Ces dernières années, les avancées technologiques, les tests génétiques et une meilleure connaissance des conditions optimales d'implantation ont permis d'augmenter légèrement les taux de grossesse et d'accouchement par FIV. Mais un obstacle demeure: l'âge des patientes.
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Aujourd'hui, un couple sur six, voire cinq, éprouve des difficultés à concevoir. En témoignent les quelque 20.000 cycles de fécondations in vitro (FIV) réalisées chaque année en Belgique. Les chances d'obtenir une grossesse sont estimées, en moyenne, à 30% par transfert d'embryon. Quant au taux d'accouchement, il est compris entre 20 et 25%. Si le taux de succès est fortement corrélé à l'âge de la mère, la qualité du ou des embryon(s) transféré(s) est aussi déterminante. "Trois jours après la fécondation de l'ovocyte par un spermatozoïde, l'embryon idéal - c'est-à-dire celui qui a le plus de chance de continuer à se développer normalement jusqu'au stade blastocyste et de s'implanter dans l'utérus - est composé de huit belles cellules, aux formes régulières et sans trop de débris cellulaires autour", explique la Pr Anne Delbaere, responsable de la Clinique de la fertilité de l'Hôpital Erasme. Pour ce faire, jusqu'il y a peu, les biologistes des cliniques de la fertilité devaient sortir les embryons quotidiennement de l'incubateur et les examiner au microscope. Outre les petits écarts de température que ces manipulations engendrent, tant la morphologie que la cinétique de développement embryonnaire peuvent changer en quelques heures. Et, par conséquent, influencer la sélection des embryons pour le replacement. À cet égard, les incubateurs time-lapse représentent sans doute une importante avancée. La caméra dont ils sont équipés photographie les embryons toutes les cinq à dix minutes. Un logiciel les compile sous forme de petits films que les biologistes peuvent visionner... sans sortir les embryons de l'incubateur. Et les conditions de culture y sont dès lors plus stables. "Pour ces différentes raisons, selon plusieurs études, la culture embryonnaire en incubateur time-lapse permettrait d'augmenter les taux de réussite de 10 à 15% par cycle de FIV et de diminuer le nombre de fausses couches (1)", se réjouit la Pr Delbaere. "À terme, nous pourrons aussi collecter et recouper les données récoltées par les incubateurs time-lapse de différents centres. Grâce à l'intelligence artificielle (2), nous allons sans doute identifier et valider de nouveaux marqueurs morphocinétiques de développement embryonnaire. Nous pourrons peut-être aussi améliorer et standardiser les milieux de culture, qui diffèrent d'un laboratoire à l'autre." Autre grande évolution: l'essor des tests génétiques. Grâce aux techniques de séquençage à haut débit, les collaborations entre les laboratoires de génétique et de médecine reproductive explosent! En cas de risque génétique avéré, un dépistage génétique préimplantatoire peut être réalisé sur des embryons obtenus par FIV. L'analyse est pratiquée sur des cellules du trophectoderme (3), prélevées sur les embryons au stade de blastocyste. Ce test permet de diagnostiquer la présence d'éventuelles mutations géniques ou d'anomalies de structure des chromosomes sur les embryons afin, bien sûr, de sélectionner ceux qui sont exempts de mutations génétiques pathogènes. À côté de ce dépistage, le screening préimplantatoire par CGH array (4) permet de dépister l'aneuploïdie foetale, responsable, entre autres, des trisomies 18 et 21. "Nous pouvons le proposer typiquement aux patientes plus âgées ou qui font des fausses couches à répétition", commente la Pr Delbaere. "En sélectionnant les embryons présentant un caryotype normal, nous pouvons réduire le risque de fausse couche ainsi que le délai d'obtention d'une grossesse évolutive." La pratique clinique continue d'évoluer au gré des découvertes. Car certaines questions demeurent, notamment concernant le meilleur moment pour transférer le(s) embryon(s) fécondé(s) dans la cavité utérine. "L'implantation résulte d'un dialogue étroit entre l'embryon et l'utérus. Elle survient dans une fenêtre de temps limitée, nécessitant des conditions optimales de réceptivité endométriale.Si les expériences menées pour rendre l'endomètre plus "accueillant" n'ont pas donné grand-chose - je pense notamment aux techniques de scratching (5) - en revanche, il semblerait que le taux de progestérone circulant ait une influence sur le taux d'échec. En effet, des taux sériques plus bas de progestérone au moment de l'implantation - probablement secondaires à des troubles d'absorption de la progestérone vaginale - sont associés à des taux de fausses couches plus élevées. La question est centrale pour les cycles substitués, en absence de corps jaune, et plusieurs études sur le sujet sont en cours. Dans tous les cas, nous nous dirigeons vers une personnalisation accrue de la phase lutéale, pendant laquelle a lieu l'implantation."Quant aux greffes d'utérus, réalisées en Europe chez quelques patientes qui sont nées sans, elles restent, à ce jour, un traitement expérimental. Si toutes ces avancées peuvent (légèrement) augmenter les taux de réussite d'une FIV, elles sont toutefois impuissantes à agir sur le facteur le plus déterminant: l'âge de la patiente. "Nous n'avons aucune solution pour contrer l'infertilité due à l'âge", rappelle la Pr Delbaere. "Outre les risques de complication accrus d'une grossesse tardive, passés 43 ans, les chances qu'une fécondation (naturelle ou in vitro avec des ovocytes autologues) aboutisse à une naissance restent inférieures à 5%."Il n'y a que deux façons de contourner ce problème. Soit faire appel à un don d'ovocytes, soit utiliser les ovocytes que la patiente aurait fait prélever et congeler plus jeune, idéalement avant ses 38 ans. Si la préservation de la fertilité dans le cadre d'un cancer est complètement remboursée, la cryopréservation ovocytaire de convenance ne l'est pas et coûte entre 2500 et 3500 euros selon les centres. Un "luxe" que toutes les trentenaires ne peuvent pas se permettre... 1. Pribenszky C. et al., "Time-lapse culture with morphokinetic embryo selection improves pregnancy and live birth chances and reduces early pregnancy loss: a meta-analysis" in Reprod Biomed Online 2017 ; 35: 511- 520. 2. Tran D. et al., " Deep learning as a predictive tool for fetal heart pregnancy following time-lapse incubation and blastocyst transfer" in Human Reprod 2019 ; 34: 1011-1018 3. Cellules périphériques qui formeront les structures extraembryonnaires comme le placenta ou le cordon ombilical. 4. L'hybridation génomique comparative (CGH array) permet de comparer de petits fragments chromosomiques. Cette méthode permet d'identifier des variations dans la "quantité" de l'ADN, par exemple s'il en manque des morceaux. 5. Le scratching consiste à égratigner l'endomètre durant le précédent cycle afin de stimuler son immunité.