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En général, le cancer de l'enfant n'est pas héréditaire. Mais quelque 8 à 10% des cas de cancer chez l'enfant sont dus à une mutation héréditaire de la lignée germinale - un chiffre légèrement supérieur à celui observé pour les cancers chez l'adulte. "Dans le cadre d'une étude menée en collaboration avec le Centre de génétique médicale de l'UZ Gent, je reçois actuellement tous les enfants chez qui une tumeur a été diagnostiquée, ainsi que leurs parents", explique le Dr Katleen Janssens (service de Génétique, UZA). "Le conseil génétique est intéressant pour tous les enfants atteints d'un cancer. Les parents se demandent souvent pourquoi leur enfant a développé un cancer. Ils éprouvent souvent un sentiment de culpabilité face à la maladie de leur enfant. Ils se demandent s'ils ont manqué à leur devoir. Même s'il n'y a pas d'arguments pour réaliser un test génétique, un entretien avec le généticien est toujours édifiant. On peut expliquer aux parents que les tumeurs qui ne sont pas dues à une mutation génétique héréditaire sont causées par une conjonction de plusieurs facteurs, notamment des facteurs génétiques mais aussi environnementaux. Et que personne ne peut contrôler ces hasards. On peut aussi expliquer aux gens que le risque qu'un tel incident se reproduise dans leur famille, par exemple chez un autre enfant de la famille, est alors très faible."Dans la plupart des centres, il n'est pas possible de référer tous les enfants atteints de cancer vers une consultation dans le service de Génétique. Pour déterminer quels enfants doivent être orientés vers un conseil génétique, les oncopédiatres peuvent utiliser l'application MIPOGG (McGill Interactive Paediatric OncoGenetic Guidelines), développée par des médecins de l'Université McGill au Canada et disponible sur Google play et App Store (page web mipogg.com). En effet, la littérature énumère un certain nombre de critères qui font d'une mutation germinale une cause plus probable de cancer chez l'enfant. Ils sont regroupés sous l'appellation 'syndrome de prédisposition au cancer': · Il s'agit d'un type de tumeur que l'on trouve généralement à l'âge adulte (par exemple, un cancer du sein ou du côlon). · Des tumeurs multifocales (plusieurs tumeurs dans un seul organe). · Des tumeurs bilatérales dans des organes appariés (yeux, reins, etc.). · Des types de tumeurs spécifiques (par exemple, un carcinome du cortex surrénalien, un cancer médullaire de la thyroïde, etc.) · Des dysmorphies ou anomalies congénitales. · Des effets secondaires graves/une toxicité grave de la (chimio)thérapie. · Résurgence familiale de tumeurs. En ce qui concerne ce dernier critère, il existe différents signaux: · Un parent proche (*) atteint d'un cancer ? 18 ans OU père/mère/(demi) frère/(demi) soeur atteint d'un cancer ? 50 ans. · Un parent proche (*) atteint du même type de cancer ou d'un cancer du même organe, quel que soit son âge. · Un parent proche (*) atteint de plusieurs tumeurs primaires. (*) Les parents proches sont: mère/père, (demi) frère, (demi) soeur, tante/oncle, cousin, grand-parent. "D'où l'importance d'une anamnèse minutieuse, avec l'établissement d'un arbre généalogique", souligne le Dr Janssens. "En outre, j'interroge les parents sur le développement de l'enfant et sur les maladies (éventuellement fréquentes) qu'ils ont eues dans le passé. Enfin, un examen physique peut fournir des indices supplémentaires. En effet, les enfants qui développent un cancer à la suite d'une mutation génétique ont souvent d'autres problèmes de santé, comme une déficience intellectuelle ou une taille anormalement petite ou grande."L'application MIPOGG susmentionnée adopte une approche similaire. Pour chaque type de tumeur, elle demande des données potentiellement évocatrices. Sur la base de ces données, l'algorithme recommande ou non le renvoi vers