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Les causes des surdités de perception, celles dont l'origine se situe au niveau de l'oreille interne, sont nombreuses. Dans une première catégorie sont rangées les surdités congénitales ou héréditaires. Elle concerne principalement l'enfant sourd - une naissance sur 700. " Traditionnellement, le diagnostic se réalisait vers l'âge de deux ans, l'enfant n'accédant pas à la parole ", rapporte le professeur Philippe Lefebvre, chef du service d'oto-rhino-laryngologie du CHU de Liège. " Aujourd'hui, il existe en Belgique un dépistage néonatal systématique de la surdité. Toutefois, le diagnostic "entend" posé à l'âge d'un mois peut se révéler faussement rassurant. En effet, il existe des surdités évolutives au cours des premières années de vie. "Quelque 50% des surdités congénitales ont pour origine un problème durant la grossesse - rubéole, infection par le cytomégalovirus, prise d'alcool ou de drogue... -, 25% une mutation du gène codant pour la connexine 26 et 25% la mutation d'un autre gène - une centaine ont été répertoriés à ce jour. En particulier, on sera attentif à la présence éventuelle d'un syndrome de Waardenburg, où la surdité est associée à des anomalies de la peau, des cheveux et/ou de l'iris, d'un syndrome d'Alport, où elle va de pair avec une insuffisance rénale, d'un syndrome d'Usher, où l'on observe conjointement une cécité progressive par rétinite pigmentaire, ou encore d'un syndrome de Jervell et Lange-Nielsen, qui associe une surdité congénitale bilatérale à un allongement de l'espace QT de l'électrocardiogramme. Par ailleurs, il existe des surdités dites " génétiques de latence tardive ", qui se manifestent vers l'âge de 30 ou 40 ans.Un autre type de surdités de perception a pour origine les traumatismes sonores. Après un traumatisme aigu (bombe, pétard, musique tonitruante...), la personne concernée doit idéalement consulter un spécialiste dans les 24 heures. " Il est possible de traiter de tels patients, notamment via une corticothérapie systémique à forte dose ", commente Philippe Lefebvre. " La fenêtre thérapeutique n'est cependant que d'une dizaine de jours. "À côté des traumatismes sonores aigus cohabitent les traumatismes sonores chroniques, habituellement imputables à certaines activités professionnelles. Pour notre interlocuteur, la législation belge en la matière est excellente, mais elle n'est pas nécessairement bien appliquée. Au-delà du seuil de nocivité (plus de 85 décibels), les risques encourus sont proportionnels au niveau sonore et à la durée d'exposition. Raison pour laquelle la loi a fixé à huit heures la durée maximale d'exposition journalière à un niveau sonore de 85 décibels. Selon une progression logarithmique en base dix, toute augmentation supplémentaire de trois décibels doit entraîner, à chaque fois, une diminution de moitié du temps de travail en ambiance bruyante - 88 décibels : deux heures, 91 décibels : deux heures, etc.Quand des individus sont plongés dans une ambiance bruyante (boîtes de nuit, ateliers...), ils trouvent initialement cela dérangeant, puis s'habituent. C'est au cours de cette deuxième phase que les cellules ciliées de l'oreille interne et les neurones auditifs sont irrémédiablement abîmés. Survient alors la phase de gène sociale, où apparaissent d'importants troubles d'intelligibilité de la parole (fréquence de 3 000 à 6 000 hertz). Trop tard, le mal est fait ! Et se dessine la voie des prothèses auditives.Certains médicaments, tels les antibiotiques de la famille des aminoglycosides, le cisplatine ou l'aspirine à fortes doses (trois grammes par jour), peuvent engendrer des surdités toxiques. Celles-ci sont généralement bilatérales, atteignent d'abord les hautes fréquences et s'accompagnent d'un acouphène. " Antibiotiques puissants utilisés notamment dans les salles de réanimation