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Parlant de dérive et filant au cours de ces trois cents pages interpellantes, la métaphore nautique, l'auteur évoque, en partant de sa patrie du Levant, le Liban et son destin tragique, un compte-rendu de la débâcle régionale, dans la foulée de la guerre de 67, ou de l'année 1979, importante à ses yeux par la montée du conservatisme, et pas seulement en Iran ou au Moyen-Orient, dont elle est témoin.Prenant les précautions qui s'imposent, l'auteur des Croisades vues par les Arabes, démontre que le radicalisme qui sévit aujourd'hui au sein du monde arabe et musulman plonge ses racines dans des blessures, humiliations et défaites anciennes.Le journaliste qu'il fut, dans la sagesse que lui procure désormais son âge, analyse froidement, lui qui a connu la guerre froide, la chute du mur et celle des deux tours, les responsabilités et les responsables multiples du cours dangereux que semble prendre le paquebot de l'humanité : qu'il s'agisse de la disparition des valeurs et idées universelles, du conservatisme, du repli identitaire, du triomphe d'un libéralisme débridé régi par une "main invisible" quasi déiste, la problématique climatique, ou le besoin légitime de sécurité, devenu liberticide du fait de la technologie.Le tout sous l'égide d'une hyperpuissance égoïste, qui sert ses intérêts plutôt que de servir de modèle, et le regard d'une Europe exsangue et sans consistance, si ce n'est économique.Bref, si pour Maalouf, le paquebot de l'humanité, réputé insubmersible, n'est pas en train de couler, l'iceberg est en vue : et plutôt que fondre, il semble fondre... sur nous.