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Immersion en effet puisqu'elle débute, après une vidéo introductive, par la reconstitution de l'atelier de l'artiste, décoré de quelques sculptures déjà petites: elles sont 35 au total, mises en lumière par un texte de Sartre qui, en 1948, met en exergue la liberté absolue du créateur suisse. L'homme, le quotidien et l'oeuvre sont les trois éléments qui émergent de cette expo disposée dans un lieu pas évident car énorme, au regard de la petite taille des pièces présentées à la Cité Miroir. Qui plus est, la grande table en plexiglas où sont disposés sculptures, textes, et documents est sujette à des reflets de lumière qui ne permettent pas toujours de profiter aux mieux des oeuvres présentées. " Retrouver la figure humaine" qui couvre les années 35 à 46 montre comment le sculpteur en revient à une vision plus réaliste de l'homme. Des figures intellectuelles ensuite comme Marie-Laure de Noailles, ou Simone de Beauvoir se veulent également réalistes, avant que la recherche de l'absolu pousse l'artiste vers des formes humaines filiformes rappelant de petites statuettes égyptiennes. La phase de l'humanisme absolu le pousse d'ailleurs a représenté Annette - son modèle et épouse, sous l'aspect d'une Vénus préhistorique ou rappelant là aussi l'Égypte ancienne lorsque ses représentations sont moins girondes. La figure très réaliste de son frère cadet Diego est d'un réalisme frisant le grotesque, tandis que les sculptures représentant Eli Lotar sont plus massives, le visage plus ovoïde, et leur "tremblé" évoque un Bacon en 3D. La référence à Bacon se retrouve dans certaines des lithographies présentées, au nombre de 52, notamment dans cette Tête d'homme IV tirée de Paris sans fin. Un ouvrage posthume réalisé par Giacometti à la fin de sa vie, lequel, quittant l'immobilisme de l'atelier, arpentait Paris et ses environs dans une décapotable conduite par sa dernière maîtresse ; une sorte de mouvement perpétuel dans un long travelling semble les animer: du café du Dôme au carrefour Alésia en passant par les galeries d'anatomie du Museum des sciences naturelles. Prêtées elles aussi par la Fondation Giacometti, ces beaux dessins en noir et blanc proposent une facette de l'artiste rarement montrée, et permettent à l'exposition d'éviter le côté... modèle réduit. Bernard Roisin