Une large majorité de citoyens veut tout savoir sur leur ADN. Et ils sont tout de même quatre sur dix à être prêts à partager les données de leur génome avec l'industrie pharmaceutique.
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La génomique est devenue l'un des enjeux majeurs de la médecine du XXIe siècle. Avec l'évolution technologique de ces dernières années, il est aujourd'hui possible de lire et d'analyser pour un prix modique tout l'ADN d'une personne. D'aucuns imaginent que cela ouvre la porte à une médecine personnalisée de haute volée, mais à côté, d'autres se posent encore des questions, notamment sur le plan éthique. " Si la génomique veut réellement s'implanter et être utilisée de manière optimale, il est important que les gens puissent avoir confiance dans le fait que les données du génome seront mises au service du bienêtre du patient et de l'intérêt de la société, sans abus et avec des garanties suffisantes de respect de la vie privée de chacun ", commentent la Fondation Roi Baudouin (FRB) et Sciensano, auteurs du rapport " La connaissance du génome influence les soins de santé - Les citoyens demandent une politique pour l'avenir."À la demande de la FRB, ORB International et Gallup ont sondé l'opinion de citoyens européens quant à l'utilisation des données de leur génome. Plus de 30.000 citoyens de l'UE ont été interrogés, dont 1.000 Belges ( voir infographie). Une majorité d'Européens (73%) et de Belges (68%) veulent tout savoir sur leur génome et veulent aussi partager ces informations avec leur famille (respectivement 76% et 69%) ainsi qu'avec des chercheurs universitaires (58% dans les deux cas). Ils semblent plus réticents à le faire avec l'industrie pharmaceutique (40% et 41%), mais cela dépend évidemment de la manière dont on s'approprie l'information.Il est rare que l'on demande aux citoyens et aux patients ce qu'ils en pensent. C'est pourquoi la ministre fédérale de la Santé publique Maggie De Block a chargé le Centre du cancer de Sciensano et la FRB de débattre avec des citoyens de l'utilisation des données du génome dans les soins de santé. Ces deux organisations se sont attelées à mettre en place un parcours plus large, avec comme événement central un forum citoyen. Point d'orgue de cette initiative : un symposium est prévu pour février 2020, avec une présentation de l'analyse qualitative du forum citoyen et la présentation des conclusions.Dans ce forum citoyen, plusieurs points ont été abordés. Le changement de paradigme annoncé vers une médecine personnalisée et prédictive qui change à la fois le rôle du soignant mais aussi du soigné qui passe du statut de patient à pré-patient. " Si un test génomique révèle qu'une personne présente un risque accru de développer une maladie, quel est le statut de cette personne : est-ce un patient, un pré-patient ou autre chose encore ? ", se demande le forum citoyen. C'est pour les citoyens une question clé sur laquelle il faut poursuivre la réflexion en raison des nouvelles vulnérabilités et des nouveaux risques sociaux que font courir les tests génomiques. Il est important de clarifier le statut de cette personne. Comment le système de santé et les soignants abordent-ils les pré-patients ? Qu'est-ce que ces derniers sont en droit d'attendre ou non de la société ? Et quel regard portent-ils sur eux-mêmes ? Dans ce contexte, le forum citoyen souligne que toute personne est davantage que ses gènes. Même si le génome peut fournir des informations sur la sensibilité d'une personne à des maladies, et peut-être même sur ses caractéristiques et talents inhérents, nous sommes bien plus qu'une simple addition de nos gènes.Pour en revenir au rôle du médecin, son rôle est amené à se modifier : de médecin, il deviendra, selon le forum citoyen, un " coach en santé " voire " interprète de données ". Le Pr Elfride De Baere, présidente du Collège de génétique et des maladies rares et du Centrum voor Medische Genetica (UZ Gent), estime elle aussi que nouveaux métiers de la santé verront le jour. Mais pas nécessairement que le rôle du médecin (spécialiste ou généraliste) évoluera. " La relation classique médecin-patient doit être revue. Dans cette évolution des rôles des soignants, nous percevons un besoin de reconnaissance de nouveaux métiers de la santé, à savoir des conseillers génétiques qui font le lien entre le médecin/spécialiste et le patient/pré-patient. Ce métier n'est pas encore reconnu en Belgique. Il y a un besoin, d'une part, d'une formation officielle et, d'autre part, d'une reconnaissance de la profession (AR 78). La Belgique peut se baser pour cela sur des formations de niveau 'master' et sur des reconnaissances dans des pays étrangers, comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis. "