En 2023, la Belgique comptait en moyenne 8,35 médecins généralistes équivalents temps plein (MG ETP) pour 10.000 personnes en ordre d'assurance maladie-invalidité ("assurés"). Soit près de 6% de plus qu'il y a dix ans, nous apprend le dernier "Health Professionals Report: Capacity, Accessibility and Production" de l'Inami.
Sur les 18.518 MG recensés, 14.286 généralistes étaient actifs, dont 9.615 à temps plein (3.957 francophones et 5.658 néerlandophones). Un généraliste actif travaille en moyenne trois quarts de temps plein. Près d'un généraliste sur sept âgé de moins de 65 ans et porteur d'un numéro Inami n'a pas d'activité 'AMI' (il est médecin conseil, du travail, médecin contrôle...).
Le Luxembourg, champion de la densité médicale
S'il n'y a pas de disparité entre les trois régions, on constate des différences entre provinces. La densité en MG est la plus faible à Anvers (7,76 MG ETP/10.000 assurés) et la plus forte se trouve au... Luxembourg (10,34). Paradoxal, alors qu'on évoque souvent des 'déserts médicaux' au sud du pays? "Les annonces en termes de pénurie faites par la Région wallonne concernent les communes, or ici on parle des provinces", nuance d'emblée Pascal Meeus, de l'Inami, premier auteur du rapport. "Il y a suffisamment de médecins par rapport au nombre d'assurés à l'échelon de la province du Luxembourg."

Le nombre d'habitants au km2 y est plus faible... Or, pour garantir la pérennité de son activité, un MG doit s'assurer une patientèle suffisante. D'autant plus s'il pratique en groupe: si un médecin en solo nécessite un millier de patients au minimum, un cabinet à quatre doit donc en compter 4.000 (soit +/-5.000 habitants). Les MG ont donc tout intérêt à s'installer dans de gros bourgs... Or la pratique de groupe représente désormais 57% de l'activité en MG, contre 36% il y a dix ans. Elle atteint même 68% en Flandre (38% en Wallonie et à Bruxelles).
Le Brabant wallon moins accessible financièrement
Pour pouvoir estimer l'accessibilité financière au MG, l'Inami calcule un taux de 'conventionnement pondéré' (qui ne reflète pas le conventionnement réel, NdlR). S'il augmente de manière générale (89%, versus 85% en 2013), il est faible dans le Brabant wallon (74%, le plus bas de Belgique), alors que la densité de MG y est de 8,3. "Donc, malgré le fait qu'il y a plus de généralistes dans le Brabant wallon, vu qu'ils sont moins conventionnés qu'ailleurs, l'accessibilité financière pour le patient y est plus faible", analyse M. Meeus. "Un microphénomène propre au BW, que l'on observe aussi au niveau des médecins spécialistes."
C'est dans le Limbourg (98% de conventionnement pondéré) et à Namur (96%) que l'accessibilité financière est la plus grande. "Dans le Limbourg, la médecine générale fonctionne particulièrement bien, elle est inscrite dans les bonnes habitudes des patients qui consultent d'abord un généraliste avant d'aller chez le spécialiste ou à l'hôpital."
Le MG coûte davantage à l'AMI
Sur base des codes de nomenclature (hors forfaits), on estime qu'un MG ETP a occasionné 200.092 euros de dépenses à l'Inami sur l'année 2023. Une hausse de 60.000 euros en dix ans (141.360 en 2013), qui s'explique par l'accent mis sur la médecine générale, notamment depuis 2018-2019, et l'augmentation du nombre de DMG.
Des glissements au sein du chapitre II
Sans trop de surprise, 99% des généralistes travaillent en privé; quelques-uns pratiquent en polycliniques ou en médecine d'urgence, mais la médecine générale n'est pas propice à développer des 'clusters' de sous-spécialisations comme chez les spécialistes (chirurgiens cardiaques, digestifs, etc.).
Autre non-surprise: quasi 100% des dépenses AMI des MG concernent le chapitre II de la nomenclature, soit des consultations & visites et des forfaits DMG. Les téléconsultations, dont la suspension du remboursement fait débat ces dernières semaines, apparaissent clairement en 2023. En cinq ans (2023 vs 2018), les consultations (physiques) sont passées de 83% à 77%, et les DMG ont grimpé de 3% (de 14% à 17% des dépenses).
À l'heure actuelle, les visites à domicile représentent encore un peu plus de 20% de la pratique en MG dans le Hainaut, à Liège et à Namur, contre à peine 12 à 15% à Anvers et à Bruxelles. On est passé d'environ 40%, encore, de visites, au début des années 2000, à 30% en 2010 et 20% aujourd'hui, principalement pour des patients BIM ou très âgés.
La couverture de la MG augmente (+5% en cinq ans) : 86% des assurés ont eu au moins un contact avec un généraliste dans l'année (2022), et 96% avec un prestataire de soins en général. Les BIM, les personnes très âgées et les femmes ont un peu plus de contacts. Les Bruxellois ont traditionnellement moins de contacts, mais la tendance s'inverse (+7% en cinq ans, pour atteindre 77%).

