'électricité. Les syndicats soutiennent cette proposition : le secteur automobile emploie 800 000 personnes en Allemagne et constitue " le moteur de l'économie, elle-même génératrice de bien-être ". Ce moteur doit à tout prix continuer à tourner, si l'on veut éviter un bain de sang social. La proposition n'est cependant pas accueillie avec enthousiasme dans tous les milieux. Une initiative similaire avait déjà été lancée en 2009, à l'époque de la crise bancaire, mais n'avait eu, en termes de vente, qu'un effet positif à très court terme. En outre, une partie non négligeable de l'argent des impôts avait surtout bénéficier à des marques non européennes, comprenez asiatiques. Le contribuable allemand verrait d'un mauvaise oeil que cette situation se reproduise, d'autant plus que le coronavirus émane de Chine. Les écologistes se montrent eux aussi critiques vis-à-vis de cette mesure. Consacrer l'argent des impôts à la promotion de véhicules diesel ou essence polluants, voilà qui va à l'encontre des objectifs climatique posés à Paris en 2015. Le soutien gouvernemental à des projets plus durables et à l'effet sur le long terme, voilà un tout autre pari. La construction d'un réseau de bornes pour les véhicules électriques par exemple, mais aussi la mise en place de l'infrastructure digitale qui facilitera bientôt la conduite autonome, la réalisation de tracés pour les autoroutes à vélos, les connexions ferroviaires entre les grandes villes pour endiguer la pollution liée au trafic routier, des transports en commun plus nombreux et mieux conçus, des bus électrique de fabrication belge... Les opposants à cette prime d'achat rappelle aussi que celle-ci atterrira partiellement dans les poches de riches familles d'entrepreneurs comme Porsche, Piëch et Quandt, qui sont les actionnaires majoritaires, respectivement de Volkswagen et de BMW. Ces deux constructeurs ont enregistré des records de vente et redistribueront bientôt quelque cinq milliards d'euros de dividendes liées à l'année 2019. Cela ne les rend pas responsables de la crise et tout ceci est légal, mais un signe de solidarité de leur part serait le bienvenu, surtout vis-à-vis de ceux qui ont beaucoup perdu : les fournisseurs et leurs employés, les entreprises familiales de vente automobile, leurs mécaniciens, leurs vendeurs... Ces derniers s'apprêtent à traverser des périodes très difficiles, et ce n'est pas les 5 à 15 euros de frais supplémentaires imposés par l'état à chaque entretien qui vont améliorer la situation. Les bonnes nouvelles nous viendrait-elle de Chine, qui est pourtant à la base de cette situation catastrophique ? En tout cas, la production et la vente de nouvelles voitures y ont repris de plus belle. Toutefois, le secteur s'attend cette année à un recul des ventes de quelque 10%, voire d'au-moins 20% en Europe et aux USA. Le marché chinois est crucial pour les constructeurs allemands. Volkswagen vend 40% de ses véhicules en Chine et BMW, 25%. Il s'agit pour la plupart de ventes de modèles imposants et onéreux, générant une grande marge bénéficiaire. VW et Mercedes réalisent également de beaux chiffres grâce à leurs entreprises communes avec les constructeurs chinois: trois milliards d'euros pour Volkswagen de dividendes en 2019, 1,1 milliard d'euros pour Mercedes. Qu'il s'agisse de l'influence sans cesse plus grande de la Chine sur une Europe bien démunie, ou de l'urgence pour le président à vie Xi Jinping de donner une explication pertinente sur ce qui s'est réellement passé à Wuhan, ainsi que sur ses projets en termes de collaboration entre les secteurs automobiles chinois et européen, la tendance est à la panique, surtout du côté français.