" Si je devais qualifier la période que nous venons de vivre en un mot, ce serait 'adaptation' : à tous niveaux, médical, infirmier, logistique, pharmaceutique, on a dû s'adapter pour survivre ", estime Didier Maesen, pharmacien en chef au CHU Sart Tilman à Liège.
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Comment la pharmacie s'est-elle adaptée pendant la crise du coronavirus ?Didier Maesen : Dans un premier temps, on est intervenu dans la création du 'village Covid', une zone de tri à l'extérieur de l'hôpital comprenant une unité d'hospitalisation de courte durée (5-6 heures) et des box de consultation. En coordination avec le médecin responsable, on a défini et mis à disposition les médicaments nécessaires à cette nouvelle unité et, avec le service technique, on a mis en place l'infrastructure pour répondre aux besoins en oxygène des patients. Concernant le matériel de protection, nous avons été confrontés à la même problématique que tous les hôpitaux : nous avions du stock, mais son renouvellement auprès des distributeurs s'est révélé très vite impossible, et le stock fédéral stratégique qui aurait dû être présent et disponible ne l'était pas, ce qui nous a rapidement mis dans l'embarras. On a donc diminué drastiquement les stocks dormants pour ne plus avoir que des stocks opérationnels. Ce qui signifiait aussi une distribution plus fréquente. Tout ceci a généré beaucoup de stress ?Oui, mais du stress positif. Pour les médicaments, nous avons été bien soutenus par l'AFMPS et l'Association belge des pharmaciens hospitaliers (ABPH). Deux fois par semaine, nous devions faire notre inventaire des stocks de médicaments utilisés pour la prise en charge de ces patients en soins intensifs, le communiquer à l'AFMPS et à l'ABPH qui le comparaient à l'occupation des lits Covid en USI. La prise en charge de ces patients en détresse respiratoire aiguë a complètement déstabilisé le marché étant donné leur grand nombre : leur prise en charge nécessitant une sédation et une curarisation importantes a fait exploser la moyenne de consommation de chaque hôpital. Et comme on s'inscrivait dans une pandémie, la possibilité d'acquérir des médicaments au niveau belge, européen ou mondial était compliquée. C'est là que l'association de l'AFMPS et de l'ABPH a joué son rôle. Grâce à cet inventaire, ils ont pu répartir les médicaments en stocks contrôlés au niveau des distributeurs belges mais aussi anticiper et acquérir au niveau international des médications pour éviter les pénuries. Avec le recul, je pense qu'on n'a pas trop mal géré cette pandémie dans les hôpitaux, pour la prise en charge, la fourniture de services... Le gros bémol concerne les matériels de protection : il faudra en tirer les leçons. Comment avez-vous géré le stress des équipes ?Tous les matins, on a une réunion opérationnelle et, dès le départ, on a fait un point 'Covid' pour trier les informations diffusées dans les médias, ce qui a permis de ne pas céder à la panique. En parallèle, on a mis en place la distanciation physique, avant même le port du masque qui était contingenté et distribué uniquement aux soignants. A la pharmacie, je n'ai pas observé de fatigue liée à un stress permanent, une peur de manipuler les objets... Si vous faites travailler les gens un peu plus que d'habitude mais qu'ils en comprennent la logique, ils s'adaptent. Quelles leçons tirez-vous de cette période ?Indépendamment du fait que nous avons dû accélérer la finalisation de la prescription informatisée, cette période a imposé une collaboration et une communication beaucoup plus importantes entre les services de l'hôpital. C'est ce qui a permis au système de s'adapter rapidement. Il faudrait garder cette énergie positive parce que nous avons été d'une efficacité pas parfaite mais assez importante. Cette capacité d'adaptation que j'ai pu observer dans l'hôpital me rassure par rapport à la survenue d'une nouvelle situation d'urgence.