L'immunosuppression va bien au-delà de la transplantation, touchant désormais quelque 300.000 Belges, estime-t-on. L'occasion, pour la Clinique Saint-Luc de Bouge (Namur), de mettre elle aussi sur pied une consultation entièrement dédiée à ces patients fragiles.
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Ce n'est pas une primeur car d'autres hôpitaux proposent déjà des consultations spécialisées pour les patients immunodéprimés, mais le concept est toutefois encore peu connu. "Nous venons d'ouvrir à Bouge, mais cela existe ailleurs", confirme Sandrine Van Eeckhoudt, médecin infectiologue et responsable de la nouvelle consultation namuroise baptisée "Immuno-check". "Avant, ce genre de consultation concernait surtout les personnes sur liste d'attente de greffe. Mais l'immunodépression est aujourd'hui bien plus large: de nombreux patients reçoivent des médicaments qui diminuent leur immunité", détaille la spécialiste. "Or les spécialistes n'ont pas vraiment le temps, ou ne se sentent pas toujours très à l'aise, d'aborder la problématique de l'immunodépression, et plus précisément de la vaccination". De son côté, le patient doit d'abord digérer l'annonce du diagnostic et le traitement qui en découle, inutile donc de le surcharger d'informations qu'il risque de zapper. La consultation chez la Dre Sandrine Van Eeckhoudt tombe alors à point nommé. La consultation "Immuno-check" s'adresse aux personnes dont le système immunitaire est affaibli (ou va l'être) par une maladie, une chirurgie (splénectomie) ou un traitement immunosuppresseur tel que, notamment, les anti-TNFalpha (natalizumab, adalimumab), anti CD-20 (rituximab), anti-C5 (eculizimab)... afin de les protéger au maximum contre les infections. Tant le médecin spécialiste que le généraliste sont invités à référer leurs patients: "C'est vraiment un partenariat entre le patient, le médecin spécialiste qui va introduire un traitement immunosuppresseur et le généraliste qui suit le patient au quotidien. Certains vaccins, comme celui de l'hépatite B, nécessitent des rappels, donc le médecin généraliste est un réel partenaire dans cette prise en charge", complète Sandrine Van Eeckhoudt. Les patients immunodéprimés de longue date peuvent également trouver conseil auprès de cette spécialiste en vaccinologie qui rappelle qu'il n'est "jamais trop tard pour avoir une bonne couverture vaccinale!" Si les médecins généralistes pensent systématiquement au vaccin contre la grippe et désormais le covid, la vaccination contre le pneumocoque et le méningocoque passe parfois à la trappe, de même que les rappels tétanos. "Il y a également les nouveaux vaccins par exemple contre le RSV ou le zona, qu'il est important de prescrire dans certaines indications comme les traitements par anti-JAK", rappelle la Dre Van Eeckhoudt. "En fonction du profil du patient, on propose aussi parfois le vaccin combiné contre la coqueluche - chez les grands-parents qui gardent leurs petits-enfants par exemple, ce qui protège les nourrissons."Une prise en charge personnalisée, qui débute par une anamnèse complète - le patient vient à la consultation avec sa liste de médicaments, son carnet de vaccination et éventuellement son bilan sérologique: "J'essaie d'anticiper avec une prise de sang pour connaître les vaccinations antérieures et les maladies déjà rencontrées. Ainsi, je peux établir un schéma de vaccination individualisé. Je rédige ensuite un document avec les doses de vaccin administrées lors de la consultation, les prochains vaccins et parfois des contrôles d'anticorps pour que ce soit le plus clair possible pour le généraliste", poursuit notre interlocutrice. Les proches sont les bienvenus à cette consultation pour partager l'information et les sensibiliser eux aussi à la vaccination. Si les vaccins vivants (RRO, fièvre jaune) sont contre-indiqués chez les personnes immunodéprimées, il est possible d'anticiper chez les futurs patients en administrant les vaccins avant (plusieurs semaines) l'immunodépression. La consultation permet également de dépister systématiquement des maladies latentes comme la tuberculose qui, si elle s'avère à la radio, à l'intradermo ou au test IGRA, nécessitera une (longue) antibiothérapie pour éviter que le traitement immunosuppresseur ne la réactive. Outre un bilan "hépatites", Sandrine Van Eeckhoudt traque aussi d'éventuels parasites chez les patients qui ont effectué des voyages tropicaux. Enfin, l'infectiologue dispense des conseils utiles au quotidien quand on a des défenses immunitaires abaissées: "Je donne des conseils alimentaires notamment pour éviter la listériose le (lait non pasteurisé et les fromages à pâte molle sont à éviter), je leur rappelle d'éviter de garder des enfants malades et je les interroge sur leurs loisirs: le jardinage est par exemple déconseillé vu la quantité de germes présents dans la terre, comme les champignons tels que l'aspergillus. De même pour la présence d'oiseaux d'élevage qui sont vecteurs de certaines maladies ; il faut vraiment prendre des précautions pour nettoyer la cage si on ne désire pas stopper ce hobby."