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Bemedtech (Fédération sectorielle des technologies médicales) organisait récemment un symposium sur les soins intégrés. Le Dr Julien Fanielle, médecin spécialisé dans les troubles du sommeil au CHU de Liège, a donné un petit cours de soins intégrés appliqué à la technologie médicale: la (trop lourde) gestion de l'apnée du sommeil. Le journal du Médecin: Vous taxez la procédure actuelle de surveillance des apnées obstructives du sommeil de "lourde et coûteuse"... Dr Julien Fanielle: Oui. Pour les cas simples, le télémonitoring des machines de pression positive est une solution. Je parle pour les syndromes d'apnées obstructives du sommeil non compliqués (c'est-à-dire sans comorbidité majeure associée). Une fois le diagnostic posé et le traitement par pression positive instauré, l'adaptation et le suivi du traitement pourrait se faire via le télémonitoring. Si le patient rapporte une disparition des plaintes sous traitement, l'intérêt d'aller passer une deuxième nuit à l'hôpital ou en ambulatoire est très faible et implique des coûts supplémentaires. La Belgique est un des seuls pays d'Europe à encore exiger une seconde nuit pour des patients où tout se passe bien. Par contre, en l'absence de bonne réponse au traitement, l'indication d'une seconde polysomnographie existe. L'idée, c'est de simplifier la procédure?Oui. Le système de télémonitoring sur les machines de pression positive peut nous donner des informations sur l'observance au traitement, la pression, l'indice d'apnées-hypopnées résiduel et d'éventuels problèmes de fuites. On peut en conséquence adapter les paramètres de la machine à distance. Cela se fait via l'ordinateur et passe par le réseau GSM. Cette technique permet également un suivi quotidien à long terme et la détection précoce de patients qui décrochent sachant que l'observance à long terme est un défi important du traitement. Cela peut aussi permettre la détection d'apnées centrales suggérant parfois l'apparition d'un évènement cardiaque indésirable (Prigent et al. Respirology 2022). Ces détections précoces de problèmes d'observance ou d'indice résiduel élevé favorisent une prise en charge rapide de la problématique sous-jacente avec, on l'espère, un bénéfice à long terme. Comment se passe le télémonitoring concrètement?Outre la gestion du système par le spécialiste, le patient dispose s'il le souhaite d'une application (MyAir) qui lui donne un score global sur son téléphone mobile et lui indique notamment s'il y a un problème de fuite du masque. Des conseils tutoriels sont fournis pour l'utilisation. Les limitations de l'application "patient" concernent les personnes âgées non connectées ou les personnes anxieuses qui vont regarder leur score tous les jours mais cela n'empêche pas l'utilisation du télémonitoring par le spécialiste. Combien de patients sont concernés par l'apnée obstructive?Environ 155.000 patients sont traités en Belgique d'après les données de 2021 et il faut considérer que le syndrome d'apnées obstructives du sommeil de forme symptomatique touche +/- 6 à 7% de la population, ce qui traduit donc un sous-diagnostic dans la situation actuelle. Avec la croissance de l'épidémie d'obésité, cela va augmenter. Des personnes minces peuvent aussi en souffrir (en raison de facteurs osseux maxillo-faciaux). Toute une prévention est à faire durant l'enfance notamment chez les respirateurs buccaux. C'est un problème de santé publique. Donc la prise en charge diagnostique et le suivi doivent être simplifiés. Pourquoi la Belgique rechigne-t-elle à simplifier le diagnostic des apnées obstructives du sommeil?On utilise actuellement uniquement de la polysomnographie obligatoire en hôpital. Alors que dans tous les pays européens, en cas de forte suspicion d'apnées obstructives, ils utilisent la possibilité d'une polygraphie ou d'une polysomnographie à la maison. Notre fonctionnement actuel en Belgique est donc trop lourd et trop hospitalo-centré avec les coûts d'hospitalisation en conséquence. Il y a d'ailleurs eu un rapport du KCE sur le sujet[1]... Le modèle de financement actuel n'est pas tenable à moyen ou long terme car trop onéreux et sa révision doit être intimement liée à la réforme du financement des hôpitaux et de la nomenclature sans quoi il y aura des dysfonctionnements majeurs dans le contexte actuel de déficit des hôpitaux. Cela ne fait-il pas des années qu'on dit que cette convention va changer?Il existe en effet un certain immobilisme à ce niveau avec parfois des problèmes de conflits d'intérêt dans la réévaluation de cette convention. Les directions hospitalières ne sont pas non plus pressées de faire des changements?Tant qu'il n'y aura pas des sources de financement alternatif, tous les lobbies défendront le modèle rémunérateur pour l'hôpital pour ne pas être en déficit. J'espère qu'il y aura des changements mais la nomenclature et le financement hospitaliers doivent être révisés. En terme d'éthique médicale (approche scientifique et intérêt de santé publique), il faut clairement changer le système.