Dans son mémorandum 2023 en vue des prochaines élections, la Fédération des maisons médicales (FMM) salue les initiatives régionales de réorganisation de la première ligne. Cependant, elle attire l'attention sur la dégradation des conditions de vie et les inégalités sociales de santé. En outre, la FMM estime qu'en certains endroits, une médecine à deux vitesses se développe, ce qui réduit l'accessibilité aux soins.
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En premier lieu, Fanny Dubois, secrétaire générale de la FMM, salue les initiatives régionales prises pendant cette législature concernant la réorganisation de la première ligne de soins, à savoir le Plan social santé intégré à Bruxelles et Proxisanté en Wallonie. "Ces politiques ont été lancées avec pour but, notamment, de garantir un accès à une première ligne de qualité et une continuité dans la prise en charge via plus d'intersectorialité."La secrétaire générale pointe trois évolutions négatives du système de soins. Premièrement, les déterminants de la santé se dégradent. "En comparaison avec d'autres pays européens, la performance du système de santé en Belgique est acceptable. Mais les conditions socio-économiques influencent fortement la santé. La pandémie, la crise énergétique, puis l'inflation qui a suivi ont renforcé la dégradation de ces conditions et les inégalités sociales de santé, sans parler de l'isolement social de certains publics."Deuxièmement, Fanny Dubois estime que notre système de santé est davantage gouverné par des principes de marché économique plutôt que de santé publique. "Aujourd'hui, un milliard d'euros, soit 20% des dépenses pour les médicaments, pourraient être économisés chaque année au lieu d'aller directement dans les poches de l'industrie pharmaceutique." Quant à la facture globale du patient dans le cadre d'hospitalisations, elle continue d'englober une lourde part de suppléments sur les honoraires des médecins pour des séjours en chambre individuelle (598 millions d'euros sur 1,32 milliard d'euros à charge du patient en 2021, selon l'Agence intermutualiste). "Le conventionnement, dispositif permettant un minimum d'accessibilité aux professionnels de santé, n'est plus de mise dans nombre de spécialités et la privatisation des assurances de santé favorise le développement d'une médecine à deux vitesses."Troisième grief de la FMM enfin: le sous-financement des soins de santé, la privatisation et la marchandisation des soins mettent en danger notre système de soins de santé équitable et solidaire. "L'accessibilité des soins et des services est malmenée", résume Fanny Dubois. "En Wallonie et à Bruxelles, plus d'une personne sur trois déclare avoir renoncé à des soins pour raisons financières en 2022." La secrétaire générale estime en outre que la pénurie et le manque d'attractivité qui touchent de plein fouet les métiers du soin de première ligne intensifient les inégalités d'accès aux services de santé. Face à ces enjeux, la FMM plaide pour "le déploiement d'un système de santé qui prenne en compte et en charge les besoins primaires des citoyens dans leur environnement de vie, de façon globale, intégrée, continue, accessible et participative". Au total, la Fédération propose dix recommandations aux collectivités locales, aux Régions, au Fédéral et à l'Europe. 1. Soutenir une sécurité sociale fédérale forte et un système de soins cohérent, en garantissant, notamment, une norme de croissance des soins de santé minimale (3%) dans le futur. La FMM souhaite également éviter que la régionalisation ne cause un détricotage de l'assurance maladie. 2. Agir sur les déterminants de la santé de manière transversale. Ces matières sont actuellement déconnectées des politiques de santé, la FMM prône un décloisonnement des domaines politiques. 3. Améliorer l'accessibilité financière aux soins de santé de première ligne. Il faut, selon la FMM, augmenter le taux de conventionnement, penser les soins dans une optique non lucrative et prendre en compte le suivi social, la santé mentale et l'aide aux personnes. 4. Rétablir et renforcer la concertation et la participation citoyenne dans le système de santé. À tous les échelons, les espaces de concertation doivent être rendus accessibles tant aux prestataires qu'aux citoyens afin de favoriser leur implication. 5. Un système de soins de santé échelonné et organisé autour des besoins des patients. Un échelonnement efficace nécessite une politique de santé qui se soucie mieux des soins, et met la priorité sur les soins de santé primaires. 6. Une première ligne (ré)organisée. Malgré les initiatives régionales, la FMM se pose la question des moyens qui seront mis à disposition pour la mise en oeuvre de ces plans. 7. Revaloriser les métiers pour une première ligne plus attractive. "Au-delà de la revalorisation financière indispensable des métiers de première ligne, il reste encore beaucoup à faire", estime la FMM, "comme revaloriser la place des métiers dans les formations, soutenir la concertation inter- et extra-muros, alléger la charge de travail administratif, etc." 8. Soutenir la création et le développement des pratiques de groupe pluridisciplinaire de première ligne. Selon la FMM, le modèle semble constituer une partie de la solution au problème de pénurie de soignants de première ligne, en milieu rural notamment. 9. Développer une politique du médicament efficiente. Face à la logique des brevets, de la publicité, des conditionnements inadaptés et de la recherche orientée profit plutôt que santé publique, l'État est aux abonnés absents, estime la Fédération. 10. Pour une informatisation raisonnée, au service de l'humain. Si les progrès sont indéniables, l'informatisation comprend des risques. À l'heure actuelle, ni le cadre juridique ni la formation des soignants, ni le financement ne sont adaptés à ces changements.