L'inflammation est un élément central de l'asthme et, logiquement, la combattre sera donc à la base du traitement. Il est toutefois également important de pouvoir soulager rapidement les symptômes. La stratégie adoptée sera déterminée par la gravité des symptômes et par l'âge du jeune patient.
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Les corticostéroïdes inhalés (CSI) peuvent être utilisés en toute sécurité à plus long terme pour le traitement de l'inflammation chronique qui accompagne l'asthme, à condition de respecter le dosage adéquat. Le montélukast, un antagoniste des récepteurs des leucotriènes (LTRA), est moins puissant mais représente un complément utile lorsque les CSI ne permettent pas d'obtenir un effet suffisant ou même en monothérapie, par exemple en cas de corticophobie chez les parents. "Les LTRA comme le montélukast en ont un peu pris pour leur grade dans un passé récent parce qu'ils peuvent provoquer des cauchemars et, parfois, quelques changements de comportement", commente le Dr Johan Hellinckx (pneumo-pédiatre, chef du service des maladies pédiatriques, AZ Klina). "Ils restent toutefois une option thérapeutique utile." En raison de leurs importants effets secondaires, les corticostéroïdes oraux sont réservés aux enfants gravement malades admis à l'hôpital en état de détresse respiratoire. L'effet des anti-inflammatoires sur la survenue des symptômes ne se manifeste qu'après deux ou trois jours de traitement. Le prescripteur dispose donc par ailleurs, pour maîtriser les symptômes, de bronchodilatateurs à courte durée d'action (SABA), dont l'exemple classique est le salbutamol (Ventolin®. Ces produits, qualifiés de traitements de crise ou de secours, apaisent les symptômes en l'espace de quelques minutes et agissent durant quatre à cinq heures. En ce qui concerne les bronchodilatateurs à longue durée d'action (LABA), il importe de souligner que cette catégorie de produits comporte deux sous-groupes. L'effet d'une molécule comme le formotérol se mettra en place après quelques minutes et persistera environ 12 heures, tandis que le salmétérol n'agit de son côté qu'après une vingtaine de minutes. L'un des risques du recours aux SABA réside justement dans cette action symptomatique rapide. "C'est particulièrement vrai chez les adolescents, dont la compliance thérapeutique laisse souvent à désirer", commente Johan Hellinckx. "Ils se bornent souvent à prendre leur SABA et négligent le traitement d'entretien. Malheureusement, les SABA provoquent non seulement des problèmes de tachycardie et d'agitation mais aussi une régulation à la baisse des récepteurs bêta, de sorte que leur effet finit par s'estomper en cas d'usage excessif (10-15 puffs durant plusieurs jours successifs). Dans les pays où les anti-inflammatoires sont moins utilisés que chez nous (comme la Grande-Bretagne ou l'Australie), on enregistre donc un certain nombre de décès liés à l'asthme suite à un plus grand nombre d'exacerbations. Le message à retenir est que les traitements anti-inflammatoires sont indiqués chez les sujets qui ont trop souvent besoin d'utiliser des SABA en aérosol-doseur." Ce qui précède explique pourquoi les directives préconisent systématiquement, chez les adolescents, l'application du principe (S)MART (single maintenance and reliever therapy), qui consiste à utiliser le même médicament - en l'occurrence, une combinaison de budésonide + formotérol - en traitement d'entretien et de secours. Chez les patients qui ont tendance à négliger le traitement d'entretien, cette approche présente l'avantage d'administrer automatiquement un anti-inflammatoire avec le traitement de crise. On évite en outre ainsi le recours aux SABA. Il est important de prescrire dans chaque catégorie d'âge le système d'inhalation le plus approprié. Chez les enfants jusqu'à 12 ans, l'aérosol-doseur (metered dose inhaler, MDI) sera toujours utilisé avec un tube d'espacement ou chambre d'inhalation (spacer) afin d'éviter une impaction excessive du produit dans la cavité buccale. La combinaison aérosol-doseur + chambre d'inhalation est particulièrement intéressante avant six ans. Correctement utilisée (technique d'inhalation soigneusement apprise/contrôlée et chambre adéquate), elle offre une efficience de 10% - un chiffre qui correspond à la fraction du produit qui atteint effectivement les poumons. À partir de six ans, on privilégiera un inhalateur de poudre sèche, qui nécessite une plus grande puissance d'inhalation et permet d'obtenir une efficience de 20%. Là aussi, la technique d'inhalation devra être soigneusement enseignée et contrôlée par le médecin ou l'infirmier spécialisé. Les aérosols "humides" ou