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En ces temps de confinement où chacun rêve à la liberté que procure les grands espaces et songe à aller voir ailleurs, pourquoi pas se plonger dans le récit de Sylvain Tesson Dans les forêts de Sibérie, magnifié par le dessin réaliste, sans être pourtant maniéré ou statique de Virgile Dureuil : lequel excelle dans la description de la taïga des abords du lac Baïkal, ou l'écrivain-voyageur a décidé de trouver refuge pendant six mois, de la fin de l'hiver à l'été. Là, vivant comme un ermite tel Soljenitsyne dans l'Oregon, ce grand romantique de la nature (genre " chassé le naturel il revient au galop ", s'agissant de l'Homme), observe, regarde, se confronte à l'ours, aux oiseaux, aux étendues de neige et de glace, à la compagnie rare et virile des hommes des bois russes. Ce libertaire de droite, qui préfère l'âpreté de la nature à l'aseptisation de la société de consommation, les lois de la forêt à celle des hommes, le devin irraisonné à l'humain raisonneur, couche, entre descriptions de son environnement d'une beauté périlleuse, des pensées et assène des formules comme " la forêt ne juge personne ; elle impose ses règles ". Pas étonnant dès lors de trouver dans les lectures qu'emporte Tesson dans son ermitage, un Drieu La Rochelle... Ce nationaliste français de droite et croyant rappelle par son romantisme écologique les toiles de Caspar Friedrich (" Le voyageur contemplant une mer de nuages "). On n'est guère surpris de voir dans notre humanité déboussolée par les excès de consommation et de mondialisation, certains " penseurs " (Tesson vient de remporter le prix Renaudot 2019 pour La panthère des neiges) revenir à du terre-à-terre voire du terre et ciel, du territoire en tout cas, alors que le sol sous nos pieds semble se dérober. Reste que le voyage, même intérieur, est captivant : cette volonté de se retrouver seul dans une cabane au fond des bois, loin de la rumeur du monde, en confondant parfois Volga et vodka, répétant des gestes simples et ancestraux, rassure et rassérène. Surtout que contrairement au confinement, il s'agit d'un libre choix...