La ville de Beaune, connue notamment pour ses fameux Hospices, remet à l'honneur son passé ducal en présentant un triptyque d'expos intitulé "Quand flamboyait la Toison d'Or"...
...
Beaune fut le siège du Parlement du Duché de Bourgogne, là où Dijon en était la capitale: la rivalité entre cette ville de 25.000 habitants et sa rivale et soeur, dix fois plus grande, est toujours d'actualité. L'exposition Quand flamboyait la Toison d'Or remet en exergue l'importance de cette petite cité au travers de trois figures: celles de Philippe Le Bon, de Charles Le Téméraire et surtout du Chancelier Rolin, Beaunois et fondateur des Hospices qui sont toujours aujourd'hui propriété des hôpitaux de la ville. C'est l'un des volets de cette expo triptyque, qui débute au Musée des Beaux-Arts du coeur historique remarquablement préservé, et commissionnée par notre compatriote et médiéviste Philippe George: une exposition qui regorge de trésors des pays dit "par de ça" par les ducs pour les Plats Pays, par opposition aux pays "par de là" (la Bourgogne historique où ils sont présentés). Évocation colorée dans l'introduction par le noir - de la zibeline, du velours et du satin -, ton anobli par Philippe Le Bon, et le rouge de la Toison d'Or, ordre qu'il fonde en 1430 à Bruges, au sein d'une présentation qui mêle trésors et livres enluminés, préambule dans lequel l'on peut admirer le Grand Armorial de la Toison d'Or, un buste de Philippe Le Bon, et un portrait anonyme de Louis XI, que le premier protégera avant que le second ne trahisse son protecteur. La valeur propagandiste de la Toison d'Or est bien expliquée par le parcours qui en présente divers écus, évoque également la rivalité entre Rolin qui, originaire de Beaune se voit attribuer des terres en Hainaut, et la famille de Croy dont on peut admirer notamment un superbe reliquaire vénitien de Sainte-Barbe en argent doré. Des tapisseries d'époque également: celle de la Collégiale Notre-Dame de Beaune, et d'autres de Tournai, l'une représentant L'ânesse de Balaam (1460), entourent des témoignages du Gothique tardif comme ce reliquaire doré gravé et ciselé en argent de Notre-Dame de Tongres. Ce courant donnera naissance aux Primitifs flamands (hélas La Vierge au Chancelier Rolin de van Eyck est restée au Louvre), style pictural qui se propage dans la sculpture dans les drapés chez les successeurs de Sluter et voit les peintres flamands (dont Robert Campin) participer à sa polychromie: en témoigne notamment, une très belle Pâmoison de la Vierge issue d'une collection privée belge. En face d'une Mise au tombeau impressionnante de réalisme en provenance de la collégiale de Binche cette fois, des orfèvreries montoises, dont une extraordinaire statuette d'un saint en argent saphirs et grenats restaurée par l'IRPA (Institut Royal du Patrimoine Artistique) de Bruxelles comme nombre de pièces des trois expositions. Le deuxième volet de l'exposition se situe dans les Hospices de Beaune: la Grande Salle des Pôvres - ses trente lits d'époque plus récente, leurs ustensiles et ses poutres colorées où des engoulants, figures de monstres, avalent les entraits de charpente - accueille un hologramme du chancelier, son fondateur sur deniers propres, sous les yeux du Piteux , Christ de piété sculpté par Jan Borman. Au fond de l'immense salle, la chapelle accueille deux statues du chancelier et son épouse Guigone de Salins, issues des réserves des Hospices et un duo de lutrins en dinanderie en forme d'aigle doré destinés l'un à la lecture de l'évangile et l'autre des épîtres: ils proviennent tous deux de Leuze-en-Hainaut et sont surplombées par une reproduction photographique de qualité du 'Jugement dernier', polyptyque de van der Weyden. L'original se situe, pour des raisons de conservation, dans la salle Saint-Louis qui le magnifie et le protège. Sur un des panneaux extérieurs de ce chef-d'oeuvre, l'on retrouve la figure de Rolin et de Guigone. À ses côtés, dans le cadre de cette exposition, sont exposées une Trinité de Rogier de la Pasture, à nouveau rénovée par l'IRPA et une statue de la même thématique venue de la collégiale Saint-Pierre de Louvain. Leur font face des manuscrits enluminés et livres d'heures en provenance de Valenciennes, Roubaix et Turin. Dans cette partie, les broderies au fil d'or notamment témoignent du goût du faste de la cour bourguignonne et trois Piétas viennent confirmer l'amour des ducs et de leur entourage pour la figure mariale, notamment l'une signée le Moiturier, héritier de Sluter, le Michel-Ange des pays du Nord. Des documents manuscrits apportent une touche documentaire à l'ensemble (notamment de 1448 concernant les comptes de l'Hôtel-Dieu). Troisième volet de ce parcours dans la belle cité bourguignonne, sorte de Dijon en miniature, l'hôtel des Ducs qui les vit séjourner quelques fois à Beaune - dont l'architecture à pans de bois d'une part et donc médiévale, renaissante à meneau de l'autre, est fusionnée par une partie d'une sobriété dix-huitième tenant de pont de pierre temporel entre ces deux parties - est désormais dédié au Musée du Vin (celui de Bourgogne doit beaucoup aux Ducs) qui fit et fait encore la richesse de Beaune aujourd'hui. L'une de ses pièces accueille la plus petite partie de cette fresque historique et se consacre au volet politique et militaire, évoquant, au travers d'armes bourguignonnes ou ottomanes prêtées par le musée de l'Armée de Bruxelles, ou d'une couleuvrine découverte à Bouvignes (près de Dinant, saccagée par Charles Le Téméraire en 1466), notamment la chute de Constantinople en 1453, la fin de la guerre de Cent Ans la même année et le banquet du Faisan à Lille un an plus tard qui voit Philippe Le Bon initiateur d'une croisade au secours des Byzantins. Comme dans le cas du polyptyque du Jugement dernier de van der Weyden qu'elle intègre à son propos, cette exposition triptyque rend avec réalisme, couleurs et véracité, mais peut-être pas avec autant de faste qu'on ne l'aurait souhaité l'époque des Ducs de Bourgogne au travers de la figure locale du chancelier Rolin, et se révèle dès lors un complément quasi idéal à l'ouvrage de Bart Van Loo...