et en chirurgie orthopédique, les aminoglycosides s'accumulent dans les cellules ciliées, qu'ils ne quittent jamais ", rappelle Philippe Lefebvre. " Aussi, au fil des cures éventuelles, y a-t-il accumulation des doses jusqu'au franchissement du seuil de toxicité. " Le responsable du service ORL du CHU de Liège signale en outre le cas de populations asiatiques dont les membres sont extrêmement sensibles aux aminoglycosides à la suite d'une mutation dans un gène mitochondrial - mutation 1555 dans le DNA mitochondrial. Une seule ou deux doses d'un de ces antibiotiques, et les voilà irrémédiablement sourds ! Pour eux, il n'y a alors plus d'autre solution que l'implant cochléaire.Au nombre des surdités de perception figurent également des surdités auto-immunes, d'intensité fluctuante selon les jours et les semaines. Tantôt elles existent en soi, seule l'oreille étant touchée, tantôt elles s'inscrivent dans le cadre d'une affection auto-immune plus générale - lupus érythémateux, maladie de Crohn, polyarthrite chronique évolutive... Selon les cas, les cellules ciliées, les neurones auditifs ou la strie vasculaire, notamment, peuvent être attaqués. La corticothérapie est le traitement préconisé.De façon assez étrange, des personnes perdent subitement l'audition dans une oreille. Parallèlement, un acouphène apparaît le plus souvent. C'est la surdité brusque, qui touche une personne sur 10.000 chaque année. Quelle en est la cause ? Mystère. Faute de preuve, nous en sommes réduits aux hypothèses : spasme vasculaire, occlusion vasculaire, virus... ? Comme le traumatisme sonore aigu, la surdité brusque est une urgence ORL. Entreprise tardivement, dix ou quinze jours après la perte d'audition, la corticothérapie est vouée à l'échec.En 1885, Prosper Ménière décrivait le syndrome qui se vit attribuer son nom. Combinant une crise de vertiges rotatoires d'une durée de 30 minutes à quelques heures, un acouphène et une hypoacousie au cours de la crise, la maladie de Ménière est très rare. Les crises peuvent se répéter avec une fréquence imprévisible - par exemple, trois épisodes par semaine pendant un mois suivis d'une rémission de l'ordre de 20 ans. L'audition se dégrade progressivement, au gré des crises. Sous certaines formes, la maladie serait d'origine auto-immune... " La prise en charge est difficile ", confie le professeur Lefebvre. " Elle est d'abord psychologique et diététique, car une hygiène de vie inappropriée favorise les crises. Pour le reste, il y a une gradation en fonction de l'évolution de l'état du patient : cures de corticoïdes, traitement pressionnel, destruction de l'oreille interne, éventuellement section chirurgicale du nerf vestibulaire. "Dès l'âge de 20 ans, chacun d'entre nous perd en moyenne dix décibels par décennie dans la fréquence (très aiguë) de 8.000 hertz. Et après 65 ans, à la suite d'une altération progressive des neurones auditifs et des cellules ciliées de l'oreille interne, une personne sur deux ou sur trois se trouve en proie à une baisse d'audition qui devient socialement invalidante. " Il faut appréhender la presbyacousie comme le fruit de la conjonction d'une prédisposition génétique, de traumatismes sonores répétés, parfois infraliminaux, et peut-être d'éléments toxiques présents dans l'alimentation ou dans des médicaments, mais incapables d'induire seuls une surdité ", indique Philippe Lefebvre.Abstraction faite du traumatisme sonore aigu, de la surdité auto-immune et de la surdité brusque, les surdités de perception ne peuvent être traitées par voie médicamenteuse ou chirurgicale. La restauration de l'audition étant impossible, il ne demeure que l'aide à l'audition, c'est-à-dire la prothèse auditive, qui est un amplificateur de sons, ou, quand elle ne suffit pas à rendre la parole intelligible, l'implant cochléaire. C'est de cela que nous parlerons dans le prochain numéro.