Le dernier rapport du KCE tente de dresser une liste de 188 situations cliniques à risque pour aider les trois professionnels de soins concernés par la grossesse à bas risque - obstétriciens, sages-femmes et dans une moindre mesure médecin généraliste - à travailler de concert.
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Les "femmes-sages" ont existé avant les gynécologues. Mais au fur et à mesure que la médecine obstétrique s'est complexifiée, les gynécologues ont pris de plus en plus de place. Les sages-femmes ont pris leur revanche ces dernières décennies mais quelle place doivent-elles occuper exactement dans la préparation prénatale versus les gynécologues? Le KCE a rassemblé l'avis d'experts obstétriciens, sages-femmes et quelques généralistes afin de développer un outil de référencement "permettant la transition sûre et sans ruptures entre prestataires de suivi prénatal". Actuellement, une femme enceinte belge peut opter pour un suivi prénatal effectué exclusivement par un gynécologue-obstétricien ou pour un suivi mixte effectué conjointement par un gynécologue et une sage-femme (et/ou un médecin généraliste, dans des cas rares sauf en Flandre). En 2016, "les femmes enceintes ont vu un gynécologue en moyenne dix fois au cours de leur suivi de grossesse tandis que le nombre de consultations chez une sage-femme était nettement plus faible. La tendance à consulter une sage-femme a cependant doublé entre 2010 et 2016. Depuis lors, une étude des mutualités chrétiennes a montré que cette tendance à la hausse s'est poursuivie au moins jusqu'en 2019." Les sages-femmes peuvent légalement poser de manière autonome le diagnostic de la grossesse, l'accouchement et le post-partum, le suivi des grossesses normales, la pratique des accouchements eutociques et la dispensation des soins au nouveau-né et au nourrisson bien portant. Depuis 2006, les sages-femmes peuvent prescrire quelques médicaments, "essentiellement destinés à traiter les principaux symptômes bénins pouvant accompagner une grossesse". Elles sont demandeuses d'un plan de référencement adapté à la Belgique. Le KCE a donc publié un document pour soutenir l'élaboration de telles "règles de référencement" pour 188 situations cliniques ou psychosociales considérées comme potentiellement à risque. "Toutefois, une condition préalable à l'utilisation de telles règles est que gynécologues et sages-femmes puissent établir des liens solides de collaboration." Or la moitié des gynécologues et environ 70% des sages-femmes qui ont participé à l'enquête du KCE sur le rôle de chacun se sont prononcés pour une alternance des consultations entre gynécologue et sage-femme. "La moitié des sages-femmes se sont également prononcées pour un suivi essentiellement effectué par les sages-femmes, avec uniquement les trois échographies réalisées par un gynécologue. Les gynécologues ont été moins nombreux à opter pour cette formule (28% des francophones et 9% des néerlandophones). Environ 40% des gynécologues se prononcent en faveur d'un suivi exclusif par un gynécologue, une option rarement proposée par les sages-femmes (5% des francophones et 9% des néerlandophones). Le suivi prénatal alterné avec un médecin généraliste a été proposé par 64% des gynécologues et 16% des sages-femmes néerlandophones, mais beaucoup moins du côté francophone (9% des gynécologues et aucune sage-femme). Environ un répondant sur dix est d'avis que le choix du type de suivi prénatal doit être laissé au couple. Cette approche centrée sur le couple est plus prononcée chez les néerlandophones (9% des gynécologues et 14% des sages-femmes) que chez les francophones (3% des gynécologues et 2% des sages-femmes)." Pour faire travailler harmonieusement les deux professions, le KCE émet quelques recommandations: "Une formation qui prépare aux pratiques collaboratives, afin de s'extraire de la vision 'en silo' des deux professions". Il est également nécessaire "de revoir la répartition des moyens financiers en prévoyant des rémunérations propices à la collaboration mais aussi à l'intégration des soins". Enfin, "il est souhaitable d'améliorer le partage des informations en accélérant les initiatives de création d'un dossier patient intégré unique et d'une communication sécurisée entre tous les professionnels de la santé faisant partie du réseau encadrant la femme enceinte."