Guitariste des iconoclastes et légendaires Butthole Surfers, sorte de provocateurs dadaïstes punk foutraquement inspirés de la scène rock aujourd'hui moribonds - mais dont le décès n'a jamais été acté, Paul Leary sort aujourd'hui un second album solo... trente ans après "The History of Dogs".
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Loin de l'imagerie punk/psyché des Surfers, admirés par Kurt Cobain et John Paul Jones - bassiste de Led Zeppelin qui les a produit, Paul Leary, qui, entre-temps, est devenu producteur notamment pour U2 et Weezer et a joué sur les albums des Flaming Lips ou des Stone Temple Pilots, s'est décidé à enregistrer les morceaux qui lui trottent dans la tête depuis trente ans... notamment lorsqu'il enfourche son vélo. Dans une ambiance de carnaval, son style oscille de la comptine à l'oberbayern, en passant par l'ambiance western spaghetti, sans oublier de faire un saut dans le catalogue du groupe... Le journal du Médecin: Dix chansons en trente ans, ce n'est pas énorme... Paul Leary: Je ne suis pas créatif à ce point (il rit). Ce n'était pas vraiment l'intention au départ: je voulais juste créer une petite bulle musicale qui a grossi, et j'en ai fait un album. Le joli dessin naïf qui fait office de pochette est-il de votre main? Oui, j'ai réalisé tout le travail artistique du disque. Un griffonnage... Vous vous considériez plutôt comme artiste? Je ne me suis jamais vraiment considéré comme étant musicien. Je ne suis pas vraiment talentueux, musicalement: plutôt un bidouilleur, un type qui ne sait pas très bien ce qu'il fait. Ce qui est très approprié lorsque l'on fait partie des Butthole Surfers, je suppose... En effet. Je joue de la guitare depuis 1963, sans jamais vraiment être parvenu à devenir bon. Cet album est en effet, à l'image de sa pochette, très enfantin, si l'on prend une chanson comme Sugar is the Gateway Drug... Absolument. Je reste, malgré mon âge, quelqu'un de très immature: ce morceau m'est donc venu naturellement. Do You Like To Eat A Cow se révèle également très enfantin. Il règne une atmosphère de carrousel sur cet album... C'est une sorte de musique de carnaval ; chaque fois que j'essaie d'enregistrer un morceau rock, cela devient de suite fortement débile. Throw away freely évoque l'ambiance d'une brasserie bavaroise perdue dans la jungle chilienne... Bavaroise, je prends! Mon épouse a des origines allemandes, et j'aime bien me trouver au milieu de sa famille. Par ailleurs, l'on croise beaucoup de commerciaux bavarois au Texas, qui compte dès lors de nombreux biergarten: j'ai toujours été fasciné par la musique oberbayern. The Shah Revisited est une chanson des Butthole Surfers que vous avez reprise. Pourquoi? Un jour, pédalant sur mon vélo, cet air dingo a surgi dans ma tête, sans plus me quitter... Je me suis dit pourquoi ne pas la reprendre? D'autant qu'il s'agit d'une des toutes premières chansons que les Butthole Surfers n'aient jamais enregistrées. Je trouvais amusant de la revisiter sous un autre éclairage. Cet album se veut en fait une récapitulation des morceaux que j'ai en tête depuis 1990... et c'est une manière de s'en débarrasser. C'est donc également une sorte d'hommage à votre vie précédente? Sans doute. J'ai toujours du mal à considérer que c'est une vie antérieure, même si cela fait des lustres que nous n'avons rien enregistré ou donné un concert. En fait, nous n'avons jamais vraiment splitté, juste plus rien fait ensemble. Apparemment, vous avez d'abord fait le con dans le public très jeune, lors d'un concert de Creedance Clearwater Revival, avant de plus tard monter sur scène à votre tour avec les Butthole et agir de même... Sans doute. C'est juste le fait du hasard, je crois... J'avais terminé mes études et, ne trouvant pas de travail, j'avais le choix entre jouer dans un groupe de rock ou travailler en entreprise pour le reste de ma vie... J'ai suivi des études de "business administration" durant un an et demi, que j'ai entamées uniquement dans le but de profiter du prêt alloué dans ce cadre et acheter du matériel pour les Butthole Surfers. Dans un pays, le Sud, peuplé de rednecks, vous deviez inévitablement devenir punks? Le Texas est un endroit curieux. Durant mon passage à l'université, les Sex Pistols se sont produits à Austin, d'où je viens, et, après avoir assisté à leur concert, je suis tombé amoureux de la musique punk. Cela semblait une belle échappatoire à la réalité... et ce le fut. La provocation est-elle un travail... sérieux? Je crois que oui. Les Butthole Surfers étaient une expérience très provocatrice: nous essayions de provoquer, mais je ne comprends toujours pas aujourd'hui pourquoi nous avons fait ce que nous avons fait. Cela n'avait rien de préméditer. Nous étions de grands fans du mouvement dada, d'Yves Klein, des nouveaux réalistes et du surréalisme: personnellement, je me situe entre Miro et Dali. Pensez-vous que les excès dont vous étiez coutumiers à l'époque seraient encore possibles et autorisés aujourd'hui? Vu le climat politiquement correct, je ne vois pas comment des groupes tels que les Butthole Surfers pourraient encore s'imposer aujourd'hui. Nous mettions le feu à la scène chaque soir... et tirions à blanc au-dessus du public durant les concerts. Tout cela faisait partie d'une époque pré 11 septembre: Après avoir vu les tours s'écrouler, cela n'avait plus beaucoup de sens de mettre la pagaille sur scène: Cela m'a ôté le goût du chaos...