Le retour du loup est aussi musical puisque Superwolves signe le come-back de la paire Bonnie "Prince" Billy et Matt Sweeney, sans ameuter personne donnant dans l'intime, et font même patte de velours...
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Chanteur folk indie, objet d'un petit culte par la critique et un groupe de fidèles, Will Oldham a laissé l'un de ses alter ego les plus connus, Bonnie "Prince" Billy, mettre son ego de côté justement afin de s'associer avec la guitare de Matt Sweeney qu'il retrouve 16 ans après un premier essai fructueux intitulé Superwolf. Un projet qui, entre-temps, a fait des jeunes, puisque ce second volume s'intitule désormais Superwolves, tout en conservant la même fragilité d'une folk désarmante, d'une country délicate zébrée de quelques éclairs électriques, voire de berceuses magnétiques... Le journal du Médecin: Le nom Superwolves semble contradictoire au regard de la fragilité qui émane de vos chansons? Matt: Si vous percevez cette contradiction, c'est que notre intention s'est concrétisée... Les Beatles par exemple ne sonnaient pas vraiment comme un groupe d'insectes! Will: le nom Superwolf, titre du premier album, tire son origine d'une chanson de cet essai initial. Superwolf parce que ce que Matt et moi réalisons ensemble dépasse la dimension de ce que nous produisons séparément musicalement. Matt: Le nom est tiré d'une ligne de la chanson Lift us up: " And the creature form a superwolf/ Will meet you eye to eye", chanson qui me semble vulnérable et puissante à la fois. Des guitaristes touaregs hantent cet album, et, pourtant, il paraît plus americana que wold music? Will: Je n'ai jamais vraiment compris l'intérêt de définir la musique en termes de genres, à moins d'être programmateur radio. Matt: A mes yeux, la musique celtique sonne comme de la musique africaine, qui sonne comme de la hillbilly qui sonne comme... ma mère chantant en faisant la vaisselle. (rires) Nous tentons d'unifier musicalement les différents genres que vous définissez comme americana et touareg. Au niveau du processus de création, Will écrit d'abord les paroles, et vous Matt ajoutez la mélodie à la guitare... Matt: c'est un peu le même procédé que dans le cas de Gilbert et Sullivan au dix-neuvième siècle ou d'Elton John et Bernie Taupin plus récemment. Gilbert écrivait les paroles, et Sullivan composait la musique des opéras comiques. De la même manière que Taupin envoyait les paroles de chansons à Elton John. Will fait de même, et je ne me permets pas de les modifier d'un iota. J'en fais une chanson, je l'enregistre et la renvoie à Will. Ensuite, nous nous réunissons et travaillons sur le morceau ensemble, la mettons en forme, lui donnant une structure qui nous paraît idéale. Cat Stevens a-t-il été important dans votre éducation musicale? Matt et Will: Yeah! Matt: Sa musique est en effet puissante et vulnérable, ce que nous essayons d'atteindre également. C'est magistral, touchant, et fait montre d'une sorte de violence sous-jacente. Honnêtement, je n'avais jamais dépassé le stade de ses succès, avant que Will ne me fourgue une copie de Catch Bull at Four. Je le recommande vraiment à quiconque est un peu intrigué par Cat Stevens, car c'est une bonne façon de s'immiscer dans son univers. Will: Cat Stevens tente de faire la meilleure musique possible, dans les limites de ses compétences et son talent: ce que nous tentons d'atteindre à notre petit niveau. Matt: Les mots et les notes chez Cat Stevens sont d'importance égale et mis en combinaison de façon inédite: ce qui nous inspire. Vous avez mentionné le mot vulnérable. Voilà qui définit bien votre musique... Matt: On y trouve des moments très calmes, et puis à d'autres, on croirait entendre Metallica (rires)... parce que cela devient très bruyant. Robert Wyatt et Nick Drake vous ont-ils influencé d'une manière ou d'une autre? Matt: En tant que guitariste, Nick Drake a certainement eu un impact sur moi, notamment au niveau de mes compositions. S'agissant de Robert Wyatt, lorsque j'ai commencé à fumer de l'herbe à l'âge de 20 ans, écouter le premier album de Soft Machine pendant que je planais me permettait de rester à un certain niveau, euh..., une certaine hauteur...(rires) Will: La musique de Drake continue à irradier bien au-delà du disque et de sa propre personne, plutôt introvertie. Elle se présente de manière très simple et dépouillée, et en même temps révèle une puissance incroyable. Un exemple unique vers lequel se tourner lorsque l'on crée de la musique, en ayant conscience que peu importe le genre musical que l'on génère, à divers niveaux, notre rapport à cette musique continue à évoluer après l'avoir enregistré ; d'autre part, elle devient la musique de celui qui l'écoute. Ce qui nous confère une sorte de responsabilité: il nous faut peaufiner les chansons au plus près, prendre garde à leur construction, et être conscients que nous livrons au monde un résultat qui puisse vivre et exister par lui-même. Vous recherchez donc l'éternité pour votre musique? Matt: Le but d'enregistrer de la musique est qu'elle vous survive. L'objectif de tout un chacun dans ce business... est aussi bien sûr de faire de l'argent avec! (rires)