Grâce à Anthony Martin et sa famille, Waterloo avait déjà retrouvé sa ferme de Mont-Saint-Jean et sa bière. Le voici maintenant, prêt à se lancer dans la bataille, qui surgit de la brasserie, un whisky d'une précision... chirurgicale. Et pour cause...
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La ferme de Mont-Saint-Jean, connue dans la région comme "l'hôpital des Anglais", retrouve une destination britannique puisque c'est l'homme d'affaires Anthony Martin (du Martin's Pale Ale, de la Gordon Scotch, de la brasserie Timmermans) qui a acquise ce qui n'était plus qu'une ruine (on lui doit notamment la rénovation de la Sucrerie, toujours à Waterloo ou du Château du Lac à Genval) juste avant le bicentenaire. Il en a d'abord fait une brasserie dont s'occupe désormais principalement son fils Edward. La Napoléon dont la Triple Blond et la Double Dark (les deux bières phares) y connaissent depuis cinq ans un succès grandissant et pas seulement local: une bière qui date du 16e siècle, qui connut des vies multiples et que les Martin's ont racheté pour la brasser à nouveau sur site depuis 2014. Dans cette belle ferme typiquement brabançonne du milieu du 17e entièrement réhabilitée depuis, qui a retrouvé toute sa superbe et dont les origines templières la font remonter à plus de mille ans (dont son nom en référence à Saint-Jean de Jérusalem), c'est depuis 2017 du gin et du whisky que l'on crée sous la houlette d'Edward qui, après les arts brassicoles chez Timmermans, a suivi des cours à Édimbourg durant une année pour découvrir les secrets de la confection du whisky, lequel se base, originalité, sur la bière Waterloo, qui lui procure cette floralité au niveau du parfum. Ce que confirme Edward: " Nous sommes partis de la Waterloo Récolte pour créer notre Gin et notre Whisky Single Grain. Notre Whisky Single Malt part, lui, de notre Waterloo Triple, une base composée à 100% d'orge maltée. Par ailleurs, tous nos whiskies sont issus d'une levure maison qui leur confère des esters fruités." Après un passage par l'alambic, et deux distillations, l'on obtient un alcool auquel on ajoute des épices pour le gin (qui ne doit pas vieillir trois ans comme le whisky ce qui explique qu'il est en vente depuis 2017). Quant au whisky il est placé en fut, neuf pour le goût vanillé, récupéré en Écosse ou issu de la production du bourbon américain (lequel ne peut séjourner que dans des barriques neuves). Des caves magnifiques (les tunnels des Templiers de Malte) accueillent une partie de la production de whisky, une autre se trouvant non loin de l'alambic. Dans un cadre restauré avec goût qui comprend outre la brasserie, la distillerie, une salle de dégustation un comptoir, une grange historique et grande comme un navire, pouvant accueillir des événements et bientôt un restaurant et une terrasse de 750 m2 donnant sur un très joli verger et les champs de la bataille classés, les Martin affichent une volonté farouche de privilégier le local (à terme les céréales inclues dans ce malt - puisque originaire de cette seule distillerie, seront issus des exploitations des alentours pour le froment, l'orge malté provenant de chez la malterie belge de tradition familiale Dinguemans), sans oublier les origines britanniques: l'ambition un jour d'utiliser à l'avenir pourquoi pas? des grains en provenance des terres exploitées près de Seneffe par le duc de Wellington. D'ailleurs, les trois whiskys qui voient le jour ont pour nom Surgeon, Nurse et Brancardier en hommage à la fonction de la ferme durant la bataille de Waterloo. Le Brancardier (55 euros) - single grain - malgré son jeune âge déploie déjà des arômes parfumés et un goût au palais étonnamment peu agressif qui évoque l'Armagnac. The Nurse (single cask grain ) se caractérise par une douceur complexe équilibrée par le poivre sauvage. Sa touche de vanille apporte un caractère plus épicé (75 euros). Enfin, The Surgeon (single cask malt) présente un équilibre parfait entre la prédominance du chêne, du genièvre parmi des notes du cuir de l'orge malté et grillé et une saveur épicée arrondie une fois encore par la vanille (95 euros). Bref, on est loin du Waterloo du whisky. L'alcool fort, c'est sans doute ce que l'on devait donner aux soldats blessés de la bataille au moment de l'amputation pratiquée notamment par Guthrie, chirurgien anglais qui fut le Larrey britannique. Une histoire médicale contée par le musée situé dans le corps de logis de la ferme de Mont-Saint-Jean, et qui, au travers de reconstitutions, de maquettes, de vidéos, de témoignages de médecins et de leurs peintures très réalistes, mais aussi d'instruments décrivant la chirurgie pratiquée (la trépanation également) en ces mêmes lieux (dans le corps de logis pour les officiers, la grange pour les soldats) par les chirurgiens britanniques dont des Écossais... ce qui nous ramène au whisky. Cette collection cédée par le Dr Crumplin à Anthony Martin, lequel développe le projet d'un nouveau centre d'interprétation pour la bataille de Waterloo, est remarquablement mise en valeur, et à cette particularité d'être le seul musée de médecine à se situer sur le site du champ de bataille qu'il décrit. Bref, histoire, médecine, bière et whisky sont ici réunis en un même royaume, pardon empire...