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Durant la dernière décennie, on a assisté à la multiplication des procédures de chirurgie bariatrique, mais bon nombre de ces techniques ont depuis été abandonnées", relate le Dr Martin Ruppert (chef de clinique de chirurgie abdominale, pédiatrique et reconstructrice, UZA). "La dérivation biliopancréatique (procédure de Scopinaro) et le switch duodénal ne constituent plus le premier choix car ils sont basés sur la malabsorption et peuvent entraîner de graves carences. La bande gastrique n'est plus usitée, essentiellement parce que cette technique induit de mauvaises habitudes alimentaires. Quant au ballon gastrique, celui-ci n'offre pas de solution à long terme, puisqu'il faut l'enlever après six mois."Le Dr Ruppert se limite donc à l'exposé de deux procédures: la sleeve gastrectomie (réduction de la taille de l'estomac) et le bypass gastrique (pontage gastrique). La sleeve gastrectomie ou gastrectomie longitudinale implique l'ablation des deux tiers de l'estomac. On ne conserve que le segment le long de la petite courbure de l'estomac, compris entre l'oesophage d'un côté et le duodénum de l'autre. La gastrectomie longitudinale est une procédure typiquement restrictive: elle réduit le volume de nourriture ingéré par repas. L'effet hormonal qu'elle exerce également, du moins à court terme, découle d'une diminution de la sécrétion de ghréline, hormone normalement produite par l'estomac et stimulant l'appétit. "Cet effet hormonal peut être très marqué", relève le Dr Ruppert. "Après une sleeve gastrectomie, certains patients signalent qu'ils oublient tout simplement de manger ou qu'ils n'ont pas le sentiment de devoir s'alimenter." Selon certaines études, cet effet disparaît à terme. La sleeve est particulièrement efficace chez les mangeurs de grands volumes. Au vu du faible impact structurel de la sleeve gastrectomie sur le système digestif, on pourrait penser que les effets secondaires de cette procédure sont limités. Martin Ruppert: "Pourtant, un certain nombre de complications non négligeables l'accompagnent. L'apparition ou l'augmentation du reflux gastro-oesophagien, par exemple, fait suite à la création d'une zone de haute pression juste en aval de l'oesophage. Cette complication peut être grave, au point que le traitement médicamenteux ne suffit pas et qu'il faut réopérer." Les carences en vitamines et minéraux, qui requièrent un suivi à vie, seront envisagées dans l'article suivant. Le bypass ou pontage gastrique consiste à raccorder une petite partie de l'estomac à l'intestin grêle. D'un point de vue technique, le chirurgien peut ne réaliser qu'une seule connexion (mini-bypass) ou alors deux, avec une anse alimentaire et une anse biliaire (bypass gastrique classique). Le reste de l'estomac, le duodénum et le jéjunum proximal subsistent dans l'abdomen mais sont court-circuités par l'intervention. Le bypass gastrique associe restriction (diminution de l'alimentation) et malabsorption. Il permet de conserver un segment intestinal suffisamment long pour assimiler les nutriments - environ 80% de la taille initiale, alors qu'elle n'est plus que de 10% dans les véritables procédures de malabsorption. Le bypass gastrique n'entraîne normalement pas de malabsorption des macronutriments (hydrates de carbone, lipides et protéines), contrairement aux procédures de malabsorption, qui provoquent souvent des complications comme la stéatorrhée et la malabsorption des protéines. À côté de l'effet restrictif du bypass gastrique, l'effet GLP-1 peut lui aussi expliquer en partie la perte de poids, en ce sens que le passage rapide du bol alimentaire dans l'intestin accélère la sécrétion postprandiale de GLP-1 par les cellules entéro-endocrines. Il s'ensuit une diminution plus précoce de la sensation de faim, même après un repas léger. Le pontage gastrique a également un impact sur les grignotages. Les hydrates de carbone simples aggravent en effet le syndrome de dumping, incitant les patients à éviter les aliments riches en glucides (voir plus loin). Parce qu'elle est induite par plusieurs mécanismes, la perte de poids liée au bypass est plus prononcée qu'avec la sleeve gastrectomie. Actuellement, le bypass est considéré comme la meilleure chirurgie bariatrique. L'opération elle-même présente un certain nombre de complications à long terme, pouvant nécessiter une nouvelle intervention. La hernie interne en est la plus typique. Il s'agit du déplacement de l'un des composants du pontage dans l'abdomen (les anses mésocoliques réalisées au niveau des deux anastomoses), menant à une occlusion. Cela peut se produire à tout moment après l'intervention, même des années plus tard. Une autre complication du bypass gastrique est l'invagination, réalisée par le glissement de l'intestin sur lui-même. Globalement, il convient de souligner que le bypass gastrique entraîne des complications plus prononcées que la sleeve gastrectomie (voir l'article suivant). La plupart d'entre elles peuvent être résolues par une modification du mode de vie, qui réclame cependant de considérables efforts au patient. Le dumping est une complication susceptible de survenir après une sleeve, comme après un pontage gastrique. On distingue deux phases: le dumping précoce et son pendant tardif. "Le dumping précoce est le véritable syndrome de chasse intestinale", précise le Dr Ruppert. "Ce phénomène est dû à la rapidité du transit de la nourriture depuis l'estomac réséqué vers l'intestin. Il est plus marqué après un bypass, puisque dans ce cas, il n'y a plus de pylore." Toutefois, à plus long terme, la sleeve peut également induire un dumping, la vidange de l'estomac devenant plus rapide. Les symptômes de dumping précoce sont de deux natures: · Problèmes gastro-intestinaux: nausées, vomissements, crampes, ballonnements, aérophagie et diarrhée. · Anomalies hémodynamiques: chute de tension et tachycardie. Ces anomalies sont causées par un déplacement osmotique de liquide de la circulation sanguine vers l'intestin, mesurable sous la forme d'une brève augmentation du taux d'hémoglobine dans le sang. La tachycardie est aggravée par un effet stimulant du GLP1 sur le système nerveux sympathique, ce qui explique pourquoi le dumping prématuré est plus fréquent après l'ingestion d'hydrates de carbone rapides. Le dumping tardif devrait plutôt être décrit comme une hypoglycémie tardive, induite par une augmentation brusque du taux de GLP1, qui provoque à son tour une sécrétion accélérée d'insuline. La glycémie descend sous le niveau normal une heure et demie à deux heures après le repas. Une modification du régime alimentaire constitue le principal recours pour lutter contre les symptômes de dumping précoce: manger lentement, prendre plusieurs repas légers par jour, éviter les lipides et les glucides, privilégier les aliments riches en fibres et éviter de boire pendant les repas. "Il existe peu de médicaments efficaces pour traiter les symptômes du dumping", note le Dr Ruppert. "Dans les cas extrêmement graves, un traitement d'essai à court terme à base de somatostatine peut être utilisé. Mais si les symptômes de dumping restent invalidants à long terme, malgré les mesures diététiques, il convient d'envisager l'ablation du bypass."La première mesure à prendre pour éviter l'hypoglycémie liée au dumping tardif réside dans l'éviction des hydrates de carbone rapides. En outre, des collations composées d'aliments à résorption lente et riches en fibres peuvent s'avérer utiles. Une dernière option consiste à prescrire de l'acarbose, un médicament autrefois utilisé pour traiter le diabète car il ralentit la résorption des sucres dans l'intestin. Chez les personnes atteintes du syndrome de dumping, ce médicament rétablit la courbe de résorption et par conséquent la courbe glycémique, en les rapprochant de ce qui se passe en présence d'un estomac intact.