L'âge augmente la sensibilité aux infections. Ce phénomène s'explique principalement par le vieillissement du système immunitaire ou immunosénescence. Il affecte à la fois le système immunitaire acquis et l'inné. Il convient donc de mettre en place une prévention efficace des infections.
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Le déclin du système immunitaire inné se produit notamment suite à la perte d'efficacité des monocytes et des macrophages. Le vieillissement du système immunitaire acquis se traduit lui par une réponse moins prononcée des anticorps en cas d'infection naturelle ou de vaccination. Le changement est aussi bien qualitatif que quantitatif: les lymphocytes B exposés aux infections sont moins réactifs alors que le nombre de lymphocytes B naïfs diminue. En revanche, l'immunité liée aux cellules T reste relativement intacte. "Nous remarquons d'énormes différences dans le vieillissement du système immunitaire, au sein de la population plus âgée", relate le Pr Johan Flamaing, chef du service gériatrique de l'UZ Louvain. "Chez certaines personnes, l'affaiblissement immunitaire dû à l'âge n'est pas très prononcé alors que chez d'autres, l'immunosénescence est plus manifeste."En outre, les personnes âgées souffrent plus fréquemment d'une ou plusieurs maladies chroniques, comme des affections cardiovasculaires, pulmonaires (BPCO), le diabète de type 2 et des maladies rénales chroniques, qui accroissent la sensibilité aux infections. "C'est souvent la combinaison d'un système immunitaire moins performant et de la présence de maladies chroniques qui entraîne une augmentation exponentielle de la sensibilité des personnes âgées aux infections", résume le Pr Flamaing. En première instance, de simples mesures d'hygiène permettent de protéger les personnes fragilisées: l'hygiène des mains, le port de masques ou une série d'autres gestes barrières utilisés par le personnel soignant. Les infirmiers et les aides-soignants doivent en tenir compte dans les hôpitaux, les maisons de repos et lors des soins à domicile, surtout s'ils sont en contact avec des personnes infectées ou susceptibles de l'être. La vaccination permet également de prévenir les infections. La gamme est large: vaccin contre la grippe, les pneumocoques, le VRS, le zona, ainsi que le vaccin classique contre la diphtérie et le tétanos, important pour les personnes qui continuent à jardiner, par exemple. Le Conseil supérieur de la santé prodigue des conseils en la matière. "Il faut savoir que la technologie de vaccination et la composition des vaccins ont considérablement évolué", ajoute le Pr Flamaing. "Le vaccin à ARN messager employé durant la pandémie, pour laquelle on a également développé des vaccins à vecteur viral, en constitue un bel exemple. En outre, un choix judicieux de l'antigène et l'utilisation d'adjuvants efficaces permettent d'obtenir une réponse efficace et durable aux anticorps, même auprès des patients présentant un système immunitaire affaibli, que ce soit par l'âge ou suite à des affections hématologiques ou à des thérapies immunosuppressives, par exemple après une transplantation."En résumé, nous disposons de vaccins efficaces et de recommandations claires quant à leur application. "Reste à voir si la vaccination est implémentée, en pratique, grâce à ce contexte encourageant", souligne le gériatre louvaniste. "Nous devons malheureusement déplorer de grandes lacunes." Les causes sont probablement très complexes. "Les gens sont plus disposés à se faire vacciner en cas de grande nécessité et quand le vaccin est proposé gratuitement, comme pendant la pandémie. Nous avons vu le taux de participation diminuer dans tous les groupes cibles au fil de la pandémie, à chaque nouvelle dose proposée. La réceptivité de la population ciblée est donc un facteur important." "Je pense que le médecin traitant a un rôle essentiel à jouer. Est-il lui-même convaincu de l'utilité de la vaccination pour son patient? Le médecin considère-t-il son patient comme une personne à risque, qui entre en compte pour la vaccination concernée? S'il reconnaît les risques courus, recommande-t-il activement la vaccination? Une recommandation active du médecin augmente les chances que le patient accepte le vaccin.""La troisième partie prenante, le gouvernement, doit également jouer son rôle et appliquer une gestion préventive de la vaccination. Malheureusement, les nouveaux vaccins sont chers. On se tourne donc vers les pouvoirs publics, dans l'espoir