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Particulièrement interpellante dans cette statistique belge, la proportion de médecins-stagiaires (23% des 389 appels enregistrés depuis janvier 2017) et celle des MG (36%). La répartition homme et femme confirme l'importance du surmenage vécu par nos consoeurs ( 66% des demandes d'aide) à travers une difficile recherche d'équilibre entre vies privée et professionnelle.Dans le Projet de livre blanc pour la santé des médecins, des médecins en formation et des étudiants en médecine, les auteurs du rapport pointent des caractéristiques assez spécifiques à notre profession : la culture " bourreau du travail", obstacle pour le médecin à prendre en compte sa propre santé, la capacité d'auto-prescription, la crainte d'une altération de leur image à l'idée de parler de problèmes émotionnels personnels, a fortiori à un non-médecin... Intéressant à ce niveau de constater que 15% des appels ne proviennent pas du médecin lui-même, mais d'un membre de sa famille ou d'un confrère.Le constat est éloquent : dès la formation, les conditions sont rassemblées pour mener au désastre : pression de travail trop élevée, compétition pour décrocher le diplôme ou obtenir un poste de candidat-spécialiste, trop peu de phases de récupération, insatisfaction quant au contenu et à la qualité de la formation ou de l'accompagnement (maîtres de stages eux-mêmes submergés et sans formation pédagogique ou managériale).Le rapport pointe sans ménagements l'augmentation incessante de la charge administrative et de gestion : l'excès de tâches énergivores n'aide pas le médecin à exercer sa profession de manière qualitative, sape sa passion, son dévouement, son autonomie ; sans compter les logiciels déficients et le penchant croissant pour le contrôle de la part des autorités, l'Inami, etc.Un autre facteur que retient le rapport est la pression mentale liée à l'obligation de prestation parfaite : l'absence de droit à l'erreur et de soutien de la part des structures professionnelles (hôpitaux, hiérarchie, assurances) et la crainte liée à la tendance croissante des patients à suspecter le médecin et porter plainte contre lui.Les rapporteurs de " Médecins en difficulté" ont également mis en évidence un esprit concurrentiel entre confrères, qui nuit à la collaboration et à la sérénité du climat de travail et des relations interpersonnelles : en hôpital, par exemple, on observe que le travail multidisciplinaire indispensable devient générateur de tensions et de conflits, responsables d'épuisement émotionnel.La culture de disponibilité et du devoir de répondre en priorité aux besoins du patient entraîne une durée de travail supérieure à la moyenne de la population, surtout chez les médecins plus âgés qui admettent difficilement l'aspiration des générations plus jeunes à mieux équilibrer leur vie. De nombreuses études internationales prouvent que la fatigue excessive a des répercussions négatives sur la qualité des soins. La situation est aggravée par le manque de médecins dans la plupart des spécialités.La pression financière s'exerce à différents niveaux : le dépassement chronique du budget des soins de santé entraîne de nombreux contrôles et des mesures économiques restrictives qui impactent les honoraires. La rentabilité domine le débat aux détriments de l'aspect humain des soins, car les médecins doivent s'occuper de multiples tâches chronophages qui demandent de nouvelles compétences.Le statut indépendant de la plupart des médecins empêche la mise en place d'une politique de bien-être ou d'une politique RH en milieu hospitalier.La formation des étudiants et des médecins met l'accent sur les connaissances techniques, ensuite la pratique les incite à la rentabilité au détriment des interactions humaines et de l'empathie. Cette frustration, encore alourdie par le manque d'attention à l'égard des besoins personnels et du respect des médecins, a des répercussions négatives sur leur expérience mentale et émotionnelle et leur vocation.Le Projet de livre blanc sera soumis aux autorités compétentes et à l'Inami. Les auteurs présentent une liste non exhaustive de pistes à explorer ou de solutions...Proposer et inculquer une nouvelle culture médicale qui intégrerait la nécessité d'un bon équilibre répondant à l'équation " qualité de vie = bonne santé + équilibre vie privée / vie professionnelle". Cela passe entre autres par l'incitation pour chaque praticien à se faire suivre régulièrement pas son MG ou une structure type " médecine du travail". Les auteurs proposent également l'introduction de cours axés sur les aspects humains, la connaissance de soi, la gestion ou le management. Les instances académiques sont invitées à prévoir une formation pédagogique des maîtres de stages sur la qualité à apporter à un feed-back régulier, à l'accompagnement des stagiaires et à une plus juste adéquation entre responsabilités et niveau d'expérience de l'assistant.Pour réduire la charge administrative, les auteurs recommandent aux instances dirigeantes d'évaluer l'utilité et la pertinence de chaque tâche imposée aux praticiens et hôpitaux, dans un objectif win-win, d'arrêter le surcontrôle et se diriger vers une approche positive et non suspecte des médecins. Enfin, ces tâches administratives devraient faire l'objet d'une rémunération adaptée (par exemple à travers la nomenclature). Il faut également rééquilibrer les " droits du patients" qui ne voient que les devoirs du médecins en les complétant par les " devoirs du patient", en terme de respect notamment. Une série de recommandations sont également formulées à l'égard des procédures de plaintes : favoriser la médiation, envisager un accompagnement neutre, psychologique et juridique du médecin autant que du patient.Réduire l'importance des conflits " confraternels" doit passer par un modèle de soutien du type " gestion du médecin dysfonctionnant et accompagnement jusqu'à sa réintégration" et une attention particulière du Conseil de l'Ordre vis-à-vis des plaintes pour comportement anormal ou harcèlement.