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Collection réunie par un seul homme resté anonyme, celle des intérieurs d'églises flamands et hollandais du 17e siècle constitue un panorama de 45 oeuvres, présentées au Musée de Cassel, situé en Flandre française. Un lieu emblématique, puisque c'est du village de Steenvoorde, à quelques kilomètres de là, que part en 1566 la furie iconoclaste pour remonter via la Lys vers Ypres et la Flandre méridionale (Bailleul, Wervicq, Cassel entre autres...), puis Gand et Anvers, et finalement atteindre les Pays-Bas, ou elle ne s'attaquera qu'aux églises catholiques bien entendu. Ce mouvement, qui ne dure que deux mois, précède la Guerre des Gueux, qui voit les Pays-Bas du Nord, protestants, se rebeller contre l'interdit religieux prôner par les catholiques Habsbourg. Résultat du Concile de trente en 1566 qui vise à réformer (contre-réformer en fait) l'Eglise catholique face à la menace protestante, les peintures d'intérieurs d'églises se développent d'abord à Anvers : pour la plupart, il s'agit d'oeuvres imaginaires qui montrent le faste et la beauté des cathédrales et églises, alors que, suite à l'épisode iconoclaste, seuls 30% des églises sont encore en état de délivrer le culte à la fin du 16e siècle. Le genre s'inspire également des bâtiments réels dont trente sont identifiés, qu'il s'agisse d'édifices religieux anversois, amstellodamois ou delftois par exemple. Dans une ambiance de ferveur voulue, l'expo dévoile d'abord aux visiteurs les précurseurs du genre dont le pionnier fut incontestablement Hans Vredeman de Vries, spécialisé dans les vues d'architecture. Henrdrick van Steenwijck, père et fils, s'en réclament et présentent une vue frontale et en perspective de cathédrale ou de l'église répondant ainsi aux préceptes du Concile, qui souhaite insister sur la majesté du catholicisme, notamment dans les sites gothiques plus élancés. Même la lumière du jour se doit de pénétrer via des vitraux transparents, bien qu'en réalité ils ne les soient pas, afin de montrer la pureté de la lumière divine. A chaque fois, des personnages peuplent, notamment au premier plan, ces vues, permettant au spectateur de se rendre compte de l'échelle. Par ailleurs, ces toiles cherchent à démontrer que les églises sont des lieux de vie : chez Grimmer, une scène de baptême illustre également une confession, et comporte un tableau montrant le baptême du christ. Au milieu de ses toiles, le Nautilus Penta de Wim Delvoye (originaire de Wervicq ! ) prend des formes d'escargot géant, aux allures de cathédrale torsadée et rehaussée. Neefs dévoile la cathédrale d'Anvers en décrivant des toiles et retables réels ou inventés, dont elle aurait été décorée. Un édifice au milieu de laquelle trône un cercueil : ce qui ne semble troubler une assemblée distraite, répartie en saynètes dont font également partie des chiens. Des animaux que l'on retrouve aussi du côté réformé, où le dépouillement est pourtant de rigueur : exit la vierge et les saints, les représentations imagées, le Christ se trouvant dans le pain et le vin de la Consécration. Cette épure, on la découvre notamment chez de Lorme, un Tournaisien émigré en Hollande. D'autres, comme Houckgeest, jouent sur les deux tableaux si l'on peut dire, décrivant d'une part une messe dans une église catholique fastueusement décorée, et de l'autre la scène d'un sermon dans une paroisse protestante, austère et sans images. La vision réformée n'est pas celle de la perspective en tunnel des Catholiques, mais une vision partielle du lieu de culte, comme dans La vue sur le balcon de l'orgue de la vieille église de Delft de Saerendam, et surtout dans le cas d'un Intérieur d'église avec personnes, signé Daniël de Blieck. Ici le dépouillement règne : seuls des blasons sont accrochés, et même si le style architectural peut se faire parfois renaissant, la sobriété reste de mise. Entourant le Möbius Dual Corpus Direct Current, Christ crucifié enroulé du "Catholique" Wim Delvoye qui est surtout un drôle de paroissien, certaines de ces vues réformées portent une symbolique digne des natures mortes adaptées et sublimées plus tard par les peintres hollandais, ou des mémentos mori. La figure d'un fossoyeur se trouve dans quelques- unes de ces peintures : au centre de l'espace cultuel, en plein travail, ou en discussion dans le cas de L'intérieur de la vieille église d'Amsterdam avec un fossoyeur : Une scène étonnante dans laquelle on peut voir distinctement, au centre, un petit chien... se soulager. Voilà qui a bien dû plaire à Wim Delvoye, auteur de la célèbre machine Cloaca et son moteur à déjection.... Sacrée Architecture ! La passion d'un collectionneur jusqu'au 30 août au Musée de Flandre, 26 Grannd Place à 59670 Cassel, France. Renseignements : 0033 3 59734560 www.museedeflandre.fr. ouvert du mardi au dimanche de 10 à 18 h.