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Mi-février, l'Institut scientifique de service public (Issep) et le ministre wallon de la Santé et de l'Environnement Yves Coppieters ont présenté les résultats d'un biomonitoring humain destiné à mesurer l'exposition de la population wallonne aux substances chimiques et aux polluants présents dans l'environnement, l'eau et l'air. L'étude confirme la présence de 50 polluants persistants dans la population wallonne. Cette exposition n'est pas supérieure à la moyenne européenne mais les taux observés de PFAS, cadmium, plomb et mercure présentent des risques pour la santé. Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont surnommées "polluants éternels" car, faute de se dégrader facilement, elles s'accumulent dans l'air, le sol, les rivières et dans le corps humain. L'objectif de l'étude wallonne était de mesurer l'exposition de la population aux substances chimiques, via différents marqueurs présents dans l'urine et le sang. Sur 62 biomarqueurs recherchés, 52 ont été détectés et 47 atteignent des valeurs de référence, à partir desquelles le taux est suffisant pour tirer des conclusions sanitaires. "Les niveaux d'exposition détectés en Wallonie sont globalement du même ordre que ceux retrouvés dans d'autres pays européens, voire inférieurs pour les substances qui ont subi, ces dernières années, des restrictions au niveau belge ou européen", a commenté Aline Jacques, responsable projet à l'Issep. Des risques pour la santé ne peuvent tout de même pas être écartés concernant le plomb et le mercure retrouvés dans le sang de certains Wallons. "Des dépassements des valeurs de référence sanitaire sont également observés pour le cadmium et les PFAS. Comparés aux adultes, les enfants semblent plus particulièrement exposés à la plupart des métaux, aux bisphénols et aux pesticides. Pour les substances qui ont tendance à s'accumuler dans l'organisme, comme les polluants organiques persistants (PCBs, pesticides organochlorés et PFAS) ou certains métaux (plomb, cadmium), les adultes plus âgés sont plus imprégnés. Il conviendrait de suivre la situation (à plus long terme, NdlR) et de diminuer l'exposition des Wallons à ces substances", a-t-elle conclu. Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), les polychlorobiphényles (PCBs) et certains métaux lourds sont des polluants environnementaux persistants. Synthétisés pour diverses applications industrielles et commerciales, ils se retrouvent dans l'environnement via des rejets industriels, des déchets mal gérés et des produits de consommation courante. Leur résistance à la dégradation en fait des contaminants durables qui s'accumulent dans les écosystèmes et dans l'organisme humain par l'alimentation, l'eau potable, l'air ou encore le contact cutané. Les PFAS sont utilisés pour leurs propriétés antiadhésives et hydrofuges dans de nombreux produits de consommation, allant des emballages alimentaires aux textiles techniques. Leur persistance leur permet de se fixer aux protéines du sang et de s'accumuler dans l'organisme. Les PCBs, quant à eux, sont des composés organiques chlorés autrefois utilisés dans l'industrie électrique et comme additifs industriels. Interdits depuis les années 1980, ils subsistent dans l'environnement et sont principalement ingérés par voie alimentaire. Les métaux lourds, tels que le plomb, le cadmium et le mercure, proviennent de sources industrielles et naturelles. Ils peuvent contaminer l'eau, les aliments et l'air, exposant la population à des risques sanitaires variés. Les PFAS sont associés à divers troubles métaboliques et hormonaux. Certains, comme le PFOA et le PFOS, sont classés cancérogènes ou suspectés de l'être. Ils influencent la fonction thyroïdienne, augmentent le taux de cholestérol et sont liés à des altérations hépatiques. L'exposition prénatale est suspectée d'affecter le développement du foetus, avec un poids de naissance réduit et des effets sur la réponse vaccinale des enfants. La toxicité chronique des PCBs est bien établie. Ils sont considérés comme cancérogènes pour l'humain et ont des effets neurotoxiques, en particulier chez les enfants exposés in utero et durant l'allaitement. Ils perturbent également le métabolisme lipidique et hormonal, avec des impacts potentiels sur la fertilité