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Cette nouvelle avancée majeure ainsi que la journée internationale de lutte contre le Sida constituent donc une belle opportunité pour évoquer ici la situation actuelle de l'infection par le VIH que l'on considère de plus en plus comme une maladie chronique puisque, grâce aux trithérapies classiques et en seulement une vingtaine d'années, l'espérance de vie des personnes vivant avec le VIH a quasi rattrapé celle de la population générale. Chronique, certes. Banale, certainement pas car nombre d'inconnues doivent encore être élucidées et certains paramètres améliorés en attendant, en espérant, le saint Graal : un traitement curatif.Lors de la session inaugurale du congrès 2019 de l'EACS, les experts réunis à Bâle se sont demandés dans quelle mesure l'Europe est parvenue à atteindre les objectifs 90-90-90 fixés par l'ONUSIDA pour le diagnostic, le traitement et la suppression du virus VIH.Commençons par le premier 90, celui concernant le dépistage. Ne nous voilons pas la face, le diagnostic tardif demeure un problème dans toute la zone européenne avec un délai médian de 2,9 ans entre infection et diagnostic. En cause, la stigmatisation toujours tenace envers le VIH, la consommation de drogues injectables, la sexualité et le refus de nombreuses personnes de s'identifier comme consommateurs de drogues ou homosexuels. Malgré tous ces obstacles, environ 80% des patients connaissent leur statut VIH et plus de 50% des pays européens ont déjà atteint ou sont en passe d'atteindre l'objectif de 90%.Pour le second 90, la mise sous traitement, le constat majeur et très inquiétant est une importante disparité entre Europe Occidentale et Europe Orientale où seuls 65% des patients sont effectivement traités mais plus d'un million vivent avec le VIH sans traitement sans oublier qu'il s'agit majoritairement de consommateurs de drogues et d'hétérosexuels, hommes et femmes, les catégories les plus récalcitrantes à la rétention ou à l'accès des soins. Autre population problématique, les consommateurs de drogues injectables, s'ils sont 90% à être dépistés, seuls 50% sont sous traitement et à peine 39% présentent une charge virale indétectable.Pour le troisième 90, la suppression virale, l'Europe Occidentale approche les objectifs mais si on tient compte des 36 pays pour lesquels des données de continuum des soins est disponible, le taux de suppression du VIH n'atteint pas 50% ce qui explique en grande partie pourquoi l'incidence du VIH ne chute pas.Reste donc à déterminer les actions à mener pour améliorer cette situation. Premièrement, il faut combler le fossé de la prévention en favorisant la couverture par la PrEP et en relançant des campagnes en faveur du préservatif.Deuxièmement, il faut intensifier le dépistage et surtout s'adresser en priorité aux populations les plus à risque ce qui n'est pas toujours le cas selon les avis des experts présents à Bâle.Troisièmement, il faut institutionnaliser une politique du test and treat.Enfin, il faut venir en aide financièrement et stratégiquement aux pays les plus problématiques, surtout en Europe Orientale (crise économique, guerres, stigmatisation), pour les aider à améliorer leurs actions contre le VIH.Le 7 novembre 2019 constitue d'ors et déjà une date importante, un nouveau jalon dans la longue odyssée du traitement du VIH. Ce jeudi de novembre étaient en effet présentées les dernières mises à jour des guidelines de l'EASC, une société savante connue pour n'émettre aucune recommandation à la légère tant ses analyses sont très critiques et son exigence importante en regard des données issues des études cliniques randomisées supportant de potentielles nouvelles évolutions thérapeutiques. C'est devant une salle comble que les experts scientifiques de l'EASC ont officialisé l'entrée des 2DRs, plus précisément la combinaison dolutégravir + 3TC, dans leurs recommandations 2019 marquant ainsi un important changement de paradigme dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. En pratique, la combinaison associant le dolutégravir et la lamivudine (3TC) est à présent recommandée, et ce pour la première fois, pour le traitement des patients naïfs qui initient un traitement antirétroviral ainsi que pour les patients expérimentés dont la charge virale est indétectable sous trithérapie classique comme option de relais. Quatre conditions cependant pour être éligible au traitement par dolutégravir +3TC : le patient ne doit pas être porteur du virus de l'hépatite B, sa charge virale initiale doit être inférieure à 500.000 copies, son taux de CD4 doit être supérieur à 200 cellules et il ne doit pas présenter de résistances aux composants de cette combinaison. Cette avancée est importante car à l'heure où les patients vivant avec le VIH présentent une espérance de vie quasi identique à celle de la population générale, il est important de pouvoir proposer des solutions thérapeutiques allégées, virologiquement puissantes et équivalentes aux trithérapies classiques, sans augmentation du risque de résistances virologiques et avec une exposition plus limitées aux toxicités inhérentes aux antirétroviraux. Pour une fois parfaitement en phase avec les innovations et avancées thérapeutiques majeures, nos instances sanitaires officialiseront le 1er décembre 2019 le remboursement de la combinaison dolutégravir +3TC sous forme d'un comprimé unique pour les patients belges vivant avec le VIH tant en première ligne pour initier le traitement que comme thérapeutique de relais pour les patients à charge virale indétectable sous trithérapie classique, une preuve renouvelée de leur implication dans la lutte sans merci contre le VIH.