L'exposé que le Pr Herman Depypere (Université de Gand) a tenu à Florence lors du congrès 2024 de l'ISGE (International Society of Gynecological Endocrinology) compte parmi ceux qui ont le plus intéressé le public présent. Et pour cause, car ses recherches suggèrent de nouvelles connaissances et ouvrent la voie à de nouveaux outils de médecine individualisée - tant dans le domaine de la démence que dans celui de la ménopause notamment.
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Parmi les divers facteurs de risque de survenue d'une maladie d'Alzheimer (MA), un élément physiologique important à prendre en compte tient dans les différentes isoformes de l'apoprotéine E (ApoE), qui joue un rôle dans le transport de lipides au niveau des neurones. En résumé, si l'ApoE2 a un effet protecteur sur le cerveau, l'ApoE4 (15 à 20% de prévalence) multiplie par 6 à 12 le risque de MA, soit de la principale forme de démence en termes de fréquence. Un dépistage génétique de l'isoforme ApoE4 permet donc d'identifier les personnes à risque élevé, d'autant plus que le dosage de certains biomarqueurs sériques comme la protéine Tau permet déjà de détecter l'évolution vers la MA une vingtaine d'années avant sa survenue. De plus, une étude pilote réalisée à Gand a révélé que les femmes ménopausées et ApoE4 positives qui ne prennent pas de traitement hormonal de substitution montrent une altération statistiquement significative des paramètres sériques liés à la santé cérébrale. Le journal du Médecin: Le dosage des biomarqueurs sériques utiles au dépistage de la MA deviennent-ils accessibles aux patients? Pr Herman Depypere: Ils ne sont actuellement accessibles que dans un contexte scientifique, de recherche, et donc pas encore commercialisés. C'est différent pour la détection de l'ApoE4, qui coûte aux environs de 250 euros. Quelle est la suite programmée de votre étude pilote? Il s'agira d'une étude randomisée, pour confirmer les observations de l'étude pilote. Sa durée ne sera en principe pas longue. Le calcul de la taille de la population a déjà été réalisé, en se rappelant que dans l'étude pilote, qui ne comprenait que 30 patientes contrôle et 200 patientes sous THS, on arrivait à des résultats déjà statistiquement très significatifs (p < 0,007). Si l'étude randomisée confirme bien l'étude pilote, nous disposerons de données solides pour suggérer au gouvernement d'implémenter la détection de l'ApoE4 chez toutes les femmes à partir de 50 ans, par exemple. En cas de positivité, rien que la prescription d'oestrogènes sous forme topique ou orale chez les femmes ménopausées positives peut exercer un effet préventif très important sur la MA, ainsi que de belles économies pour le budget de la santé. Y a-t-il d'autres points importants démontrés par l'étude pilote? Un autre bras de l'étude, qui concernait des femmes ApoE4 positives et souffrant d'un cancer du sein, a montré une association entre la prise d'un inhibiteur de l'aromatase et un effet défavorable à six mois sur les paramètres sériques, ce qui n'a pas été observé avec le tamoxifène. Cela confirme les résultats du bras principal de l'étude pilote. Rappelons par ailleurs qu'on a vu dans plusieurs études que le taux de mortalité après plusieurs années était moins favorable avec les inhibiteurs de l'aromatase. Personnellement, face à de telles données, je ne pense pas que la prescription de tels produits pendant de nombreuses années chez des femmes à risque faible de récidive soit une bonne chose. En ce qui concerne plus largement le THS, vous avez également lancé une étude intéressante dans le cadre de la médecine du travail... Effectivement, avec l'aide des médecins de Securex, qui se disaient étonnés de voir autant de travailleuses rencontrer des problèmes liés à leur ménopause. On a ainsi pu observer que ces femmes étaient globalement deux fois plus souvent victimes de burn out et/ou plus souvent en situation d'absentéisme au travail. Par contre, les femmes ménopausées qui affirmaient suivre un THS et se disaient devenues asymptomatiques étaient moins nombreuses à souffrir d'un burn out et à présenter un absentéisme plus élevé que la moyenne. Au contraire, elles étaient même plus actives et performantes au travail que leurs collègues nettement plus jeunes. De plus, elles présentaient un taux plus bas de cholestérol et affirmaient prendre moins d'antihypertenseurs, de somnifères et d'antidépresseurs. L'enquête inclut déjà environ 3.000 participantes, et les résultats ont été présentés à Franck Vandenbroucke et à Gwendolyn Rutten (vice-Ministre-présidente du gouvernement flamand).