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Les Cliniques universitaires Saint-Luc ont mené une étude multicentrique et internationale sur la prise en charge de l'AVC périnatal, dont le premier signe sont les crises épileptique. Il s'agit d'une pathologie rare, bien que sa prévalence soit sans doute sous-estimée. La Pre Roberta Cilio, neurologue et épileptologue pédiatrique et néonatale, a piloté les recherches [1] qui ont débouché sur de nouvelles recommandations cliniques. Qu'est-ce qui rend le diagnostic d'un AVC difficile chez le nouveau-né? "Chez l'adulte, des signes d'alerte sont une déformation soudaine de la bouche, une hémiparésie aiguë ou des troubles de l'élocution. Mais le nouveau-né ne présente pas ces symptômes neurologiques", explique la Pre Cilio. "La plupart du temps, le seul signe sont des crises cloniques focales, caractérisées par des contractions rythmées, parfois difficiles à différencier des mouvements normaux d'un nourrisson."Une étude irlandaise [2] a démontré à quel point il était compliqué d'identifier les crises épileptiques chez le nouveau-né sur base de la clinique. Seuls 50% des événements étaient correctement classés (mouvements convulsifs et non convulsifs) par des médecins et infirmiers spécialisés. Aujourd'hui, le diagnostic d'AVC périnatal ne tombe souvent qu'à distance de la phase aiguë, vers l'âge de 6-7 mois, quand une hémiparésie se manifeste. "Il faut un monitoring par vidéo EEG [3] pour détecter les crises - et par extension, les AVC - et pour éviter que l'on traite des enfants sans crises avec des médicaments anticrises potentiellement nocifs", insiste la Pre Cilio. "De plus, quand on administre un traitement anticrise chez un nouveau-né, on observe souvent le phénomène dit de dissociation électro-clinique. Le bébé ne présente alors plus de mouvements anormaux cliniquement, mais les crises continuent électriquement dans le cerveau et restent visibles à l'EEG. La surveillance par EEG est donc tout aussi cruciale pour évaluer la réponse thérapeutique."Reconnaître et ensuite arrêter les crises convulsives permet de limiter les dégâts cérébraux et donc de garantir la meilleure qualité de vie pour l'enfant. "Les crises provoquent des lésions supplémentaires, en plus de celles causées par l'AVC. Elles peuvent e.a. favoriser le développement d'épilepsie plus tard dans la vie", indique Roberta Cilio. D'autres études en cours portent sur une thérapie par cellules souches, administrée par voie nasale, pour réparer les lésions cérébrales qu'ont subies les nouveau-nés. Ce traitement potentiel repose également sur un diagnostic précoce. Jusqu'à récemment, les crises épileptiques chez le nouveau-né, connues dans le passé par le terme de convulsions néonatales, étaient considérées et étudiées comme un tout, avec un protocole thérapeutique unique: le phénobarbital en première ligne, suivi d'autres médicaments anticrises au besoin. "Imaginons que l'on traite la fièvre chez l'enfant systématiquement de la même manière. Ce serait absurde. Les conséquences et le traitement de la fièvre dépendent de sa cause: une vaccination, une infection virale, une méningite bactérienne, une tumeur maligne,... La même chose vaut pour les crises, qui peuvent révéler un AVC ischémique, une encéphalopathie hypoxique-ischémique (due à un manque d'oxygène et/ou de sang à la naissance), une épilepsie néonatale,... Il faut différencier et stratifier les crises néonatales car leur prise en charge dépend de l'étiologie", souligne la neurologue pédiatrique. L'étude de la Pre Cilio [1] est la première à analyser la réponse aux médicaments anticrises dans une population homogène de nouveau-nés ayant subi un AVC ischémique. "À notre éton- nement, nous avons pu démontrer que le traitement de première intention selon le protocole universel, qui est le phénobarbital, est inefficace dans ce cas de figure. En revanche, une autre classe d'anticonvulsivants, à savoir les bloqueurs des canaux sodiques (plus spécifiquement la phénytoïne), a montré une efficacité thérapeutique de 100%", rapporte-t-elle. Cette recherche illustre l'importance d'une approche ciblée, qui passe nécessairement par la vidéo EEG, l'examen (non invasif) de référence. "Deux types de crises peuvent orienter le diagnostic d'un AVC ischémique: les crises cloniques focales et les crises apnéiques. Ainsi, on peut déjà administrer la phénytoïne avant de confirmer l'étiologie par IRM.""D'autre part, le phénobarbital reste le traitement le plus efficace contre l'encéphalopathie hypoxique-ischémique, comme l'a démontré une étude scientifique menée en Californie en 2020. Pour ce diagnostic, on se base surtout sur l'histoire de l'accouchement et les tests de laboratoire", conclut la spécialiste.