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Une des principales carences induites par la chirurgie bariatrique concerne le fer. Ce minéral est essentiellement assimilé par le duodénum. L'acide gastrique assure sa bonne résorption en transformant le Fe3+ en Fe2+, plus facilement assimilable. En raison d'une vidange accélérée de l'estomac, la chirurgie bariatrique réduit le contact des aliments ingérés avec l'acide gastrique. En outre, après une gastrectomie longitudinale, les patients prennent souvent des IPP pour traiter le reflux. Ils peuvent également avoir du mal à consommer de la viande, pour des raisons mécaniques. S'ajoute à cela que le bypass gastrique court-circuite le duodénum en même temps que l'estomac. Les carences en fer sont donc plus marquées suite à cette intervention qu'après une sleeve. La prévalence des carences en fer liées à la chirurgie bariatrique augmente au fil des années, de 10 à 25%. Les préparations multivitaminées prescrites après une chirurgie bariatrique contiennent souvent des doses élevées de fer. Il existe une large gamme de préparations pour remédier à une carence persistante. Si les compléments oraux ne permettent pas la remise à niveau du taux de fer, il faut avoir recours à des suppléments parentéraux. · Une carence en vitamine B12 est également très fréquente après une chirurgie bariatrique. Ici encore, la mauvaise digestion de la viande joue un rôle mais l'absence de facteur intrinsèque d'absorption de la vitamine B12 en est la cause principale, ce qui signifie que les suppléments oraux ne compensent que difficilement la carence. Les préparations multivitaminées destinées au suivi consécutif à la chirurgie bariatrique contiennent 200 fois la dose quotidienne normale. "Si cela ne suffit pas, l'option suivante est d'administrer une préparation combinée de vitamine B12 et de facteur intrinsèque ou une préparation sublinguale de vitamine B12", note le Dr Martin Ruppert (chef de clinique de chirurgie abdominale, pédiatrique et reconstructive, UZA). "Toutefois, si les préparations multivitaminées ne corrigent pas les taux, l'administration parentérale par injection intramusculaire mensuelle constitue la solution la plus logique."· Le calcium est un autre volet des carences consécutives à la chirurgie bariatrique. Le calcium est assimilé activement dans le duodénum et passivement dans tout l'intestin grêle. L'acide gastrique libère le calcium de la nourriture et en facilite l'absorption. La résorption du calcium est dès lors perturbée par la sleeve comme par le bypass gastrique, qui court-circuite en plus le duodénum. La résorption de vitamine D n'est pas impactée par la gastrectomie longitudinale ni par le bypass gastrique, contrairement aux procédures malabsorptives. Toutefois, le fait que la vitamine D est produite par la peau incite à la vigilance dans les sous-groupes de la population qui s'exposent insuffisamment à la lumière naturelle. Il est préférable de doser le calcium en association avec la parathormone afin d'exclure une carence en cette hormone comme cause de l'hypocalcémie. · Les carences en acide folique sont rares après une sleeve ou un bypass, cette vitamine étant assimilée sur toute la longueur de l'intestin grêle. Les carences sont plutôt dues à une ingestion insuffisante, plus précisément quand le patient éprouve des difficultés à manger ou vomit souvent. Ces mêmes facteurs peuvent également être à l'origine d'une carence en vitamine B1. Le zinc, le magnésium et la vitamine A sont d'autres aspects à surveiller, même si leur carence est moins fréquente après une chirurgie bariatrique. Le suivi consécutif à une chirurgie bariatrique requiert des analyses sanguines régulières, axées sur les carences typiques: · Fer, ferritine, hémoglobine, MCV, · Vitamine B12, · Vitamine D, parathormone, calcium, · Zinc. "Nous effectuons une prise de sang tous les six mois durant les deux premières années suivant l'intervention, puis une fois par an", explique le Dr Ruppert. "Ce rythme peut éventuellement être adapté en fonction des carences repérées. Il est important de poursuivre ces analyses durant toute la vie du patient." Il existe des compléments de vitamines spécifiquement destinés aux patients ayant subi une chirurgie bariatrique, et même des produits spécifiques à chaque procédure. La chirurgie bariatrique accroît le risque de calculs cholestéroliques de la vésicule. L'obésité constitue un facteur de risque de calculs cholestéroliques, mais la perte