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L'étude, axée davantage sur l'aspect économique de la crise, n'est pas dénuée d'intérêt d'un point de vue santé publique. Pour l'IEM, l'économie et la santé publique constituent en effet "deux objectifs qui, loin d'être antinomiques, sont complémentaires dès lors qu'on s'extrait du court terme et adopte une perspective dynamique".L'étude compare l'efficacité des politiques publiques en matière de lutte contre la pandémie. Basé sur la base de données "Our World In Data", le tableau de la mortalité ne nous apprend rien de neuf: en date du 20 mars 2021, l'Europe comptabilise le plus de cas détectés (38 millions) et le plus de morts (877.479), mais se retrouve tout de même derrière l'Amérique du Sud et l'Amérique du Nord en termes de morts par million d'habitants (1.172 en Europe, contre 1.198 en Amérique du Sud et 1.334 en Amérique du Nord). L'Asie, l'Afrique et l'Océanie sont par contre bien loin derrière, quel que soit l'indicateur analysé. "L'ampleur des variations interpellent", expliquent cependant Cécile Philippe et Nicolas Marques, auteurs de l'étude. "Au sein des pays riches, les écarts sont en partie la résultante de choix stratégiques différenciés. Si la plupart des pays ont choisi une démarche dite d'atténuation, d'autres pays ont choisi la stratégie d'élimination du virus. Cela a constitué un champ d'expérimentations grandeur nature au cours des derniers mois. À ce stade, les retours d'expérience montrent que la stratégie d'élimination est plus efficace sur les plans sanitaires et économiques."Il existe en réalité trois stratégies face à l'actuelle pandémie. La stratégie d'atténuation est celle déployée majoritairement en Europe et singulièrement chez nous. Elle vise à limiter l'ampleur de la dissémination du virus, avec comme objectif principal d'éviter la saturation des services de santé. "La France a ainsi expérimenté un confinement strict au début de l'épidémie du fait de la saturation des hôpitaux atteint en mars", illustrent les auteurs. "Depuis, des mesures durables de réduction des contacts et des confinements locaux et courts de zones fortement contaminées ont été imposés dans l'espoir de tenir sous un seuil acceptable le nombre de personnes hospitalisées."La stratégie d'élimination, ou zéro Covid, vise à éradiquer complètement le virus pour permettre un retour à la vie normale. Elle été employée historiquement dans les cas de la variole ou de la rougeole. C'est le chemin choisi par l'Asie et l'Océanie. La Nouvelle-Zélande, par exemple, a imposé un confinement strict au début de l'épidémie pour éliminer la présence du virus sur son territoire. Elle a ensuite rouvert toute sa société, en maintenant en place des contrôles strictes de mobilité aux frontières et une veille active qui oblige de temps à autre à confiner localement certaines zones où le virus est détecté. Récemment, Auckland a ainsi été reconfinée pendant sept jours. Une dernière stratégie consiste à ne rien faire et laisser le virus se propager, à l'instar de ce que prône Jair Bolsonaro au Brésil (bientôt sous enquête pour sa gestion de la pandémie, par ailleurs). "Ils s'étonnent de ce que l'on fasse autant cas d'un virus ayant fait 2,6 millions de morts, chiffre pouvant apparaître comme faible par rapport aux 7,8 milliards d'humains. Ils oublient néanmoins que le nombre de morts a été drastiquement limité par les réactions préventives des individus qui, volontairement, diminuent leur mobilité et par les mesures de contrôle, plus ou moins drastiques, imposées par les pouvoirs publics. Les calculs fondés sur des données chinoises indiquent que le virus se propagerait d'un jour à l'autre par un facteur situé entre 1,1 et 1,2. Si bien qu'au bout de trois mois, si on le laissait faire, il aurait pu contaminer la terre entière faute de réaction collective", rappellent les auteurs. L'IEM a analysé les performances relatives des 11 pays composant le G10, dont la Belgique, et les a comparées à celles de trois pays de l'OCDE appliquant la stratégie zéro Covid (Australie, Nouvelle Zélande et Corée du Sud). Résultat? "L'analyse des données de mortalité, de croissance économique et de mobilité montre que les intérêts sanitaires, économiques et sociaux sont alignés", répondent les auteurs. "Les pays ayant réduit au minimum la circulation du virus avec une stratégie zéro Covid s'en sortent le mieux. Ils enregistrent sensiblement moins de décès, leurs économies se portent mieux, leurs populations sont moins handicapées par des restrictions de mobilité relevant de démarches volontaires ou de mesures contraignantes à caractère obligatoire. Ils sont en mesure de mettre en place des campagnes de vaccination progressives et organisées, minimisent le nombre de personnes présentant des symptômes de longue durée (Covid long), peuvent maintenir les écoles ouvertes sans compromettre la santé des enfants et celle de leurs enseignants et minimisent les risques de voir apparaître des variants du fait de l'absence de contamination. Les pays en proie à une circulation virale significative sont à la peine. En plus des malades et des morts, les chutes de mobilité sont très significatives et l'activité économique et sociale est au ralenti."Si tous ces éléments plaident pour une analyse poussée des coûts et avantages de la stratégie zéro Covid, au regard de notre stratégie d'atténuation qui s'avère longue et coûteuse, il faut néanmoins nuancer le propos de l'étude qui s'attarde sur des stratégies menées dans des pays relativement facile à isoler. C'est le cas de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie qui sont des îles, mais aussi de la Corée du Sud qui n'a que la Corée du Nord comme frontière terrestre et aucune interaction avec cette dernière. On voit d'ailleurs les effets positifs de l'isolationnisme au Japon (voir graphique), mais aussi à Taïwan, non repris dans l'étude. On se rappelle également de la mesure forte du gouvernement australien qui dès octobre 2020, annonçait l'impossibilité de voyager vers l'étranger jusqu'en 2022. Une stratégie zéro Covid semble effectivement plus difficile à mettre en place dès lors que l'on ne maîtrise pas les déplacements de ses citoyens, ce qui est le cas en Europe, terre mère des migrations.