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Alors qu'ils figurent parmi les pathogènes qui représentent l'une des plus grandes menaces pour la santé humaine, les staphylocoques et les entérocoques résistants sont des plus difficiles à traiter en raison d'un manque d'efficacité des antibiotiques actuellement disponibles.D'où l'énorme intérêt de la découverte que viennent de faire le Pr Patrizio Lancellotti, chef du service de cardiologie au CHU de Liège / GIGA-Cardiovascular Sciences, ULiège, le Dr Cécile Oury, directrice de recherche FNRS, chef du laboratoire de cardiologie du GIGA-Sciences Cardiovasculaires, ULiège, et leur équipe." Comme souvent en recherche médicale, c'est la conjugaison de la science et de notre intuition qui nous a permis de découvrir que le médicament antiplaquettaire ticagrelor possède également une activité bactéricide contre les bactéries Gram-positives, ", commente d'emblée le Pr Lancellotti." D'abord, il faut savoir que j'ai longtemps travaillé aux soins intensifs et que j'ai eu l'occasion de prendre part à la grande étude clinique PLATO, un essai thérapeutique, multicentrique, international, conduit en double aveugle, afin d'évaluer, comparativement au clopidogrel, l'effet de prévention des événements ischémiques majeurs du ticagrélor chez des patients hospitalisés pour un syndrome coronaire aigu. "Publié en 2009, le résultat montre que l'antiagrégant plaquettaire apporte un bénéfice clinique supérieur qui s'exprime tout à la fois par une diminution des infarctus du myocarde, de la mortalité cardiovasculaire et, ce qui est rare dans une étude de ce type, par une diminution de la mortalité totale." Le ticagrélor est ensuite parvenu sur le marché, en Belgique, en 2012-2013 et, j'ai pu constater que les patients hospitalisés aux soins intensifs, qui le recevaient dans le cadre de leur pathologie coronaire et qui souffraient d'une infection pulmonaire, se portaient mieux que ceux qui bénéficiaient d'un autre antiagrégant ", raconte Patrizio Lancellotti." En 2015, alors que je venais d'obtenir un ERC Consolidator Grant pour le projet PV-COAT dont l'objectif était de développer un nouveau type de prothèse cardiaque en vue d'améliorer la sécurité et la durabilité des valves cardiaques artificielles, j'ai demandé à mon équipe du laboratoire de cardiologie du GIGA-Sciences cardiovasculaires de tester l'effet antibactérien du ticagrélor. Et c'est ainsi que nous avons observé qu'il y avait bel et bien un tel effet notamment sur les staphylocoques. "Pour valider leur observation, le Pr Lancellotti, le Dr Oury et leurs collaborateurs ont mené toute une série de tests. D'abord in vitro sur des disques. " Nous avons constaté qu'à des doses plus élevées que ce qu'on administre par voie orale chez le patient, le ticagrélor terrasse les bactéries Staphyloccocus aureus résistantes à la méticilline de manière plus efficace et plus rapide que la vancomycine, couramment utilisée en clinique, et exerce un effet quasi similaire à la daptomycine ", souligne le cardiologue liégeois." Le même effet positif a été trouvé avec les Staphylococcus epidermidis résistants à la méticilline et les Enterococcus faecalis résistants à la vancomycine. De plus, nous avons remarqué que le ticagrélor pouvait empêcher le biofilm de se former sur le matériel prothétique. Puisque ces tests sont réalisés in vitro, en l'absence de plaquettes, nous avons établi qu'il n'y a pas besoin de l'activité antiplaquettaire du ticagrélor pour obtenir l'activité antibactérienne. De plus, nous montrons que le médicament n'induit pas de résistance dans les conditions expérimentales où nous observons l'apparition rapide d'une résistance à d'autres antibiotiques conventionnels. "" Les essais qui ont ensuite été menés in vivo avec un modèle de souris auxquelles nous avons administré des doses de ticagrélor à peu près similaires à ce que l'être humain ingère se sont avérés tout aussi concluants. "" Une autre étude publiée il y a un an d'ici a montré qu'il y aurait un effet anti-inflammatoire du ticagrélor, notamment en cas de pneumonie dont la sévérité serait diminuée ", poursuit Patrizio Lancellotti. " Grâce à une technique d'imagerie intravitale non invasive, nous avons prouvé, après avoir posé à des souris un implant sous-cutané infecté par un Staphylococcus aureus bioluminescent, que des petites doses du médicament sont suffisantes pour prévenir la croissance du biofilm sur l'implant. "En conclusion, il s'agit d'une avancée majeure dans la lutte contre les infections aux bactéries Gram-positives et l'antibiorésistance. Cette découverte ouvre la voie vers une nouvelle classe d'antibiotiques et elle est d'autant plus importante que le ticagrélor fait partie des médicaments le plus souvent administrés au monde pour la prévention des maladies cardiovasculaires.