une consultation de génétique. À titre d'exemple concret, le Dr Janssens évoque le cas d'une fillette de quatre ans atteinte d'un gliome optique. Il est bien connu que les enfants atteints de ce type de tumeur présentent souvent une neurofibromatose de type 1. Il s'agit d'une maladie héréditaire rare, qui se caractérise principalement par des taches café-au-lait (taches plates brun clair sur la peau) et des neurofibromes (tumeurs bénignes de la gaine des nerfs, sous la peau). Toutefois, ces anomalies peuvent être absentes, en particulier chez les jeunes enfants. La prédisposition héréditaire à la neurofibromatose de type 1, à savoir une mutation du gène NF1, se transmet de manière autosomique dominante. Cela signifie que la mutation peut donc être transmise à la fois par le père et par la mère, et la probabilité que cela se produise est de 50%. Dans la famille de la fillette, il y avait encore cinq autres enfants. "Les parents ont été informés et ont accepté les tests génétiques", explique le Dr Janssens. "Il s'est avéré que la fillette était en effet porteuse d'une mutation génétique responsable de la neurofibromatose de type 1. Les parents et les autres enfants de la famille n'étaient pas porteurs de la mutation. L'enfant index était donc porteuse d'une mutation de novo: une mutation nouvellement apparue dans un gamète ou lors de la fécondation."Ce constat permet de tirer un certain nombre de conclusions. D'une part, les parents et les autres enfants de la famille ne nécessitent pas de suivi dans ce contexte. D'autre part, l'enfant porteuse doit être étroitement surveillée en plus de son suivi oncologique, car la neurofibromatose de type 1 est associée à un certain nombre d'autres problèmes de santé, tels qu'une scoliose ou, dans de rares cas, la dégénérescence maligne des neurofibromes. Si un ou plusieurs enfants et un parent avaient également été porteurs de la mutation génétique, un suivi multidisciplinaire aurait été approprié pour eux aussi. En outre, les informations/conseils relatifs à un éventuel désir d'enfant sont à proposer. Les jeunes enfants seront invités à une consultation lorsqu'ils seront plus grands. En cas de mutation du gène NF1, un test génétique préimplantatoire (PGT) est possible, de sorte que seul un embryon non porteur de la mutation soit implanté chez la mère (plus d'infos sur: www.uza.be/behandeling/ pre-implantatie-genetische-test-pgt). Le cas d'un garçon de dix mois atteint d'un blastome pleuropulmonaire met en lumière d'autres possibilités offertes par les tests génétiques pour les cancers de l'enfant. Cette tumeur rare est liée à une mutation du gène DICER1 transmise sur un mode autosomique dominant dans environ 65% des cas. Les porteurs présentent un risque accru non seulement de blastome pleuropulmonaire, mais aussi d'autres tumeurs bénignes ou malignes, principalement rares, d'autres organes, tels que la thyroïde, le rein et les ovaires. Une mutation germinale du gène DICER1 confère un risque plus élevé de goitre multinodulaire au niveau de la thyroïde, mais il existe un risque de dégénérescence en cancer de la thyroïde. L'enfant s'est avéré porteur d'une mutation du gène DICER1, tout comme sa mère et son grand-père maternel. Le grand-père n'avait jamais connu de problèmes de santé liés à la mutation DICER1. Cependant, le lien entre le goitre multinodulaire pour lequel la mère était traitée et la mutation du gène DICER1 a pu être établi. L'enfant est décédé des suites de la tumeur. Grâce à un test génétique préimplantatoire, la mère a ensuite eu un enfant qui n'était pas porteur de la mutation. En outre, le goitre multinodulaire est étroitement surveillé chez elle en raison d'un éventuel risque de dégénérescence. Un suivi gynécologique est également indiqué en raison d'un risque accru de tumeur ovarienne et (bien qu'extrêmement rare) de rhabdomyosarcome embryonnaire de l'utérus.