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Très actif au moment de l'épisode de la Commune, le grand géographe Élisée Reclus, qui fut à la base du premier parc naturel en France dans le massif de la Vanoise, fut un amoureux inconditionnel de la montagne, lieu où il retrouvait la quiétude, l'air pur et la réflexion, loin de la fumée des usines et du brouhaha pestilentiel de la ville en plein révolution industrielle. Dans un style d'une poésie au charme légèrement suranné, il en décrit la topographie, les rochers, les cimes, la lumière, la faune, la flore, jusqu'à ses habitants, les bergers, les montagnards, et les fameux crétins des Alpes en manque d'iode. Réédité en Babel par Actes Sud, le propos de l'ancien anarchiste se veut quelque peu politique à creuser sous la roche lorsqu'il évoque la liberté de l'homme, sa libération de tout asservissement dans ces grands espaces. Son discours qui date de la fin du 19e siècle semble par moment aussi éternel que la neige des cimes notamment dans son chapitre final consacré à l'homme et à sa progéniture : " Dans ce travail, si capital (223), de l'éducation des enfants, et, par eux, de l'humanité future, la montagne a le plus grand rôle à remplir. La véritable école doit être la nature libre, avec ses beaux paysages que l'on contemple, ses lois que l'on étudie sur le vif, mais aussi ses obstacles qu'il faut surmonter. Ce n'est point dans les étroites salles aux fenêtres grillées que l'on fera des hommes courageux et purs. Qu'on leur donne au contraire la joie de se baigner dans les torrents et les lacs de montagnes, qu'on les fasse promener sur les glaciers et sur les champs de neige, qu'on les mène à l'escalade des grands sommets. Non seulement, ils apprendront sans peine ce que nul livre ne saurait leur enseigner, non seulement ils se souviendront de tout ce qu'ils auront appris dans ces jours heureux où la voix du professeur se confondait pour eux, en une même impression, avec la vue de paysages charmants et forts, mais encore ils se seront trouvés en face du danger et l'auront joyeusement bravé. L'étude sera pour eux un plaisir, et leur caractère se formera dans la joie "... plus loin : " quel que soit soit l'avenir de l'humanité, quel que doive être l'aspect du milieu qu'il se créera, la solitude, dans ce qui reste de la libre nature, deviendra de plus en plus nécessaire aux hommes qui, loin du conflit des opinions et des voix, veulent retremper leur pensée. "