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Dans son antenne originelle namuroise (le propriétaire vient d'en ouvrir deux autres à Bruxelles et Knokke), elle présente une exposition confiée à Claude Lorent, ancien conseiller culturel au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et surtout critique d'art depuis plus de 50 ans. Lequel a choisi de mettre en exergue trois artistes actuels dont les talents ne jouissent pas, selon ses dires, encore du retentissement qu'ils mériteraient, au Nord du pays comme à l'étranger. Stephan Balleux est le plus ancien et expérimenté de ce trio: en technicien hors pair, le Bruxellois présente une peinture monumentale, une cascade haute de plus de six mètres d'où émergent les figures ou plutôt les têtes de penseurs qui l'ont marqué qu'il s'agisse de Nietzsche, Deleuze ou Noam Chomsky notamment. Une oeuvre virtuose par sa technique classique et jouant sur un dégradé de bleu gris à la fois organique et mystérieux, qui évoque les univers fantomatiques et la "patte" d'un Michael Borremans. Une toile organique où la peinture commande le geste à la suite de l'esprit notamment dans cette oeuvre rougeoyante et grouillante démarrée par une tête qui voit surgir dans un maelstrom palpitant une autre de cheval et ce qui ressemble à des insectes. Un travail qui ne manque pas d'humour lorsque Balleux reprenant une reproduction d'une pièce du Palais de l'Élysée y insère un hibou dont les ailes déployées ressemblent à une hélice. Humour et profondeur... de champ. Mystère et profondeur également chez Charles-Henry Sommelette, Ardennais qui vit à Barvaux-sur-Ourthe et dont les grandes toiles au fusain d'un réalisme extraordinaire instiguent une aura d'étrange en insérant dans un décor naturel le passage de l'homme sous forme de statue ou de de petite cabane. Le résultat? La sensation étrange d'une tension, d'un suspens lynchéen hypnotique autant que menaçant. Ses petites peintures de pans de pièces vides, qui semblent abandonnées, le relient aux peintres du silence du début du siècle dernier, dans sa technique également d'une très grande maîtrise, qui fait ressurgir jusqu'aux fantômes des habitants. Chez Léa Belooussovitch, les images, souvent violentes, sont passées au filtre d'une douceur "pastels" qui les floute, non pas pour la lyophiliser, les dénaturer sur un papier pluché, mais pour susciter chez celui qui le regarde le désir d'en savoir plus sur la scène ainsi plastiquement oblitérée. Chez cette artiste française installée à Bruxelles, c'est l'évocation de l'événement qui est centrale, qu'elle soit allusive ou directe dans le cas de photos collectées sur le net et qui montrent des moments d'avant ou après exécution, dont on ne verra pas le corps, mais qui trahisse "l'âme" de l'acte. Une oeuvre qui évoque à la fois la pornographie des images au sens où elles montrent tout... tout en parfois ne montrant pudiquement rien soi-disant. Dans d'autres peintures, partant toujours d'une vieille photo, d'une image, l'artiste en fait ressortir à nouveau la valeur organique la transformant en peinture voire en fresque abîmée. Et si l'on parle de travail, celui commun aux trois artistes est celui de l'imagination, la leur et celle du regardeur, contraint de se plonger dans leur univers. En proposant ces trois artistes en devenir, Claude Lorent démontre, si besoin l'était encore, que la peinture est bien vivante, qu'elle se renouvelle et est bien loin d'être moribonde comme certains l'avaient annoncé vers la fin du siècle dernier. Qu'il s'agisse de figuration abstraite ou de l'abstraction figurative, quelle importance? Du moment que cette peinture reste... fraîche.