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Les mutualités peuvent approcher l'état de santé de leurs affiliés via des indicateurs indirects (proxys), comme la consommation d'antidépresseurs qui est un indicateur de dégradation de la santé mentale. La méthode a ses limites puisque seuls les soins effectivement remboursés sont comptabilisés dans ces proxys. Cette méthode est aveugle également d'une éventuelle sous-consommation de soins et, bien entendu, du volume de soins non remboursés. Solidaris est partie cependant de l'hypothèse selon laquelle la santé des personnes sans emploi est moindre que celle des personnes qui travaillent et, à certains égards, est plus proche de celle des personnes invalides. Elle s'est basée sur les données de ses 1.067.632 affiliés titulaires âgés de 25 à 65 ans. En 2022, le taux de chômage des Belges âgés de 15 à 64 ans était de 6% (Statbel 2023). Derrière ce taux, ce sont 277 000 personnes qui sont concernées, dont 26% sont au chômage depuis deux ans ou plus. 24% de la population est constituée "d'inactifs". Ils sont visés par la volonté du gouvernement d'atteindre 80% de taux d'emploi dans notre pays et de les "activer". Que sait-on pour autant de la santé réelle des chômeurs? La littérature renseigne que la précarité en général est liée à une santé dégradée. "La proportion de chômeurs belges qui s'estiment en mauvaise santé est sept fois plus élevée que parmi les salariés", fait remarquer Solidaris. "Près de deux chômeurs sur trois (64%) risquent de tomber dans la pauvreté et l'exclusion sociale, tandis que cette situation concerne moins de six travailleurs sur cent, soit 12 fois moins."En Belgique, ce sont 37% des travailleurs sans emploi qui déclarent souffrir de troubles dépressifs, chiffre qui passe à 45% chez les chômeurs de plus de deux ans. L'analyse comparative du profil de santé des travailleurs et des invalides montre qu'outre un profil de santé plus dégradé que celui des travailleurs, "les chômeurs de longue durée présentent un profil sociodémographique défavorisé, un taux de mortalité plus élevé (ils ont 2,6 fois plus de risques de mourir dans les trois ans que les travailleurs, tous âges confondus), une incidence plus marquée pour certaines pathologies". Un chômeur sur quatre déclare reporter des consultations chez le médecin généraliste, et plus encore pour les spécialistes et les dentistes. "C'est au sein de la population de chômeurs que l'on enregistre les plus faibles pourcentages de contacts avec la médecine générale, les gynécologues, les dermatologues et les ophtalmologues." Ce faible recours aux soins de première ligne malgré une santé plus dégradée que la population des travailleurs semble confirmer la problématique de report des soins identifiée par ailleurs par la mutuelle. On observe parallèment que c'est au sein de la population de chômeurs que l'on a le moins recours à la prévention. "Les soins dentaires préventifs ne sont consommés que par 23% des chômeurs, tandis que les chômeuses vont moins se faire dépister pour les cancers du sein et de l'utérus par rapport aux deux autres populations étudiées."Au plan socio-économique, la mutuelle remarque que les bénéficiaires de l'intervention majorée (BIM) sont nettement plus représentés chez les chômeurs (61%) et les invalides (51%) que chez les travailleurs (4%). "Au niveau du statut, on constate que 80% des chômeurs et 77% des invalides sont des ouvriers." Par ailleurs, la proportion de chômeurs qui habitent dans les quartiers les plus pauvres est près de trois fois plus élevée que dans les quartiers les plus riches. Pour les invalides, ce rapport est de 1,5. "Nos analyses standardisées montrent que le taux de personnes précarisées est 4,2 fois plus élevé dans la population de chômeurs que parmi les travailleurs. On observe également une structure démographique différente pour ces sous-populations. Alors que 64% des chômeurs sont âgés de 55 ans ou plus, seuls 14% des travailleurs et 37% des invalides se situent dans cette tranche d'âge. En considérant tous les chômeurs comme des actifs, c'est tantôt le marché du travail, tantôt les chômeurs qui sont pointés du doigt. Or, études et analyses tendent à montrer qu'une partie des chômeurs de longue durée ne sont pas des actifs à proprement parler mais plutôt des invalides", conclut la mutualité socialiste.