et la fonction immunitaire. Quant aux métaux lourds, le plomb est neurotoxique et affecte particulièrement le développement cérébral des enfants, entraînant des déficits cognitifs et comportementaux. Chez l'adulte, il favorise l'hypertension et altère la fonction rénale. Le cadmium, principalement absorbé par l'alimentation et le tabac, est toxique pour les reins et les os. Classé cancérogène, il augmente le risque de cancer du poumon. Le mercure sous sa forme méthylée s'accumule dans les organismes marins et affecte le système nerveux, en particulier chez le foetus. Il est aussi toxique pour les reins et le système cardiovasculaire. L'arsenic, en grande partie absorbé via l'alimentation et l'eau potable, est cancérogène et peut provoquer des atteintes cutanées et cardiovasculaires. Le tableau ci-dessus synthétise les seuils de concentration indicatifs pour chaque polluant éternel détecté dans des concentrations problématiques chez participants au biomonitoring wallon. Les valeurs de référence santé (VRS) permettent d'évaluer l'imprégnation d'un individu aux polluants et de guider la prise en charge médicale. La Commission nationale de biomonitoring allemande propose les valeurs HBM (Human Biomonitoring Values), régulièrement actualisées en fonction de l'évolution des connaissances. Elles sont établies pour la population générale ou pour des groupes de population. Le seuil HBM I correspond à une concentration d'une substance dans une matrice biologique, sous laquelle aucun effet néfaste sur la santé n'est attendu. Aucune mesure spécifique n'est requise en dessous de ce seuil. Le seuil HBM II est une concentration à partir de laquelle des effets néfastes sont possibles, nécessitant des recommandations médicales et une réduction de l'exposition. Pour les niveaux de concentration situés entre les valeurs HBM I et HBM II, les effets néfastes ne peuvent être exclus avec suffisamment de certitude. La valeur HBM I est considérée comme une valeur de vérification et la valeur HBM II comme un niveau d'action. Des VRS différentes sont utilisées pour certaines substances. En matière de PFAS par exemple, les experts du Conseil scientifique indépendant PFAS wallon proposent d'utiliser les valeurs de référence définies par la National Academy of Science (NAS), qui chiffrent la concentration d'une somme de sept PFAS, complétées par les valeurs HBM I et HBM II pour le PFOS et le PFOA en particulier, car cancérogènes possibles. La concentration de certains métaux est également exprimée en Biomonitoring Equivalent (BE), VRS développée par Summit Toxicology (USA). Cette valeur est à interpréter comme un apport quotidien tolérable. Les approches médicales varient selon le polluant et le niveau d'exposition détecté. Pour les PFAS, en cas de dépassement des valeurs HBM II, il est recommandé d'effectuer un bilan lipidique, un suivi de la fonction thyroïdienne et une surveillance des fonctions hépatiques. Chez les femmes enceintes, un suivi spécifique est préconisé en raison des risques pour le développement foetal. Pour les expositions très élevées (>20 µg/L en somme PFAS NAS), des analyses urinaires et un dépistage des pathologies rénales et immunitaires sont recommandés. Face aux PCBs, les mesures sont essentiellement préventives: limiter l'exposition et surveiller les fonctions endocriniennes et neurologiques en cas de symptômes évocateurs. Un suivi de la fertilité et du métabolisme lipidique peut être envisagé pour les personnes fortement exposées. Pour les métaux lourds, le suivi varie en fonction de l'élément chimique impliqué. Une plombémie supérieure à 25 µg/L nécessite une surveillance annuelle. À partir de 50 µg/L, un suivi tous les six mois et une enquête environnementale sont recommandés. Pour le cadmium, une excrétion urinaire élevée implique un suivi rénal et osseux, ainsi qu'une limitation des sources d'exposition (arrêt du tabac, surveillance alimentaire). Concernant le mercure, un dosage sanguin ou urinaire élevé requiert un suivi neurologique et rénal, en particulier chez les populations sensibles (enfants, femmes enceintes). Quant à l'arsenic, un dépassement important du BE impose une identification des sources alimentaires et une réduction de l'exposition, notamment via l'eau potable et les céréales riches en arsenic inorganique.