pondérale rapide s'avère encore plus menaçante à cet égard, car elle s'accompagne d'une modification importante de la composition de la bile. On observe l'apparition de nouveaux calculs biliaires durant les six à douze mois suivant l'intervention. Ce phénomène est plus marqué après un pontage gastrique: la sécrétion de bile dans le segment ponté provoque une résorption accrue des sels biliaires dans l'intestin - en l'absence de nourriture - et finit par entraîner une sursaturation de la bile en sels biliaires. Néanmoins, un risque accru de calculs biliaires est également observé avec la sleeve gastrectomie, bien que le mécanisme soit moins clair. L'ablation de la vésicule durant la procédure bariatrique (cholécystectomie préventive) a longtemps été controversée et a finalement été abandonnée. La Swedish Obesity Study[1] a en effet démontré que l'indication d'une cholécystectomie suite à une chirurgie bariatrique ne concernait qu'environ 15% des patients dans la première année. D'autre part, les patients sont souvent très obèses au moment de la procédure, ce qui augmente le risque de complications d'une cholécystectomie. "Une cholécystectomie préventive systématique signifie donc qu'on enlève trop de vésicules, avec un risque élevé de complications, par rapport à la situation après la perte de poids", conclut le Dr Ruppert. Autre complication, l'apparition de calculs rénaux est, entre autres, occasionnée par l'absorption réduite de liquide qu'on observe chez certains patients après une chirurgie bariatrique. Une deuxième explication réside dans la malabsorption subclinique des lipides, auxquels le calcium se lie préférentiellement, au détriment de l'oxalate. Laissé à l'abandon, l'oxalate libre est plus massivement résorbé depuis le compartiment intestinal et exécré en plus grandes quantités par les reins. En même temps, on constate une diminution de l'élimination du citrate chez les patients ayant subi une chirurgie bariatrique (probablement due à une acidose métabolique), d'où un moindre effet inhibiteur sur la cristallisation des sels de calcium dans l'urine. Les calculs d'oxalate sont surtout fréquents après un pontage gastrique, moins après une sleeve. Les procédures purement malabsorptives connaissent la plus forte prévalence. La Swedish Obesity Study réalisée à grande échelle [2] indique que les patients atteignent leur poids le plus bas un à deux ans après la chirurgie bariatrique. Ensuite, quelle que soit la procédure appliquée, on assiste à une prise de poids qui touche presque tous les patients. Suite à la sleeve, le regain pondéral est attribuable au fait que le volume alimentaire qui peut être ingéré en une seule fois augmente à nouveau au bout d'un certain temps, en raison de la dilatation de la poche gastrique et de sa vidange accélérée. En outre, la gastrectomie longitudinale ne freine pas la consommation de sucreries (contrairement au bypass gastrique), de sorte que les personnes traitées peuvent reprendre leurs mauvaises habitudes après un moment. La prise de poids après un bypass gastrique est également attribuée à une vidange plus rapide à travers l'intestin grêle. Par contre, la dilatation de la poche gastrique n'est pas clairement démontrée. Un autre facteur entre en ligne de compte: certains patients ne développent pas de syndrome de dumping après le pontage et peuvent être enclins à ne pas adapter leur consommation d'hydrates de carbone rapides. On propose différentes options pour contrer la prise de poids après un bypass gastrique, parmi lesquelles la combinaison avec un anneau gastrique ou l'adaptation de la longueur des intestins, des techniques qui entraînent une malabsorption. "Je n'en suis pas partisan", commente le Pr Ruppert. "Je pense que nous devons avant tout miser sur l'adaptation du style de vie du patient après la chirurgie bariatrique, en l'incitant à adopter une alimentation plus saine et à faire plus d'exercice. Ce sont ces facteurs qui déterminent le succès de l'intervention, à long terme. Il faut soutenir le patient en ce sens, en première et en deuxième ligne. L'UZA a adopté une approche multidisciplinaire. Le chirurgien, l'endocrinologue, le diététicien et le psychologue interviennent. Une approche multidisciplinaire peut être indiquée en cas de prise de poids à plus long terme. Le chirurgien examinera les éventuelles modifications anatomiques, tandis que l'endocrinologue analysera les aspects hormonaux et une éventuelle indication médicamenteuse de contrôle du poids."