Le Parlement wallon a consacré une partie de sa dernière Commission santé à la problématique de la surmédication des personnes âgées, en particulier en maison de repos.
...
Les députées Sabine Roberty (PS) et Rachida Aït Alouha (PTB) ont interpellé le ministre Yves Coppieters, par voie de questions orales, sur la multiplication des traitements médicamenteux chez les aînés, les responsabilités des professionnels de santé et les garanties apportées par les pouvoirs publics. "Dispose-t-on d'une évaluation du rôle des médecins coordinateurs dans la rationalisation des prescriptions?", a demandé Sabine Roberty. "Sont-ils suffisamment nombreux, formés et outillés?" Yves Coppieters a reconnu un angle mort: "Je ne dispose pas d'évaluation de la mission des médecins coordinateurs concernant la rationalisation des prescriptions médicamenteuses." Il a toutefois détaillé l'action menée depuis 2019 via les inspections de l'Aviq. Un pharmacien inspecteur "audite les maisons de repos wallonnes avec comme objectifs d'améliorer la qualité et la sécurité du circuit du médicament, de veiller à l'application de la règle des 5B (bon médicament, bonne dose, bonne voie, bon moment, bon patient), de promouvoir l'usage d'outils cliniques validés comme les critères STOPP/START - qui aident à identifier les prescriptions inappropriées chez les personnes âgées - ou le score GheOPS, utilisé pour évaluer la qualité globale d'un traitement médicamenteux ; et enfin, de s'assurer qu'une révision structurée de la médication ait lieu au moins une fois par an pour chaque résident". Ces audits s'inspirent des recommandations de l'étude belge COME-ON (KUL/UCL), sans valeur normative mais jugée "crédible et inspirante". La députée Rachida Aït Alouha a insisté sur le rôle central des infirmiers. "Ce sont eux qui sont au chevet des patients, qui peuvent évaluer si un traitement est toujours pertinent". Elle dénonce des dérives structurelles dans certaines maisons de repos, où la distribution des médicaments est confiée à des soignants non qualifiés, voire imposée par la direction. Le ministre a répondu que la distribution "doit être garantie par une procédure rédigée en concertation avec le médecin", précisant que "l'aide-soignant ne peut accomplir ces activités que dans la mesure où un infirmier les lui a déléguées". Et d'ajouter: "L'infirmier peut, à tout moment, mettre fin à cette délégation." Autre élément abordé: la généralisation des "préparations médicamenteuses individualisées" (PMI), confiées aux pharmaciens. "Cette automatisation permet, selon les études, de diminuer le risque d'erreurs", a précisé Yves Coppieters. Mais pour la députée PTB, cette automatisation ne doit pas occulter le besoin d'évaluation en amont: "Avant de donner un médicament, on doit évaluer", a-t-elle martelé. Elle a relaté le témoignage inquiétant d'un cadre du secteur ayant déclaré à ses équipes: "Donner un médicament, même quelqu'un qui a fait des études primaires peut le faire. Il suffit de compter: un, deux, trois." Une vision dangereuse pour elle, qui appelle à replacer l'expertise infirmière au coeur du circuit. Interpellé aussi sur l'automédication, le ministre a renvoyé au niveau fédéral. Il a cité la campagne de l'Agence fédérale des médicaments: 'Un médicament n'est pas un bonbon', qui "reprend 12 thèmes clés, en ce compris les somnifères, les antibiotiques, les antidouleurs et le rôle de conseil des médecins et pharmaciens." Il a également évoqué la possibilité d'ajouter un sixième B à la 'règle des 5B': celui du "bon personnel de santé" pour rappeler l'importance de l'identification des responsabilités dans le circuit du médicament. "Un jour, on arrivera peut-être à moins prendre de médicaments", a conclu Sabine Roberty. "Mais je fais confiance aux prescripteurs, et je suis satisfaite que la chaîne de distribution soit de plus en plus encadrée." Rachida Aït Alouha a, quant à elle, appelé à aller plus loin: "Oui, il faut faire confiance à la prescription, mais c'est l'infirmière qui doit évaluer si le médicament a toujours des effets ou s'il y a des interactions."