qu'ils les remboursent. Toutefois, les autorités fédérales sont parcimonieuses en matière de vaccination des adultes.""Je crains donc que nous n'en arrivions à une prévention à deux vitesses. Les personnes capables de payer de leur poche un vaccin sont celles qui présentent le risque le plus faible de complications car elles sont généralement plus instruites et plus privilégiées. Elles conservent une meilleure santé, en adoptant des habitudes alimentaires adéquates et en faisant suffisamment d'exercice. Dans l'autre sens, la population moins prospère présente plus de facteurs de risques, comme le tabagisme, la sédentarité, de mauvaises habitudes alimentaires, l'obésité et le diabète. Les pouvoirs publics peuvent intervenir en améliorant le remboursement des vaccins mais aussi en dispensant des informations sur leur nécessité."Dès qu'un nouveau vaccin arrive sur le marché, le Conseil supérieur de la santé (CSS) formule un avis, sur base des données disponibles quant à son efficacité. Il effectue également une analyse coût-efficacité pour la mise en oeuvre des mesures proposées. Parfois, cette analyse conclut que l'avis n'est pas rentable ou ne l'est que partiellement. En fin de compte, la Commission de remboursement des médicaments émet un avis propre, qui reflète partiellement ou pas du tout les recommandations du CSS. "Je suis plutôt partisan du système allemand", commente Johan Flamaing. "Le STIKO, l'organe consultatif, étudie l'ensemble des recommandations scientifiques et négocie le prix des vaccins, en tenant compte d'un rapport qualité-prix acceptable. Une fois la recommandation du STIKO prononcée, l'assurance-maladie est obligée de rembourser le vaccin."Le Pr Flamaing tient à souligner que les limites imposées par les modalités de remboursement ne signifient pas que le vaccin est inefficace. "Nous devons être clairs. Les vaccins reconnus par l'EMA sont efficaces et ont un impact positif considérable sur l'hospitalisation, en particulier chez les personnes âgées. Il est important de diffuser des informations sur l'efficacité des vaccins mais aussi sur leur importance et leur utilité. Prenez le vaccin contre le VRS. Tout le monde l'associe à la prévention de la bronchiolite chez les nourrissons. Selon moi, on n'a pas suffisamment pris conscience du fait que le VRS pouvait entraîner de graves complications chez les personnes âgées. Le VRS nécessite chez eux même plus de soins intensifs que la grippe. Ici aussi, la sensibilité individuelle est très variable, en fonction de l'immunosénescence et du profil du patient. Le virus ne provoquera qu'un refroidissement accompagné d'une toux légère chez une personne âgée en bonne santé. Par contre, les personnes fragilisées courent un risque accru de pneumonie et d'hospitalisation. Les maladies cardiopulmonaires augmentent fortement le risque. C'est pour cela que le CSS recommande le vaccin aux personnes de plus de 60 ans présentant au moins un facteur de risque. La problématique du remboursement se présente ici aussi. Le vaccin coûte environ 200 euros.""J'ai l'impression qu'on ne rembourse pas toujours les médicaments ayant le plus grand impact sur la santé. Il est important de bien estimer l'impact économique des infections chez les personnes âgées: hospitalisation, perte de l'autonomie, nécessité de soins à domicile ou déménagement dans une maison de repos et de soins.""Nous devons investir dans une stratégie de vaccination tout au long de la vie, pour acquérir une bonne immunité et l'entretenir. Les personnes qui se forgent une bonne immunité durant leur jeunesse bénéficient d'une protection plus longue. Les enfants et les adolescents sont bien encadrés, grâce au calendrier vaccinal, sous la houlette du médecin traitant, du pédiatre, de l'Aviq et des PMS. Une fois que ces personnes occupent un emploi, leur statut vaccinal est souvent contrôlé par le médecin du travail mais au terme de leur carrière, elles ne bénéficient plus du moindre encadrement structuré. Avons-nous besoin d'une structure Seniors et Famille? Cela offrirait aux gens la possibilité de faire contrôler régulièrement leur santé, également en termes de vaccination. Dotés d'un trajet de ce type, nous ne nous demanderions plus si nous devons protéger nos aînés au moyen de vaccins car nous les protégerions depuis longtemps. Le CSS pourrait se pencher sur ce thème: est-il possible de démontrer que ce système permettrait de réaliser des économies, comparé à la méthode réactive actuellement employée?"