Ce holding est un véritable fonds de placement à lui tout seul, diversifié au niveau mondial. Notamment sur les marchés émergents, où il a réalisé des coups fumants. Résultat: tout le monde en veut et le cours a explosé.
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"L'action technologique de l'indice BEL 20", ou encore "Sofina permet d'investir dans les méga-tendances de la décennie": c'est en termes particulièrement élogieux que la presse financière s'exprime depuis l'an dernier. Le "holding de la famille Boël", comme on l'appelle régulièrement, est un peu devenu l'équivalent belge de Berkshire Hathaway, le groupe dirigé par le légendaire Warren Buffett. Question dimension, il n'y a évidemment pas photo: le holding américain pèse 640 milliards de dollars, soit 530 milliards d'euros, alors que Sofina doit se contenter d'un peu moins de 11 milliards. Au niveau des performances récentes par contre, c'est dans l'autre sens qu'il n'y pas photo: l'action Berkshire Hathaway a doublé au cours des cinq dernières années, alors que le titre Sofina a progressé de 170%, s'envolant de 117 à près de 320 euros. Et ceci grâce à des investissements fort judicieux dans plusieurs entreprises en plein essor, notamment en Inde. Il est bien loin, le temps où Sofina investissait fort sagement dans le secteur de l'électricité en Belgique. Loin aussi, celui où le holding se basait sur quelques grands noms bien établis comme Danone, BioMérieux (pharmacie) et Orpea (maisons de retraite) en France, ainsi que Colruyt en Belgique. Encore faut-il souligner que cette dernière participation date d'avant l'entrée en Bourse du distributeur, de sorte que Sofina a pleinement profité de l'envolée de cette action ayant longtemps figuré parmi les étoiles filantes de la Bourse de Bruxelles. Cette démarche préfigurait la stratégie qui s'est imposée dans les années 2000. Le moteur de Sofina, devenu turbo ces dernières années, c'est en effet l'entrée au capital d'entreprises jugées très prometteuses et repérées à un stade précoce. Le premier gros succès du genre a pour nom The Hut Group (THG). Cette entreprise britannique gère une centaine de sites Internet, en particulier dans le domaine des soins personnels et du bien-être. Sofina y a mis le pied en 2016 et a plusieurs fois augmenté sa participation, y compris lors de son entrée en Bourse de Londres en septembre 2020. Le cours a fléchi d'un quart depuis, mais la plus-value du holding n'en reste pas moins substantielle sur cette participation qui pèse aujourd'hui quelque 560 millions d'euros et est la principale du portefeuille. C'est également en 2016 que le holding belge a mis le pied chez Byju's, société indienne proposant des contenus éducatifs en ligne à plus de 50 millions d'étudiants. Il a aussi accru sa participation à plusieurs reprises. Byju's valait 470 millions de dollars en 2016 et elle est aujourd'hui estimée à plus de 10 milliards. De sorte qu'en abaissant sa participation de 8,6 à 6,2% l'an dernier, Sofina a récupéré quelque 250 millions. Byju's reste toutefois le 2e poste du portefeuille. Le groupe en a profité pour investir dans une autre entreprise indienne active dans le même secteur: K12 Techno Services. Outre une société chinoise, la britannique Cognita, un réseau d'écoles présent dans dix pays, complète les quatre participations du holding dans l'éducation, un de ses quatre "secteurs-cibles". Les soins de santé en sont un autre, avec, outre BioMérieux, la chinoise Jiahui Health et la française Biotech Dental, sans oublier Clover, un assureur-santé américain. Dans la transformation digitale, 3e secteur-cible, on trouve notamment Pine Labs, fintech indienne spécialisée dans les systèmes de paiement. Les biens et services de consommation, le 4e secteur-cible, sont représentés tant par des entreprises très classiques que des sociétés axées sur l'Internet. Dans le premier groupe figurent la maison de négoce en vins Chapoutier, fondée en 1808 mais pionnière de la biodynamie, et le Petit Forestier, leader européen de la location de camions frigorifiques, ou encore Drylock, fabricant belge de produits d'hygiène employant plus de 2.500 personnes. Dans le second se pointe Veepee, le géant français de la vente en ligne, mais également la société lituanienne Vinted, bien connue des adolescentes et jeunes femmes! Le portefeuille de Sofina recèle bien d'autres noms, aux quatre coins du monde. Citons, pour se faire une idée, les gestionnaires d'actifs américains Cambridge Associates et First Eagle, l'allemand Hillebrand, leader de la logistique de boissons, l'espagnol Salto Systems, champion des solutions de contrôle d'accès électronique, Nuxe (France), pionnier des cosmétiques naturels, HS Towers (Nigéria), qui exploite des tours télécoms. Le holding est récemment entré au capital de Cred, start-up indienne ayant développé une plateforme de paiement de factures de cartes de crédit, ainsi que de Collibra, gestionnaire de données pour les entreprises et première licorne belge. Ce terme désigne une entreprise pas encore cotée, mais déjà valorisée à un milliard de dollars. Le mois dernier, le holding est devenu actionnaire de Dott, le loueur de trottinettes électriques. Les Byju's, Pine Labs, K12 et Cred citées plus haut ne sont que quelques-unes de participations en Inde. On y relève également Bira 91 (bières de haut de gamme), Lenskart, producteur de lunettes, Healthkart, distributeur de nutrition sportive, Verse Innovation, actif dans les technologies de l'information, Medgenome (soins de santé), TCNS (prêt à porter), ou encore ACT (télécoms). Pourquoi cet engouement? CEO de Sofina, Harold Boël s'en est naguère expliqué au magazine Trends-Tendances : "Là-bas, tout est lent. Les affaires sont compliquées, mais sûres. La Chine (ndlr: où le groupe est également présent) est plus rapide, mais moins transparente et moins prévisible. L'Inde dispose en outre d'une population jeune et dynamique, mue par un esprit d'entreprise réel. Et d'une classe moyenne qui croît à raison de millions d'individus chaque année."Sofina investit en direct dans diverses entreprises mais, pour près de 40% de son portefeuille, il participe également à des "tours de table" en compagnie de fonds spécialisés dans le private equity, c'est-à-dire prenant des participations dans des entreprises non cotées. Le holding de la famille Boël a progressivement tissé des liens dans cet univers privilégié, où les relations pérennes et le partage d'une vision à long terme permettent de mettre le pied dans des entreprises promises au succès. Investi pour 40% en Europe, 30% aux États-Unis et 30% en Asie, dans des secteurs extrêmement variés comme on l'a vu, Sofina est un véritable fonds de placement à lui tout seul. Une valeur de fonds de portefeuille aujourd'hui très courtisée. À preuve: si l'action n'a pas échappé au krach de mars 2020, chutant en chiffres ronds de 220 à 150 euros, elle signait un nouveau record dès le mois d'avril! Et elle se situe aujourd'hui plus de 40% au-delà de son sommet de février 2020. Au point d'ailleurs que, loin de consentir une décote par rapport à sa valeur intrinsèque, ce qui est historiquement le cas des holdings, le cours de Sofina affiche au contraire une prime et que les analystes n'osent plus guère recommander l'action. La rançon du succès...