Au musée de la Boverie de Liège, une exposition célèbre l'icône et la marque de la pop américaine: Andy Warhol.
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Une exposition qui se veut comme souvent avec Tempora immersive, reconstituant des décors et espaces de l'époque ; une expo chronologique également: elle prend le sillage du jeune Warhol dès le début des années 50 (il est né dans les années 20) au cours de ces trente glorieuses qui seront également les siennes. Publicitaire, il le restera toute sa vie: Andrew Warhol débute sa carrière en créant des cartes de Noël pour Tiffany, imagine des dessins de chaussures dont la ligne claire évoque immanquablement les guides Marabout de l'époque, son talent d'illustrateur débordant dans le domaine du livre, des programmes de théâtre ou de magazine ; la robe fragile dont le dessin se répète sur le tissu révèle son génie de créateur textile, domaine où Warhol découvre la sérialisation, l'impression en série et la répétition du motif, qui deviendra l'un des fondements de son oeuvre. S'ensuit en 62 la série des Campbell Soups et des boites de tampons à récurer Brillo: soi-disant manifeste de la consommation et consumation d'un art "disposable", dénonçant le caractère hygiéniste aseptisé de la nouvelle société américaine ; mais, comme souvent, le capitalisme a cette capacité de digérer toute contestation et de l'ingérer finalement. C'est surtout très politiquement correct, insolent certes, mais pas impertinent. Warhol semble faire du Duchamp américain, donc publicitaire. Reproduire une icône décédée comme Marilyn serait lié à la mort: une nature dix fois morte en quelque sorte... À côté des autres fleurs, non fanées celles-là, et des vaches papier peint -, qui lui servent de vaches à lait, il existe un Warhol plus sombre et en tout cas plus réfléchi qui réfère à la disparition tragique ("Car Crash") aux emprisonnements, voire aux émeutes raciales réprimées à Birmingham en 1963. La Factory de Warhol (reconstitué en partie dans l'expo) devient le repère d'une faune artistique et musicale (en bande-son passe Lou Reed, le Velvet bien sûr, Bob Dylan et David Bowie): Warhol ne fait pas que dessiner la pochette du Velvet Underground ; il produit le groupe et réalise par ailleurs des films expérimentaux. Après l'attentat dont il est victime en 68 de la part d'une féministe radicale, Warhol intègre le système qu'il aurait dénoncé (preuve que le capitalisme recycle tout avec ou sans Brillo), peignant des séries de Mao ( séries proposées à prix dégressifs) ou d'autres célébrités, lançant le magazine Interview très people, qui voit le même Warhol devenir une marque de fabrique que l'on s'arrache: la preuve, sa participation dans un épisode de La croisière s'amuse, les publicités auxquelles il prend part pour les produits de la marque japonaise TDK ou les albums de rock dont il imagine la pochette, tel que le Stinky Ffingers des Stones. Dans sa dernière partie, cette expo qui mêle mise en situation, objets, peintures bien sûr, affiches et magazines, évoque les liens de Warhol avec la Belgique: on voit l'artiste en compagnie du vieux Paul Delvaux, sérigraphié quatre fois (pour des photos d'identité? ) ; Hergé eut droit aussi à ses sérigraphies, l'une des personnalités qui lui commandèrent ce genre de série, à côté des personnes fortunées (Marjorie Copley). Drella, comme l'appelait les membres du Velvet (contraction de Dracula et Cinderella), multiplia les collaborations avec de jeunes artistes (Basquiat, Keith Haring) dont il s'abreuvait du sang de la jeunesse, poursuivit ses collaborations publicitaires avec de grandes marques tout en continuant à hanter les nuits du studio 54 à New York. En 81, Warhol peint le signe du dollar, lequel se vend très bien. Tout est dit. Première pop star de l'art pop, Warhol fut surtout très people. Plutôt que devenir marchand d'art, il choisit de faire de l'art marchand. Il est loin d'être le seul...