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Achats en ligne, réseaux sociaux, déplacements, sports...La récolte des données personnelles est désormais partout. Au bénéfice de qui? Des firmes à l'origine des services proposés: Amazon, Google, Facebook, Samsung, Apple...ou encore d'autres gestionnaires d'applications tierces. Si la balance coûts-bénéfices est toujours en faveur des entreprises, le citoyen se pose aujourd'hui davantage de question sur l'utilisation qui est faite de ses données personnelles. "Nous ne pouvons plus imaginer la vie sans données ni applications. La crise du Covid-19 a également signifié qu'encore plus de choses se passent en ligne, comme la téléconsultation par exemple mais aussi la récolte de données par l'État, via Coronalert par exemple", explique Koen Kas. "En tant que citoyens, nous sommes de plus en plus conscients de l'utilisation des données par des tiers et de son importance. Les centres de connaissances, les universités, les gouvernements et les entreprises ont besoin de données pour pouvoir développer de nouvelles technologies, faire des recherches sur les évolutions, les maladies et j'en passe."La plateforme We Are veut replacer le citoyen au centre des données, en lui donnant le pouvoir de décider s'il veut ou non partager ses données personnelles, et si oui, avec qui. Sur la plateforme, le citoyen est donc aux commandes. Il a une vision claire, à tout moment, sur ce qu'il advient de ses données personnelles. Il choisit quelles données (anonymisées ou non) peuvent être utilisées et par qui. La plateforme, si elle bénéficie au citoyen, sera également profitable pour les entreprises, la recherche et les institutions. "Les données doivent avant tout contribuer à améliorer la santé, le bien-être et la qualité de vie des individus dans leur vie quotidienne", contextualise Koen Kas. "Le projet pilote devrait démarrer bientôt à Anvers, avant de s'étendre progressivement à la Flandre puis à la Belgique entière."À l'origine du projet, une réflexion née lors de la pandémie. Le Covid a complètement décadenassé le "télémonde", à force de téléconférence, télétravail, téléconsultation, mais aussi télésuivi. Ce recours soutenu aux solutions à distance se base sur un amas de données personnelles sans précédent, avec des enjeux éthiques non moins importants. Le suivi de contacts a, pour rappel, mis du temps à éclore, eu égard justement aux considérations sur la protection de la vie privée. "Dans notre système actuel, il semble difficile de concilier innovation et éthique. Dans de nombreux cas, les deux semblent même diamétralement opposés", estimaient en 2020 Jef Hooyberghs, responsable de la recherche au Vito (centre de recherche flamand), Ilse Weeghmans, directrice de la Plateforme flamande des patients, Roel Van Giel, président de Domus Medica, Margot Cloet directrice générale de Zorgnet-Icuro et Gerrit Rauws, directeur de la Fondation Roi Baudouin. Les cinq associations se retrouvent aujourd'hui à la barre de ce grand projet We Are. Non seulement pour sécuriser les données personnelles, mais aussi pour l'innovation, quitte à bousculer les habitudes du marché. "L'utilisation intelligente des données conduit à de nouvelles connaissances, à des processus innovants précieux et à des médicaments et des soins de santé encore meilleurs. Les mégadonnées nous permettront de mieux comprendre qui est à risque de maladies spécifiques et qui bénéficie de traitements particuliers. Cela ne peut se produire si les données continuent à être collectées et stockées dans des silos séparés. Rassembler des données provenant d'une grande variété de sources crée des opportunités pour la recherche et le développement, mais cela nécessitera également que les données soient manipulées avec un soin extrême."Ce qui n'est actuellement pas le cas, puisque les sociétés qui collectent les données sont propriétaires de ces données. Et l'utilisation qui en est faite est opaque. "Le législateur prétend protéger les citoyens, les patients et les consommateurs. Il leur donne même des droits sur l'utilisation de leurs propres données. Néanmoins, les personnes concernées ont rarement un réel contrôle sur leurs propres données."La plateforme We Are reste un pari, car si les citoyens sont prêts à partager leurs données de santé - ce que révèle un forum citoyen organisé par la Fondation Roi Baudouin et Sciensano en 2018 - ils veulent également de la transparence, de la traçabilité et du feedback. Les citoyens veulent également savoir qui utilise leurs données, les finalités pour lesquelles elles sont utilisées et les résultats. Très bien, la plateforme est là pour ça, techniquement. En pratique, il faudra une amélioration substantielle des compétences numériques du citoyen moyen, ainsi qu'une meilleure littératie en matière de santé et une plus grande volonté de participer. Est-ce une tâche impossible? Non, estiment les cinq organisations derrière We Are. "Cette approche nécessitera cependant un nouveau type de collaboration, un écosystème innovant avec une gouvernance appropriée et avec la participation de toutes les parties concernées, y compris les patients et les citoyens. Dans ce système, ils ne fourniront plus passivement des données, mais ils seront des partenaires reconnus et actifs. Ils contribueront à la recherche et à l'innovation et leur partenariat sera valorisé."