nébuliseurs ne sont plus utilisés dans le traitement de l'asthme en raison de leur efficience trop limitée (1 à 2%). En pédiatrie, cette technique n'est appliquée que chez les enfants incapables de coopérer (ainsi qu'en cas de faux croup). "Il convient encore de souligner qu'un traitement approprié représente une importante plus-value pour la qualité de vie du patient, parce que le nombre d'exacerbations diminue et que les symptômes sont mieux contrôlés", ajoute le Dr Hellinckx. "Par contre, la maladie est impossible à guérir, même lorsqu'un traitement est débuté de façon précoce dans la prime enfance. L'asthme est affaire de prédisposition." Les directives internationales pour le traitement de l'asthme (GINA) distinguent trois grands groupes d'âge: les enfants jusqu'à six ans, les enfants de six à 12 ans et les adolescents de 12 ans ou plus. Pour les deux derniers, l'échelle des symptômes comporte les mêmes niveaux: · Palier 1: symptômes moins de deux fois par mois. · Palier 2: symptômes présents au moins deux fois par mois, mais absents la majorité des jours. · Palier 3: symptômes présents la plupart des jours ou réveil en raison des symptômes une fois par semaine. · Palier 4: symptômes présents la plupart des jours ou réveil en raison des symptômes une fois par semaine + fonction pulmonaire gravement perturbée. Chez les enfants de six à 12 ans, le traitement correspondant se présentera comme suit: · Palier 1: CSI à faible dose (100-200 µg de budésonide ou 50-100 µg de fluticasone), uniquement les jours où un traitement de crise est nécessaire. · Palier 2: CSI à faible dose au quotidien + salbutamol si nécessaire. · Palier 3: CSI à faible dose au quotidien + LABA ou CSI à dose moyenne (200-400 µg de budésonide ou 100-200 µg de fluticasone), avec recours au salbutamol si nécessaire. · Palier 4: quotidiennement CSI à dose moyenne + LABA, avec salbutamol si nécessaire. OU: SMART, soit la préparation combinée CSI+LABA en traitement d'entretien et symptomatique (dans ce cas de figure, le LABA devra être le formotérol, pas le salmétérol). En raison d'une compliance potentiellement plus faible, l'approche SMART occupe le devant du tableau chez les adolescents. Elle sera appliquée aux paliers 1 et 2 (CSI à faible dose + formotérol), uniquement en présence de symptômes. Au palier 3, on utilisera la combinaison "CSI à faible dose + formotérol" deux fois par jour (matin et soir) en traitement d'entretien, ce même médicament étant également utilisé comme traitement de secours. Aux paliers 1 à 3, on ne dépassera pas 12 puffs par jour. Au palier 4 viendront s'y ajouter une série de mesures supplémentaires, comme l'augmentation du dosage des CSI ou l'association avec un LTRA. "Les patients qui ne réagissent pas suffisamment aux médicaments du stade 3 seront idéalement référés à un spécialiste", précise le Dr Hellinckx. Poser un diagnostic d'asthme est très délicat chez les enfants de moins de six ans, la spirométrie n'étant pas possible dans ce groupe d'âge... sans compter que les infections respiratoires virales s'accompagnent fréquemment d'une respiration sifflante chez ces petits patients, même en l'absence d'un problème d'asthme. Au cours des premières années de vie, il sera aussi important de tenir compte de la possibilité d'une série d'autres maladies encore non diagnostiquées comme la mucoviscidose ou une immunodéficience innée. L'approche par étapes diffèrera donc de celle utilisée chez des enfants plus âgés. · Palier 1: épisodes de wheezing viral peu fréquents, peu de symptômes entre les crises. Dans ce cas de figure, on utilisera le salbutamol lorsque des symptômes se manifestent. · Palier 2: plus de trois épisodes de respiration sifflante par an. On envisagera ici d'entamer un traitement d'entretien à base de fluticasone (le seul CSI disponible dans ce groupe d'âge, dose 50 µg/jour) + salbutamol en traitement de secours. L'effet de cette approche sera évaluée après trois mois. · Palier 3: si le traitement du 2e palier ne permet pas d'obtenir un effet suffisant, on pourra doubler la dose de fluticasone ou ajouter un LTRA + du salbumatol en traitement de secours. · Palier 4: si le traitement du 3e palier reste insuffisant, le renvoi à un spécialiste sera indiqué pour réexaminer le diagnostic d'asthme. "Après 12 ans, l'approche SMART sera le choix le plus adapté. À partir de six ans, il conviendra d'avoir systématiquement recours à une faible dose de CSI lors de l'utilisation d'un SABA. Avant six ans, un SABA suffit a priori en cas de wheezing viral, étant bien entendu que le recours à un CSI devra être envisagé à partir de trois épisodes par an", résume le Dr Hellinckx en guise de conclusion.