Les patients qui ont vu leur MG ont eu en moyenne 6,23 contacts sur l'année (+12% en cinq ans). De son côté, le généraliste (ETP) a eu 6.754 contacts patients en moyenne sur l'année (+18,2%). Une hausse qui s'explique par l'introduction de la téléconsultation, qui a dopé le nombre de contacts. En effet, si l'on regarde le nombre de consultations et visites en contact 'physique' - nombre qui avait plongé en 2020-2021 à cause de la pandémie -, il revient à peine à son niveau de 2019 alors que le nombre de contacts est plus élevé. La différence ne peut donc s'expliquer que par des consultations en distanciel.
Une charge de travail en hausse
Un généraliste (ETP) a en moyenne 1.076 patients (+4.36% par rapport à 2018). Il voit son patient quatre fois par an. Les MG francophones ont le même volume de patientèle que leurs confrères flamands (1.080 contre 1.074), mais ceux-ci ont davantage de contacts (500 de plus/an).

Les généralistes bruxellois et anversois ont plus de patients (1.174 et 1.132), les Limbourgeois et les Luxembourgeois en ont le moins (992 et 903). Les hommes ont 1.153 patients en moyenne, les femmes 984. Les médecins âgés de 55 à 64 ans ont la plus grosse patientèle: 1.257 patients en moyenne (et 7.840 contacts). Si l'on regarde aux deux extrêmes de la carrière, un généraliste de 34 ans a en moyenne 676 patients, contre 1.107 pour son confrère de plus de 65 ans.
La pénurie sous contrôle, en partie grâce aux femmes
Sans surprise, la profession se féminise: 49% de l'activité en MG en 2023 était effectuée par des femmes (42% en 2019). Soit 4.708 ETP féminins, contre 3.872 juste avant le covid. Les femmes MG sont désormais plus nombreuses que leurs confrères dans le Brabant wallon (58%), à Bruxelles (52%) et dans le Luxembourg (51%). Liège et le Hainaut ne comptent "que" 46% de MG femmes. Par ailleurs, le métier rajeunit: le généraliste francophone est âgé de 48,6 ans en moyenne (52,5 ans il y a dix ans). Les différentes cohortes d'âges s'équilibrent mieux (voir graphique ci-dessous), même si les 65+ ans occupent encore 18% de l'activité.

Le taux d'accroissement des actifs côté francophone était de 2,5% entre 2019 et 2023 (1,3% côté flamand). Le taux de remplacement des MG âgés de 55+ ans par des moins de 55 ans est passé à 1,22 (0,86 en 2019). "Un chiffre rassurant, qui montre que la situation est sous contrôle par rapport à la crainte de pénurie grâce aux adaptations via la Commission de planification", souligne Pascal Meeus. Il y avait 1.420 MG âgés de 34 ans il y a dix ans, on en dénombrait 3.524 en 2023. La Fédération Wallonie-Bruxelles avait fixé par décret que le nombre de médecins qui s'orientaient vers la MG devait avoisiner les 43% en 2023 - on y est quasi (en 2011, seuls 25% des jeunes diplômés optaient pour la MG). "Cela signifie que nous 'produisons' assez de généralistes par rapport aux craintes de pénurie, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de soucis au niveau de la répartition géographique", conclut l'expert de l'Inami.
Les 65+ ans tiennent la corde
Les généralistes âgés de 65 ans et plus représentent 25% des actifs, ce qui représente 18% de l'activité en 2023. Ces 18% représentent une augmentation de 83% par rapport à 2013 (contre 6% en 2000).
Ces généralistes correspondent à une cohorte importante à une époque, qui a avancé en âge et continué à travailler bien au-delà de l'âge de la pension ces dernières années. "C'est ce qui a sauvé la médecine générale depuis dix ans, avec la prise de conscience de cette classe d'âge des 45-54 ans qui ne serait pas remplacée et qui poursuit sa carrière, tout en mettant l'accent sur l'importance du renouvellement en augmentant le quota de jeunes médecins", déchiffre Pascal Meeus.
Au niveau francophone, on estime que la part d'activité réalisée par des généralistes de 65+ ans est de 21% dans le Hainaut, 20% à Liège, 17% à Bruxelles et au Luxembourg, 16% à Namur et 15% en Brabant wallon.